Jean-Pierre, le forban de l’Herbaudière

Marin-pêcheur à la retraite, Jean-Pierre est depuis plus de trente ans béné­vole de la SNSM. Sur le port ou à bord, il est plus connu sous le surnom de Forban.

C’est un rituel pour les béné­voles de la station SNSM de l’Her­bau­dière. Pour eux, pas ques­tion de manquer la réunion du vendredi soir qui se tient sur le port à l’Es­cale Nautique, un local suffi­sam­ment grand pour accueillir ce jour-là près d’une ving­taine de personnes. Jean-Marc Le Guen, à la barre de la prési­dence de la station depuis deux ans, ex-inspec­teur de la navi­ga­tion aux affaires mari­times, dirige les opéra­tions. Dès son arri­vée, il a tenu à rajeu­nir toute l’équipe. Et ça se voit avec une moyenne d’âge qui tourne autour de 45 ans. Il faut saluer la présence de deux femmes parmi l’équipe de béné­voles enthou­siastes : Paola Couillon, la tréso­rière, Mary­line Dubois, char­gée de la gestion des stocks et bien­tôt  une troi­sième : Ange­lina Carpe­net, psycho­logue, consciente qu’elle pour­rait mettre son métier au service des trau­ma­ti­sés des sauve­tages.

En tout cas, impos­sible de ne pas remarquer Jean-Pierre Couton. Il a une gueule bien connue dans tout Noir­mou­tier et un surnom qui lui colle à la peau, « le Forban ». « Je le dois d’une vieille tante, avoue t-il. Il m’est resté. ». C’est dire qu’au sein de la SNSM, Jean-Pierre, 55 ans, est une figure. Il ne manque pas de reven­diquer une passion pour l’océan née de l’en­fance. Une époque où il préfé­rait la pêche à pied devant chez lui plutôt que les cours de français. Son père était agri­cul­teur sur l’île. Il sera marin, foi de noir­mou­trin, avant de mettre sac à terre il y a tout juste quelques mois.

Après un passage par l’école d’ap­pren­tis­sage mari­time, Jean-Pierre embarque pour Bombay comme grutier sur un porte-contai­ner, le Roche­fort. Il y restera cinq années avant de reve­nir à son premier amour: l’île de Noir­mou­tier. Aux côtés de son beau-père, il se tourne vers la pêche, avant de voler de ses propres ailes et de deve­nir patron d’un bateau de pêche de 12 mètres. Son nom de baptême, le Forban. « J’ai toujours été un peu rebelle. J’avais mauvais carac­tère, j’étais souvent prêt à en découdre avec le premier venu. Mais aujour­d’hui, je me suis bien calmé ». Il n’em­pêche qu’à bord du Forban, Jean-Pierre travaille dur. Pas de samedi, ni de dimanche. Qu’im­porte !

En 1981 c’est comme sous-patron qu’il rentre à la SNSM et embarque sur le premier canot de sauve­tage de l’Her­bau­dière, le Georges Clémen­ceau. C’était l’époque où il était entre­posé dans le hangar et lancé sur des rails à l’aide d’un treuil confié à un sacré gaillard, Eugène Gourant. « Sûr, rapporte Jean-Pierre, l’ar­ri­vée du bateau en 1990, le canot tous temps 069 Georges Clémen­ceau II, ça nous a changé la vie. Avec le premier, on marchait à une dizaine de nœuds. Sur son remplaçant, on dépasse les quinze en profi­tant d’un vrai confort ».

Dans le port en eaux profondes de l’Her­bau­dière, où coha­bitent pêcheurs et plai­san­ciers, impos­sible de le manquer. Il dispose de son propre ponton, tout proche de la sortie du port. Il est complété par deux autres navires, la vedette 453 et le semi-rigide 600 l’Ame Her. Avec 125 sorties par an, 44 sauve­tages, 90 personnes assis­tées et 43 en péril, il faut bien 3 embar­ca­tions. Une acti­vité qui témoigne de la situa­tion stra­té­gique de Noir­mou­tier, la proxi­mité de l’en­trée de la Loire et les nombreux cailloux de la baie de Bour­gneuf.

Toute ma vie, j’ai tout donné à l’océan. Les vacances, j’en ai pris une semaine en tout et pour tout. Mais l’eau, elle est vitale pour moi.

Après une sortie en mer sur le canot, Jean-Pierre retourne dans sa maison, face à la mer, à deux pas du port. Comme il le fait chaque matin, sur les coups de cinq heures, il ouvrira ses volets pour porter son regard sur la Baie de Bour­gneuf. Et pour occu­per son temps libre, plutôt que d’al­ler chan­ter comme avant au Bon Coin et à la Grand-Voile, aujour­d’hui il s’est mis à brico­ler.

Il a tiré un trait sur son passé tumul­tueux. Mais son surnom, lui, est resté.