Charlotte, Sauveteuse en Mer : "comment j'ai rejoint la SNSM"

Char­lotte Spille­mae­cker est Sauve­teuse Embarquée à la station de sauve­tage SNSM de Loguivy-de-la-Mer. Aujour­d’hui, elle raconte son expres­sion en tant que béné­vole et son parcours. Témoi­gnage.

"La SNSM (Société Natio­nale de Sauve­tage en Mer) pour tous ceux qui ont fait un peu de bateau dans leurs jeunes ou moins jeunes années, c’est une asso­cia­tion d’anges gardiens mâti­nés de surhommes, qui viennent vous cher­cher en mer et vous rame­ner à l’abri quand rien ne va plus. Quand votre moteur vous lâche, que vous démâ­tez, que votre équi­pier passe par dessus bord, que vous avez un trou dans la coque ou un bout dans votre hélice, un appel radio au CROSS, ou un coup de fil au 196 et hop, une belle vedette et son équi­page en orange viennent vous porter secours.

Pour ceux d’entre nous qui ont dispersé les cendres de proches en mer, les béné­voles de la SNSM c’est aussi beau­coup de pudeur et d’em­pa­thie.

Après l’une ou l’autre de ces rencontres, certains d’entre nous soutiennent cette belle asso­cia­tion en faisant plus ou moins régu­liè­re­ment un don qui aide les stations à entre­te­nir leurs embar­ca­tions, à ache­ter du maté­riel et à former leurs Sauve­teurs en Mer.

Et puis parfois on se dit qu’on pour­rait faire mieux, en offrant son temps et son éner­gie, mais rejoindre ces équi­pages un peu mythiques parait souvent hors de portée."

 

Appren­tis­sage des nœuds correc pendant mon premier embarque­ment

 

"C’est ce que j’ai ressenti il y a un an et demi, en voyant le fier canot tous temps de la station SNSM de Loguivy-de-la-Mer dans le port de Paim­pol pendant la fête des vieux grée­ments. Je suis allée discu­ter avec un des béné­voles qui faisaient visi­ter le bateau pour savoir comment je pour­rais aider. Ici, je dois préci­ser que je suis loin d’être un marin, et qu’à part mon permis côtier et la petite expé­rience de nos balades en mer du côté de Paim­pol et Bréhat, je n’avais pas grand chose à offrir en termes de compé­tences ! Je pensais qu’on allait me propo­ser de parti­ci­per à l’en­tre­tien des bateaux ou à des ventes de gâteaux pour récol­ter des fonds (et je l’au­rais fait avec plai­sir) Inutile de vous dire que j’ai été surprise (et ravie !) quand on m’a proposé de venir assis­ter à une réunion à la station pour me rensei­gner et envi­sa­ger de deve­nir Sauve­teur Embarqué. Le vendredi suivant, très inti­mi­dée, je suis donc allée rencon­trer l’équipe et le président de la station, poser mille ques­tions, en oublier autant ; et le dimanche, j’avais rendez-vous sur le port de Loguivy pour parti­ci­per à un exer­cice avec les Sauve­teurs en Mer et me faire mon idée sur la suite des évène­ments. Ce jour-là, sur le bateau, malgré mes maladresses et un peu de stress, je me suis sentie bien.

Évidem­ment, je ne me suis pas trans­for­mée en super-cano­tier par magie ; je suis toujours en appren­tis­sage, il y a encore un milliard de choses que je ne maîtrise pas, quelques-unes aussi que ma force physique ne me permet pas de faire seule, mais j’aime vrai­ment cet univers. Le sauve­tage, quand on n’est pas marin (contrai­re­ment à la plupart des membres d’équi­page sur ces bateaux, qui, rassu­rez-vous, sont d’ex­cel­lents navi­ga­teurs) ça s’ap­prend sur le tas, au fur et à mesure des exer­cices qui ont lieu le dimanche matin, et des inter­ven­tions auxquelles on parti­cipe."

