Drôle de retraite pour Mimich

Patron suppléant du canot tous temps de Loguivy, le Zant-Ivy, Michel Morin a orga­nisé sa « retraite » de « voileux » profes­sion­nel autour de la SNSM. Sa seconde famille.

Michel Morin observe. Pour mieux surveiller l’exer­cice de récu­pé­ra­tion d’un homme à la mer, il a même pris de la hauteur en gravis­sant les marches de l’échelle qui mènent au poste de timo­ne­rie exté­rieur du SNS 090. Souvent c’est lui qui commande le Zant-Ivy, le canot tous temps de Loguivy-de-la-mer. Aujour­d’hui, devant Bréhat, c’est Antoine Breton, un des quatre autres patrons suppléants qui a l’ini­tia­tive des opéra­tions. Qu’im­porte le temps, chaque lundi, parfois de nuit, ils répètent scru­pu­leu­se­ment ces gestes qui sauvent. Aujour­d’hui, Michel occupe le second rôle. La semaine prochaine, pendant huit jours, 24 heures sur 24, il sera d’as­treinte et assu­rera si néces­saire la direc­tion des opéra­tions secondé par un équi­page dont il souligne les compé­tences et le dévoue­ment. Pour n’en citer que quelques-uns : Hervé Mordel­lès, le patron titu­laire, ex marin-pêcheur de Loguivy, Alain Le Meur, ancien pilote du port de Pointe-à-Pitre, Daniel Botho­rel, ex plon­geur de la fluviale, Jean-Yves Perrot, guet­teur séma­pho­riste à la retraite, Gaël Conan, Capi­taine au long cours, Stéphane et Jacky deux méca­ni­ciens hors pair, sans oublier Susanne, origi­naire de la Forêt Noire, l’une des plon­geurs de bord.


Ce ne sont pas toujours des exer­cices. Son souve­nir le plus marquant ? Il y a trois ans il a fallu partir par cinquante noeuds de vent cher­cher un semi-rigide qui s’était aven­turé jusqu’aux Roches Douvres pour pêcher. Bilan : un disparu mais trois resca­pés que la SNSM a pu rame­ner. « C’est vrai, recon­naît-il, qu’il nous arrive de navi­guer parfois à flux tendu. D’as­su­rer des missions de sauve­tage dans une zone diffi­cile, truf­fée de cailloux et de hauts-fonds, avec parfois une mer qui lève très vite en raison de courants violents, plus de cinq noeuds. Mais, j’aime ça. La station, ajoute-t-il, c’est ma seconde famille. J’y tiens par-dessus tout. J’ai orga­nisé ma vie par et pour la SNSM ». Sa compagne et ses deux filles semblent s’en accom­mo­der. Michel Morin sait qu’il est en sursis. Qu’il a déjà dépassé la limite d’âge fixée à 65 ans et obtenu trois déro­ga­tions. Mais il suffit de le voir se dépla­cer sur le pont du Zant-Ivy ou manoeu­vrer à bord de son voilier de croi­sière, un Pogo 8,50, pour comprendre qu’il affiche une sacrée forme physique. C’est vrai qu’avec le temps il a perdu de sa gouaille, héri­tage de ses origines pari­siennes.

 

« C’EST MA SECONDE FAMILLE. J’Y TIENS PAR-DESSUS TOUT »

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Pour tous, Mimich, un surnom qui lui colle à la peau depuis sa parti­ci­pa­tion au premier Défi des Ports de Pêche, a droit au respect du monde mari­time. Point de longs discours pour le justi­fier. Sa vie, il l’a vouée à la mer et aux bateaux avant de prendre sa retraite à Plou­baz­la­nec en 1997. Un livre ne suffi­rait pas à la racon­ter. On ne résume pas en quelques lignes ses 25 années passées au Glénan où en 68, il fait son entrée à l’École des Chefs de Bases de Concar­neau avant de partir monter les bases de Boni­fa­cio, de l’Ile d’Arz et de Balti­more, en Irlande. Dans les années 70, il s’ins­talle à Paim­pol pour diri­ger les stages de moni­teur sur les Dogres, Galiotes, et autres Mousque­taires avant de retour­ner à Concar­neau durant deux ans où il assume la respon­sa­bi­lité des gros bateaux de l’époque, Glénans, La Sereine, Paly­no­die, l’Iroise.


De la croi­sière, il passe à la Course en embarquant comme équi­pier sur le cata­ma­ran d’Éric Loizeau, Roger&Gallet. Une expé­rience prétexte à navi­guer avec l’une de ses idoles, Michel Vanek, l’ex-équi­pier de Pen Duick III. Aux côtés de Patrick Éliès et de Gilles Griau, il s’en­gage dans les Courses du RORC (Royal Ocean Racing Club), ultime étape avant de goûter au soli­taire qu’il découvre pour la première fois en 87 à l’oc­ca­sion de la Mini Tran­sat qu’il dispute sur un Coco. A son actif, quatre éditions dont une en 91 où son bateau perd sa quille. Infa­ti­gable, il crée à Loguivy, avec un autre chef de base, la Régate des Lilas Blancs, une épreuve desti­née à réunir le monde de la pêche et de la plai­sance. Et surtout, il ne manque jamais une occa­sion de parti­ci­per au Défi des Ports de Pêche pour défendre les couleurs de Loguivy.


Côté terre, de 1987 à 1997, Michel crée une société spécia­li­sée dans le grée­ment et une voile­rie. En 2007, à l’in­vi­ta­tion d’un de ses amis, Philippe Riou, Mimich fait son entrée à la SNSM. En un mois, il passe du poste de radio-navi­ga­teur à celui de patron suppléant, « J’en tire une certaine fierté », avoue-t-il. Avec l’hu­mi­lité qui colle aux gens de mer devrait-on ajou­ter.


Sauve­tage – numéro 126 – Bernard Rubin­stein