Tel grand-père, tel petit-fils

Elevé au bord de la rivière d’Etel, Jérémy est attiré très jeune par la mer. Les récits de son grand-père aidant, il marche dans ses traces en  deve­nant équi­pier du Patron Emile Daniel en 2008. 

Dans les années cinquante, Etel était un port de pêche très pros­père, le plus grand de la côte atlan­tique pour la pêche au thon. L’ave­nir d’un jeune semblait tout tracé, surtout pour un fils de patron-pêcheur. C’était le cas de Pierre-François Malette dit « François » ou « Cama­rade » comme son père, sauf que François, malgré une campagne aux thons dès l’âge de 15 ans, ne voulait pas navi­guer.

 

Inscrit mari­time

Que va-t-on faire de lui ? Il s’in­té­resse à la méca­nique et le voilà donc dans un atelier, et à Etel, ce ne sont pas des trac­teurs que l’on moto­rise, mais des bateaux… A force de chemi­ner dans les cour­sives et les salles de machines, voilà notre méca­ni­cien « inscrit mari­time » puis à l’Ecole François Toul­lec de Lorient, enfin offi­cier-méca­ni­cien sur les plus grands chalu­tiers de l’époque.

A l’en­trée de la ria, on est forcé­ment marqué par le sauve­tage en mer avec la traî­tresse barre que l’on voit depuis le port et tous les drames qui ont endeuillé la région.
François Malette se souvient encore avec une émotion diffi­ci­le­ment conte­nue de ce 3 octobre 1958. Alors qu’il travaille sur un moteur avec un collègue sauve­teur, celui-ci doit rejoindre le canot qui se tient prêt à inter­ve­nir en assis­tance d’un proto­type de bateau pneu­ma­tique (le fameux Bombard) essayé par gros temps dans la barre d’Etel.

Le pneu­ma­tique se retourne. Lors de l’in­ter­ven­tion, le canot de sauve­tage, les hélices prises dans une aussière, est roulé dans la barre. Cinq cano­tiers et 4 équi­piers du pneu­ma­tique trouvent la mort. François s’était porté volon­taire pour embarquer ce jour-là et s’était fait rabrouer… Peut-être ne serait-il plus là aujour­d’hui !

 

Cano­tier

Pour­tant, dès sa retraite, François Malette ne pense qu’à retour­ner sur l’eau et en 1989, le voilà à la SNSM, sur le canot Patron Emile Daniel portant le nom du patron mort dans le drame du Bombard. L’équi­page, à cette époque, est entiè­re­ment consti­tué d’an­ciens marins.

L’évo­ca­tion de la tech­ni­cité actuelle des cano­tiers et des tenues des sauve­teurs ou des bras­sières auto­gon­flantes éveille les souve­nirs du vété­ran. A sa première inter­ven­tion, il avait passé une bras­sière, ce qui avait suscité cette remarque : « on n’em­barque pas quand on a peur ! ». Il avait rétorqué qu’il désap­prou­vait les prises de risque inutiles. Il n’a jamais faibli sur ce point et a toujours enfilé sa bras­sière durant ses 11 années de sauve­teur.
Atteint par la limite d’âge, il se voit bien­tôt contraint de « mettre sac à terre » et de regar­der, depuis le quai, le Patron Emile Daniel partir en inter­ven­tion. Au cours de l’une d’entre elles, un nouveau coup du sort va atteindre la vedette. En 2003, elle heurte une balise immer­gée, la coque est déchi­rée à bâbord sur presque toute la longueur et le choc est tel, qu’une barre de fer vient même écla­ter un carter moteur. Le canot parvient à rejoindre la terre, mais est consi­déré comme irré­pa­rable. C’est mal connaître les anciens qui décident de se battre, fondent une asso­cia­tion et reprennent du service pour sauver le canot au nom emblé­ma­tique… Chacun selon ses compé­tences, François, bien entendu, à la méca­nique. Mais main­te­nant, à 80 ans, il lui faudra bien, un jour, passer le relais et il sait qu’il pourra comp­ter sur  un jeune « mécano » pour le secon­der, son petit-fils Jérémy.

 

Lycée Mari­time d’Etel

Elevé au bord de la rivière d’Etel, Jérémy est attiré très jeune par la mer, son hori­zon quoti­dien. Les récits de son grand-père n’y sont sans doute pas étran­gers, et dès l’âge de 6 ou 7 ans il commence à navi­guer avec lui. Au fil de l’eau, son atti­rance pour la mer et les bateaux se confirme et la passion de François devient celle de Jérémy. A 13 ans, le voilà sur le pont du Patron Emile Daniel mais, égale­ment au chevet des machines amou­reu­se­ment entre­te­nue par son grand-père. Il parti­cipe à bord de ce véné­rable canot restauré à quelques rassem­ble­ments d’an­ciens navires, dont Douar­ne­nez 2008. C’est là, précise François avec un sourire, « qu’il a connu le baptême du feu » avec « un bon coup de torchon dans le Raz de Sein ». Jérémy s’en souvient bien : « En quit­tant Douar­ne­nez, il y avait un peu de vent, mais une mer assez calme. Dans le Raz de Sein, ce n’était plus du tout pareil, le pont était tota­le­ment impra­ti­ca­ble… »

Cette expé­rience n’al­tère en rien son atti­rance pour la mer, il décide d’être marin et  s’oriente vers la méca­nique à laquelle son grand-père l’a initié. Il intègre le lycée Mari­time d’Etel pour deve­nir offi­cier méca­ni­cien. Il se rappelle l’émo­tion susci­tée chez ses grands-parents à l’an­nonce de son choix profes­sion­nel : le grand-père ravi et la grand-mère plus réser­vée, après toute une vie de femme de marin puis de sauve­teur en mer.

 

Equi­pier SNSM

Et tant qu’à reprendre les bottes de François, Jérémy ne pouvait pas non plus échap­per à cette desti­née de sauve­teur. En septembre 2008, il rencontre un nageur-sauve­teur de la SNSM à la Jour­née de la Sécu­rité Inté­rieure, à Lorient. Dès le lende­main, il a rendez-vous avec le Patron et le méca­ni­cien de la vedette. « A mon grand éton­ne­ment » dit-il « ils étaient inté­res­sés par ma candi­da­ture. » Le week-end suivant, il était embarqué pour tester ses compé­tences puis commençait sa forma­tion.

Aujour­d’hui, il est méca­ni­cien sur la vedette de la station du Pays de Lorient et équi­pier du semi-rigide du CFI, s’oc­cu­pant égale­ment de l’en­tre­tien de la vedette du Centre de Forma­tion. Une passion à laquelle il consacre une grande partie de ses week-ends, en atten­dant un embarque­ment qu’il souhaite « au commerce ou à l’off-shore ».