François Gabart, skipper du trimaran MACIF

À 35 ans, François Gabart a tout gagné : entre autres à bord du soixante-pieds « MACIF » le Vendée Globe et la Route du Rhum. À bord du trima­ran « MACIF », il a notam­ment décro­ché le record du tour du monde en soli­taire en décembre 2017. C’est un grand cham­pion modeste. Le 24 juin 2018, au lende­main de la Jour­née natio­nale des Sauve­teurs en Mer, il arrive sans se faire remarquer au point de départ de la course de stand-up paddle à laquelle il va parti­ci­per sur la Seine, avec des sauve­teurs de la SNSM venant de la France entière. Très spor­tif, bien sûr, il porte encore, comme un tatouage, un chiffre d’iden­ti­fi­ca­tion du triath­lon qu’il a couru le matin même. Le stand-up paddle, il connaît. Il a même essayé un paddle à foils, pour voler sur l’eau, comme de plus en plus de bateaux de course. Avant le départ, il répond à quelques ques­tions de Jean-Claude Hazera pour « Sauve­tage ».

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Le dimanche 17 décembre 2017, François Gabart passe la ligne d’arrivée de son tour du monde en solitaire. Le skipper établit un nouveau record en 42 jours 16 heures 40 minutes et 35 secondes. ©Yvan Zedda Alea Macif

Vous allez parti­ci­per à une course de stand-up paddle sur la Seine dans le cadre de la Jour­née natio­nale des Sauve­teurs en Mer. Vous faites partie de ceux qui soutiennent les sauve­teurs depuis toujours, par tradi­tion fami­liale, ou de ceux qui les ont décou­verts un jour ?

François Gabart : Je fais partie de la première caté­go­rie, sans le moindre doute. J’ai des parents et grands-parents plai­san­ciers. Aussi loin que ma mémoire d’en­fant remonte, la famille visi­tait le Salon nautique et s’ar­rê­tait au stand des Sauve­teurs en Mer. Très jeune, on m’a expliqué leur rôle.

La soli­da­rité entre marins, si on en parlait aux enfants ?

Vous courez depuis vos débuts sous les couleurs du groupe MACIF. La mutuelle a récem­ment annoncé le prolon­ge­ment de ce parte­na­riat pour la période 2020–2024, en construi­sant un nouveau multi­coque. La MACIF soutient par ailleurs finan­ciè­re­ment la SNSM avec une grande fidé­lité, en parti­cu­lier le programme de forma­tion des jeunes nageurs sauve­teurs. C’est impor­tant, pour vous, l’image de votre parte­naire ? Ses valeurs ?

F. G. : Abso­lu­ment. Je suis habillé en MACIF toute l’an­née. Ce serait diffi­cile de porter une image à laquelle je n’adhé­re­rais pas. La MACIF, par son ADN mutua­liste, a des valeurs soli­daires et une histoire forte avec le monde de la mer. Elle assure les plai­san­ciers, mais elle les forme aussi. Elle soutient une équipe de course au large, mais aussi les Sauve­teurs en Mer. Se sentir en accord avec les couleurs qu’on porte, c’est même un facteur de perfor­mance. Quand il faut se dépas­ser, cher­cher à fran­chir de nouvelles limites, cette fierté est impor­tante.

Qu’évoque pour vous la soli­da­rité des marins, valeur portée par la SNSM et ses béné­voles qui se portent au secours d’autres marins ?


F. G. : C’est une force, ce lien des marins entre eux. On est respon­sable de la sécu­rité des autres et ils sont respon­sables de la vôtre, quel que soit le bateau ou son pavillon. Même en course, quand nous navi­guons dans des mers où personne ne passe, nous savons que notre sécu­rité peut dépendre d’un autre concur­rent.

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François Gabart au départ de la course de paddle Mille SNSM, le 24 juin à Paris. ©Julien Gazeau


Vous en parlez entre vous ?

F. G. : Bien sûr, ça s’or­ga­nise. Savoir comment on peut s’ai­der si quelque chose arrive. Il y a un cadre offi­ciel, le brie­fing sécu­rité des courses. Mais la soli­da­rité va au-delà. Dès qu’une modi­fi­ca­tion tech­nique affecte la sécu­rité sur nos bateaux, on se dit tout. Quand Banque Popu­laire a chaviré, récem­ment, au cours d’un convoyage, l’équipe nous a appe­lés pour nous expliquer les petits soucis qu’ils avaient rencon­trés dans le bateau retourné, en atten­dant les secours. C’est ça la soli­da­rité entre marins.