 

Le Canot Tous Temps SNS 090 « Zant-Ivy » de la SNSM Loguivy

« Pendant un an, j’ai été 'cano­tière suppléan­te’. L’équi­page doit comp­ter au moins cinq Sauve­teurs en Mer pour pouvoir partir en inter­ven­tion avec un Canot Tous Temps (dont nous sommes équi­pés à Loguivy) : un patron, un mécano, un radio et deux cano­tiers. Quand on débute et qu’on n’est pas à même d’as­su­rer le travail d’un équi­pier, on est suppléant, c’est à dire qu’on est le sixième ou septième membre d’équi­page. On parti­cipe aux manoeuvres et aux inter­ven­tions, mais comme on est en surnombre, la pres­sion est moins forte (rela­ti­ve­ment… parce que ma hantise pendant cette période était de m’en­tendre dire 'écoute, c’était sympa mais vrai­ment, tu n’as pas le niveau, tu ne peux pas rester’). »

Le semi-rigide « Ivy-Bihan » des Sauve­teurs en Mer de Loguivy

"Et depuis peu, je ne suis plus suppléante. Je suis cano­tière à la station SNSM de Loguivy-de-la-Mer et c’est une très grande fierté. J’ai reçu ma tenue orange flam­bant neuve. Et on a même été filmés par Thalassa – oui, l’émis­sion que j’ai sans doute regardé le plus souvent en 42 ans – c’est mon papa qui aurait été fier de sa fille !

J’ai la chance d’avoir inté­gré une station où les béné­voles, des plus anciens aux plus novices, ont tous l’en­vie de parta­ger leur savoir-faire, de vivre des moments convi­viaux et de se serrer les coudes quand ça se complique. Ca n’ex­clut pas quelques saines engueu­lades car on n’est pas chez les Bisou­nours, mais l’am­biance est très chaleu­reuse. Et que dire du shoot d’adré­na­line quand le bip reten­tit et qu’on part en inter­ven­tion au beau milieu de la nuit? Bizar­re­ment, moi qui n’ai rien d’une aven­tu­rière, j’adore ça…"

 

Les Sauve­teurs en Mer – SNSM de Loguivy en inter­ven­tion

 

« Le cano­tier, c’est un peu le mate­lot sur un canot de sauve­tage. Nos missions sont très variées. La première c’est de mettre à l’eau l’an­nexe et de faire le navette pour amener l’équi­page à bord ; mais en cours d’in­ter­ven­tion, on peut être amenés à passer sur le bateau requé­rant pour colma­ter une voie d’eau ou assé­cher la cale avec une moto­pompe, à poser une remorque pour le rame­ner au sec, à utili­ser une lance à incen­die, et à barrer la vedette pour soula­ger le patron quand les sorties s’éter­nisent. Certaines manoeuvres sont très impres­sion­nantes pour les novices, mais on est toujours épau­lés par des sauve­teurs expé­ri­men­tés. J’avoue que la première fois qu’on m’a confié la barre du Zant Ivy, j’avais les genoux qui s’en­tre­choquaient et ça n’était pas dû au froid ! »

 

Le Canot Tous Temps SNS 090 « Zant-Ivy » de la SNSM Loguivy
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"Pour ceux que cela tente­rait, il y a des critères à remplir. Il faut :

  • Être physique­ment en forme, ça tombe sous le sens, mais vous passe­rez une visite médi­cale chaque année et sans certi­fi­cat médi­cal, vous n’em­barque­rez pas. On ne vous demande pas d’être Hulk (ouf !) mais d’avoir une condi­tion physique compa­tible avec la mission.
  • Si possible avoir son permis côtier (dans certaines stations, on vous accep­tera sans et vous pour­rez le passer en cours de route, mais comme on est tous amenés à prendre la barre des bateaux, c’est plus sécu­ri­sant de connaître le bali­sage et d’être un peu amariné). Si vous avez des compé­tences parti­cu­lières, que vous êtes mécano, méde­cin ou infir­mier, secou­riste, c’est encore mieux.
  • Pouvoir embarquer en moins de 15 minutes après le bip (donc si vous habi­tez à 25 km de la station la plus proche, c’est cuit). Pensez que quand ça sonne en pleine nuit, sauter du lit, s’ha­biller, aller à sa voiture et faire le trajet rendent ce quart d’heure-là très très court. Le café, ce sera sur le bateau après le départ (oui, on a une bouilloire à bord, et plein de vivres aussi, le casse-croûte est assuré) !
  • Être dispo­nible au mini­mum quelques jours par mois, mais pas forcé­ment autant qu’on l’ima­gine ; même si la personne qui gère le plan­ning des équi­piers s’ar­rache parfois les cheveux, on est quelques-uns à être sur place à temps partiel et ça se passe bien.

