Jean-Louis Haudrechy, président homme-orchestre de Bernières-sur-Mer

Jean-Louis Haudre­chy, éner­gique président de la station saison­nière de Bernières-sur-Mer (14), fait bien plus que prési­der. Pour stimu­ler la tréso­re­rie, rempla­cer le maté­riel, gérer les quatre nageurs sauve­teurs de son poste opéra­tion­nel en juillet et août, il se mobi­lise 7 jours sur 7 et 12 mois sur 12. Portrait d’un homme-orchestre.

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Jean-Louis Haudrechy, président de la station saisonnière de Bernières-sur-Mer, pose devant le poste de secours et le semi-rigide de la station. ©Patrick Moreau

« Et voilà. » En deux mots brefs, Jean-Louis Haudre­chy, soixante-douze ans et de l’éner­gie à revendre, résume son acti­vité à la tête de la station de Bernières-sur-Mer.

Située plein nord à 19 kilo­mètres de Caen, il la préside depuis 2018. Un béné­vo­lat à plein temps. En arri­vant, il a trouvé une tréso­re­rie anémique. « Or, pour tour­ner, précise-t-il, il nous faut abso­lu­ment 4 000 euros par an. Cela couvre l’achat de carbu­rant pour notre Noé II (l’in­dis­pen­sable semi-rigide) et tout le petit maté­riel. » Un raccourci pour évoquer tant des VHF étanches que le sac médi­ca­lisé ou la machine à laver pour le confort des jeunes nageurs sauve­teurs, qui se succèdent chaque été dans la vigie. Au-dessus des cabines typiques de la côte normande, elle domine, telle une tour de contrôle, la plage et ses 800 mètres de baignade surveillée.

Pour trou­ver cet argent, Jean-Louis orga­nise six stands par an, au super­mar­ché du bourg (2 300 habi­tants) ou
lors des mani­fes­ta­tions de l’été. En plus de Lucie, la tréso­rière, Denise – sa femme – est alors une précieuse assis­tante pour instal­ler le stand, plan­ter les drapeaux SNSM, gérer le stock des tee-shirts, casquettes et autres objets signés propo­sés à la vente. Et rembal­ler. Et ranger dans leur garage.

Le résul­tat finan­cier n’est pas toujours au rendez-vous. C’est que Bernières est coin­cée entre deux grosses stations : Cour­seulles-sur-Mer et Ouis­tre­ham.

Des heures passées debout, des week-ends sacri­fiés, il ne dira rien. Autre source de reve­nus : les troncs en forme de canot. « J’en ai déposé deux. Un à la boulan­ge­rie du centre au pied de l’église (du XIIe siècle). L’autre à celle de l’In­ter­mar­ché. » Les pièces jaunes et parfois blanches sont dûment comp­ta­bi­li­sées par Lucie Villard, la co-prési­dente et tréso­rière. Elles génèrent un revenu appré­ciable. Mais insuf­fi­sant pour inves­tir dans du maté­riel lourd. Or, la station avait abso­lu­ment besoin d’un nouveau semi-rigide, plus une remorque, plus un trac­teur, tous à bout de souffle.

Un budget total de l’ordre de 20 000 euros. Bien au-delà de nos moyens. C’est l’In­ter­mar­ché qui nous a sauvés avec un chèque de 12 000 euros.

Déco­dage : Jean-Pierre Le Roch, fédé­ra­teur du grou­pe­ment Les Mousque­taires, aujour­d’hui Inter­mar­ché, a voulu en 1998 une fonda­tion qui puisse aider tant l’Ins­ti­tut Pasteur que la SNSM. Sa contri­bu­tion aux moyens de la SNSM a été de 200 000 euros cette année. Dont 12 000 euros pour l’achat du Noé II, son moteur – un Yamaha de 20 ch – et sa remorque. Un grand nom pour un modeste gonflable de 4,20 mètres !

Son choix n’a d’ailleurs pas été simple. « À la contrainte budgé­taire, pour­suit le président, s’en ajou­tait une autre, tech­nique. Je tenais à un fond en alu. Sur le précé­dent canot, le fond en plas­tique avait très mal résisté à nos condi­tions locales. » Soit une plage de sable dont l’es­tran est litté­ra­le­ment miné de larges galets. Rugueux comme une râpe à bois, ils sont voraces ! Autre contrainte : les îles de Bernières, presque sous la ligne des 300 mètres. En fait, un long récif de banches calcaires qui découvre aux grandes marées. Formi­dable pour la pêche aux bouquets, moins pour une coque en plas­tique ou une hélice sans garde.

Restait le problème du trac­teur. « La solu­tion, c’est la mairie qui nous l’a appor­tée avec un petit 4×4 Jobber tout neuf. Elle en est proprié­taire mais nous le prête pour la saison. Il est parfait, bien mieux avec un plateau pour le trans­port d’une victime, et deux sièges. Il peut se dépla­cer très rapi­de­ment. D’où l’idée, encore à concré­ti­ser, d’étendre la zone de baignade jusqu’à Saint-Aubin, à l’est. » Pas sûr car, à l’usage, le Jobber s’est parfois montré aller­gique à l’eau de mer. Aussi, le vieux trac­teur demeure-t-il en réserve. Tout est paré.

Ressources finan­cières, maté­riel au top, là ne s’ar­rêtent pas les missions du président d’une station saison­nière. Il y a les hommes, bien sûr. À Bernières, ils sont quatre, tous nageurs sauve­teurs certi­fiés : un chef de poste, son adjoint, deux « SQ » (sauve­teurs quali­fiés). « Ils changent d’une saison à l’autre, précise Jean-Louis. Ils sont géné­ra­le­ment issus du centre de forma­tion SNSM de Caen-Ouis­tre­ham, notre voisin. » 

Nos dangers locaux sont un courant ouest-est avec le flux et les épis où les chutes sont fréquentes. Les véli­plan­chistes peuvent être concer­nés. Et bien sûr l’aug­men­ta­tion rapide des kite­sur­feurs.

Plage fami­liale par essence, Bernières est en passe de deve­nir un spot. « Le reste, conclut Jean-Louis, c’est bobo­lo­gie, enfants égarés et préven­tion. » À son initia­tive, celle-ci s’étend jusqu’aux dangers de l’ex­po­si­tion au soleil. Des panneaux bien conçus, rédi­gés avec le concours du centre anti­can­cé­reux de Caen, les détaillent. Tout un sujet.

Alors, facile la tâche d’un président ? Réponse modeste de l’in­té­ressé : « On s’en sort ! » Et bien.

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De gauche à droite : Jean-Louis Haudre­chy, président, Kevin Coua­non, Oriane Lenoël et Basile de Juan, nageurs sauve­teurs. ©D.R.

Portrait rédigé par Patrick Moreau, paru dans le maga­zine Sauve­tage n°154 (4ème trimestre 2020)