C’est elle qui vous fait soute­nir SOS Médi­ter­ra­née, l’ONG française qui sauve les migrants de la noyade en Médi­ter­ra­née ?

F. G. : Bien sûr. C’est une évidence. On ne peut pas les lais­ser mourir. On est liés. Je me sens parti­cu­liè­re­ment concerné en tant que marin.

La MACIF forme aussi des plai­san­ciers. Vous avez des idées sur la meilleure façon d’as­su­rer leur sécu­rité ? Sur la préven­tion ?

F. G. : On rencontre des plai­san­ciers dans le cadre des stages de survie ISAF orga­ni­sés par le Pôle Finis­tère course au large, propo­sés par ailleurs égale­ment par l’école MACIF Centre de voile, qui nous permettent de révi­ser régu­liè­re­ment les procé­dures. On échange des idées. Je trouve par exemple que l’uti­li­sa­tion des fusées devient vite dange­reuse si on n’en a pas l’ex­pé­rience.

La régle­men­ta­tion tend à les rempla­cer de plus en plus par de l’élec­tro­nique : VHF ASN, balises de détresse COSPAS-SARSAT…

F. G. : C’est une bonne chose. Même un smart­phone étanche peut être d’un grand secours. Mais combien de plai­san­ciers savent comment lire leur posi­tion en longi­tude et en lati­tude alors qu’ils ont un GPS dans la poche ?Il faudrait une appli­ca­tion simple qui appelle les secours où qu’on soit, en mer ou en montagne.

De nombreux plai­san­ciers ont parcouru symbo­lique­ment un mille à l’oc­ca­sion de cette Jour­née natio­nale. Mais ils sont encore plus nombreux à ne se mobi­li­ser, ni pour soute­nir les Sauve­teurs en Mer, ni pour la sécu­rité en mer. Qu’en pensez-vous ?

F. G. : L’ac­cès à la plai­sance s’est beau­coup démo­cra­tisé au cours des dernières décen­nies. Ces nouveaux navi­ga­teurs ne sont pas fils ou filles de marins plai­san­ciers. C’est ce qui fait toute l’im­por­tance de jour­nées comme celle-ci. Il faut les sensi­bi­li­ser. Mais on pour­rait aussi s’adres­ser aux petits Français. Je vais souvent en Norvège. J’ai un petit garçon franco-norvé­gien. En Norvège les sauve­teurs en mer sont orga­ni­sés sur un modèle assez voisin de celui de la SNSM. Tous les enfants norvé­giens regardent un dessin animé très popu­laire sur le sauve­tage en mer : Les aven­tures d’Elias, le petit canot de sauve­tage2. Et ils en parlent à leurs parents. Mon petit garçon, quand il voit un canot de sauve­tage, il sait ce que c’est.


(1) Tout en parlant, François Gabart montre que cette infor­ma­tion figure sur l’ap­pli­ca­tion bous­sole de son smart­phone. Pour les télé­phones sous Android, il suffit de char­ger une des appli­ca­tions gratuites qui permettent de lire les coor­don­nées géogra­phiques du GPS.

(2) On peut faci­le­ment vision­ner des extraits des aven­tures d’Elias sur Inter­net

 

Un parte­na­riat de plus de trente ans

 

Jean-Marc RABY ©Bernard Marti­nez

Le groupe MACIF est présent dans le monde mari­time depuis plus de quarante ans à travers des offres d’as­su­rance spéci­fiques, des stages de forma­tion et des opéra­tions de préven­tion. Le parte­na­riat noué avec la SNSM depuis 1987 s’ins­crit dans la conti­nuité de cet enga­ge­ment. En accom­pa­gnant et finançant la forma­tion de cinq cents nouveaux nageurs sauve­teurs chaque année, nous souhai­tons soute­nir et main­te­nir la gratuité des secours appor­tés aux navi­ga­teurs et plai­san­ciers en diffi­culté. Animées par des valeurs communes de soli­da­rité et d’en­traide, nos équipes travaillent égale­ment de concert sur des actions de terrain. Cet été, par exemple, une opéra­tion de sensi­bi­li­sa­tion à desti­na­tion des enfants s’est dérou­lée dans les communes d’Olonne-sur-Mer, Les Sables-d’Olonne et Château d’Olonne. Via des anima­tions ludiques, ils ont appris notam­ment à iden­ti­fier les risques du bord de mer, à avoir les bons réflexes en cas d’ac­ci­dent, à connaître les numé­ros d’ur­gence.

JEAN-MARC RABY, direc­teur géné­ral du groupe MACIF

Inter­view parue dans Sauve­tage n°145 3ème trimestre 2018