Alerte canular : 600 € d'amende et 4 mois fermes

Pour « rire », un farceur joint deux fois le CROSS pour signa­ler des urgences imagi­naires au large d’Agde : un navire en diffi­culté puis un homme à la mer. Bilan : de coûteuses et inutiles recherches de nuit par météo adverse, puis l’ap­pli­ca­tion stricte de la loi avec amende et prison ferme.

 

Fausse alerte : « je voulais juste rigo­ler »

« Le rire est le propre de l’homme » a dit le philo­sophe Rabe­lais. Et la bêtise ? D’hu­meur farceuse et incon­sé­quente, un soir d’avril 2016, un jeune habi­tant de l’Hé­rault se saisit de sa VHF pour signa­ler au CROSS un navire en diffi­culté. Une inven­tion. Pour parfaire son canu­lar, il appelle encore, cette fois depuis son portable, et annonce un homme à la mer. Autre inven­tion. « C’était une farce. Je voulais juste rigo­ler » s’ex­pliquera-t-il en mars dernier au tribu­nal de Béziers.

Mais n’an­ti­ci­pons pas. Retour à la soirée du 18 avril 2016. Au CROSS La Garde, ses appels enre­gis­trés sont pris au sérieux même si le requé­rant a disparu des ondes. On ne joue pas avec la vie d’un homme. D’im­por­tants moyens sont enga­gés. La SNS 211 Terrisse de la station SNSM du Cap d’Agde appa­reille dans la nuit. Un héli­co­ptère de la gendar­me­rie décolle avec ses plon­geurs. Les pompiers et leur brigade nautique sont mis en patrouille… Sur une mer agitée commencent de longues et minu­tieuses recherches. Après de nombreuses heures d’ef­forts, ces recherches vaines sont suspen­dues. Au CROSS, le dossier est classé « Fausse Alerte », faute d’autres éléments. Bien­tôt le canu­lar est éventé : le numéro et la loca­li­sa­tion du plai­san­tin ont été enre­gis­trés sur les écrans de la salle de comman­de­ment où se relayent les perma­nents du CROSS.

 

Un délit enca­dré par la loi

« Désor­mais, explique-t-on à la préfec­ture mari­time de Toulon, nous pour­sui­vons les appels fantai­sistes et dépo­sons plainte au procu­reur de la Répu­blique dans la juri­dic­tion concer­née ».

C’est un délit enca­dré par la loi. La plainte de la préfec­ture mari­time de Toulon pour­suit son chemin. Patrick Tous­tou, délé­gué dépar­te­men­tal de la SNSM pour l’Hé­rault, et dont la famille se dévoue pour le sauve­tage en mer depuis 140 ans, est intran­si­geant : « Ne pas réflé­chir à la portée de ses actes, cela nous pose un problème ». En fait, un problème triple. Pratique d’abord : « Enga­gés dans une opéra­tion bidon, les Sauve­teurs en Mer ne pour­ront inter­ve­nir simul­ta­né­ment pour une urgence justifiée ». Moral aussi : « Sur un appel, les béné­voles aban­donnent famille, travail, loisir pour se porter gratui­te­ment au secours d’in­con­nus et prendre des risques pour les arra­cher à un danger réel ». Et d’en­fon­cer le clou : « On ne peut se moquer des valeurs qui animent leur enga­ge­ment désin­té­ressé, leur courage obstiné ». Dernier volet du triple problème, l’as­pect finan­cier : « Pour sauver des vies, rappelle Patrick Tous­tou, il faut des canots, du carbu­rant, de l’en­tre­tien, de la forma­tion. Bref, de l’ar­gent. On ne peut dila­pi­der nos ressources qui, à 79 % sont des ressources d’ori­gine privée (46 % sont des dons collec­tés auprès du public) ». Or la fine plai­san­te­rie d’avril 2016 a coûté 600 € de carbu­rant pour alimen­ter les deux puis­sants Cater­pillar C-7 de la SNS 211 Terrisse, ainsi qu’en témoi­gnera son patron, Mathieu Daudé, lors du procès.

En 2016, le CROSS La Garde et son antenne de Corse ont géré 3 122 opéra­tions, permet­tant de sauver 1 343 personnes et d’en assis­ter 4 223 autres. Cela ne laisse pas de place à des plai­san­te­ries. D’au­tant que les canu­lars (à distin­guer des fausses alertes géné­rées de bonne foi par des proches inquiets ou des témoins abusés) sont répri­més par la loi : la sanc­tion peut atteindre 2 ans de prison et 30 000 €. La condam­na­tion du plai­san­tin de l’Hé­rault a été plus douce : une amende de 600 € au bénéfice de la SNSM et 4 mois de prison ferme. Dissua­sif ? On l’es­père quoique la bêtise soit, parfois, le propre de l’homme.

 

D’après un article de Patrick Moreau, paru dans le Maga­zine Sauve­tage n° 140 (2e trimestre 2017).