 

Les Sauve­teurs en Mer – SNSM Loguivy: lors d’un exer­cice « homme à la mer », certains se jettent à l’eau

 

"Et puis aussi :

  • Avoir réel­le­ment envie de s’im­pliquer, parce que si vous entrez à la SNSM pour faire des prome­nades en mer et bron­zer, quand vous ferez votre première sortie de nuit, en hiver, sous des trombes d’eau (froide), vous serez déçu.
  • Ne pas être trop suscep­tible ; en inter­ven­tion, tout va vite et le stress fait parfois haus­ser le ton ; ça n’est jamais méchant mais si vous êtes scan­da­lisé quand on ne vous dit pas 's’il te plaît’ et 'merci tu es bien urbain’ sur le champ, lais­sez tomber. Si vous voulez jouer les héros mais que ça vous gonfle de parti­ci­per à des trucs moins pres­ti­gieux (rincer les annexes au retour d’une sortie, passer un coup de balai brosse sur le pont du bateau…), là aussi vous pouvez passer votre chemin. La SNSM, c’est une asso­cia­tion et chacun met de la bonne volonté y compris dans les acti­vi­tés moins fun. Ceci dit, l’es­prit entre sauve­teurs est clai­re­ment à la cama­ra­de­rie et à moins d’être vous-même désa­gréable, vous serez très bien accueilli.
  • Être assez humble pour dire quand vous ne savez pas faire : ben oui, quand on n’est pas marin, il y a des choses qui sont évidentes pour nos coéqui­piers mais pas pour nous ! Personne ne vous en voudra jamais d’avoir demandé de l’aide, par contre s’en­tê­ter à faire tout seul un truc qu’on ne maîtrise pas, au mieux ça ne sert à rien, au pire c’est dange­reux. Posez toutes les ques­tions qui vous viennent, même si elles vous paraissent ridi­cules. Le Sauve­teur en Mer peut être taquin mais il répon­dra très volon­tiers !
  • Comprendre comment marche un équi­page : chacun fait son boulot, et personne ne conteste les déci­sions du patron, parce que s’il est patron et pas vous ça n’est pas par hasard. Rien n’em­pêche de dire après coup qu’on aurait fait comme ceci ou comme cela, mais en cours d’in­ter­ven­tion on ne discute pas.
  • Être un mini­mum sérieux quand on est d’as­treinte : on ne parle pas de vivre en ascète, hein, mais on évite les beuve­ries jusqu’à quatre heures du mat’ puisqu’il faut être en état de partir à n’im­porte quelle heure (et aussi parce qu’en cas d’ac­ci­dent à bord, le contrôle d’al­coo­lé­mie à l’ar­ri­vée au port ne sera pas en option) ; pas de bipper en panne de batte­rie ou oublié à la maison… c’est un vrai enga­ge­ment, même si on sort souvent pour des remorquages de bateaux en avarie où il n’y a pas de danger immé­diat, le pire peut toujours arri­ver.
  • Et surtout, être prêt à vivre une belle aven­ture, rencon­trer des gens formi­dables et parta­ger plein de très bons moments !
  • Être prêt à se lever le dimanche matin pour parti­ci­per aux exer­cices orga­ni­sés par les patrons, quelles que soient la météo et vos acti­vi­tés du weekend (souve­nir impé­ris­sable d’un exer­cice 'spécial gros temps’ un lende­main de fête en plein mois de février). Ces exer­cices ne sont pas obli­ga­toires mais plus vous irez, plus vite vous serez à l’aise et opéra­tion­nels (et c’est toujours très sympa !)."

Si vous avez des ques­tions, vous pouvez vous rendre dans la station la plus proche de chez vous, l’ac­cueil est toujours bien­veillant et vous obtien­drez toutes les réponses que vous cher­chez !"

 

D’après un témoi­gnage de Char­lotte Spille­mae­cker publié sur son blog.

 

Site inter­net de la station SNSM de Loguivy-la-Mer
Blog de Char­lotte Spille­mae­cker