Un plaisancier inexpérimenté retrouvé en pleine nuit par les sauveteurs de Camaret

À bord d’un petit voilier en très mauvais état et dépourvu de maté­riel de sécu­rité, un plai­san­cier s’est perdu en rade de Brest. D’im­por­tants moyens mari­times (SNSM et Marine natio­nale) ont été déployés une grande partie de la nuit avant de le retrou­ver.

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Canot tous temps SNS 097 Notre-Dame de Rocamadour- GEMA, de la SNSM de Camaret-sur-Mer avec un hélicoptère ©SNSM Camaret

La rade de Brest est un vaste plan d’eau de 180 km², relié à l’océan (zone nommée mer d’Iroise) par un goulet de 1,5 kilo­mètres de large et long de
3 kilo­mètres. C’est un endroit abrité où seuls les courants – très nombreux – peuvent rendre la navi­ga­tion diffi­cile à des plai­san­ciers peu expé­ri­men­tés.

Le 18 septembre 2020, l’un d’eux s’est perdu en période de grande marée (112/113), avec un vent de nord-est de force 4. Au point de solli­ci­ter assis­tance par télé­phone portable au CODIS 29 (les sapeurs-pompiers), expliquant : « Avec mon voilier Kelou­dal, je n’ar­rive pas à me situer en rade de Brest. Je demande assis­tance. » Il précise que la batte­rie de son mobile est faible­ment char­gée. Il est exac­te­ment 21 h 14.

Dès lors, le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Corsen prend les choses en main et, faute de pouvoir loca­li­ser l’ap­pel avec préci­sion, diffuse une alerte Pan Pan. Le patrouilleur Penfeld, au mouillage au port de Lanvéoc-Poul­mic, entend le message de détresse et entre­prend des recherches au fond de la rade de Brest, côté presqu’île de Crozon. Sans résul­tat.

À 22 h 14, le canot tous temps SNS 097 Notre-Dame de Roca­ma­dour-GEMA, de la station de Cama­ret-sur-Mer, appa­reille pour des inves­ti­ga­tions dans les secteurs de Roscan­vel et de Lanvéoc, qui se révèlent vaines. De son côté, le patrouilleur Penfeld n’ob­serve rien dans l’anse du Fret. Même constat de la SNS 097 en baie de Roscan­vel. Puis les sauve­teurs cama­ré­tois se dirigent vers l’em­bou­chure de l’Aulne.

Au cours des échanges radio, l’of­fi­cier de garde de l’île Longue indique avoir vu, vers 22 heures, un voilier semblable faisant route vers la pointe des Espa­gnols. Les recherches viennent ainsi se concen­trer dans le goulet de Brest. Le Penfeld s’en­gage dans la passe nord du goulet jusqu’à la pointe Saint-Mathieu et le SNS 097 se réoriente vers la passe sud. Le temps s’écoule et, fina­le­ment, à 2 h 18, le 19 septembre 2020, le Penfeld repère une lueur sur un bateau au mouillage. Il s’agit bien du voilier en ques­tion, avec une seule personne à bord. L’équi­page de la SNS 097 se rend sur place à son tour.

Un voilier impropre à la navi­ga­tion

À partir de cet instant, les sauve­teurs vont aller de surprise en surprise. Stéphane Gendron, l’un des patrons du Notre-Dame de Roca­ma­dour-GEMA,
raconte :

Quand nous sommes arri­vés, le plai­san­cier était occupé à faire cuire du riz sur un réchaud de fortune, alimenté par une bouteille de gaz de 13 kilos !

Son bateau, un Cape­lan – un mono­coque dayboat de 4,5 m –, est en très mauvais état. « Le voilier n’a pas de grand-voile, juste un génois. Pas de moteur à bord, seul reste l’arbre de l’hé­lice. Pas de radio non plus et pas de carte marine. Encore moins de maté­riel de sauve­tage. Juste un extinc­teur datant de 2010. Il nous a expliqué être parti de Lanvéoc vers midi pour se rendre à Morgat et s’être perdu en navi­guant avec l’ap­pli­ca­tion mobile Waze, plus géné­ra­le­ment utili­sée pour la circu­la­tion routière. En défi­ni­tive, il a été retrouvé à temps, car il se situait à deux milles du courant du From­veur, entre Molène et Oues­sant ; et là, il risquait gros ! »

Stéphane Gendron pour­suit : « Âgé de 47 ans, origi­naire de Cholet, ce plai­san­cier hors norme nous a dit avoir acheté son bateau quelques jours aupa­ra­vant dans un port de la rade de Brest. Son idée : le convoyer jusqu’à Saint-Michel-Chef-Chef, en Loire-Atlan­tique. » Un voyage irréa­li­sable
au vu de la taille du petit voilier et de son état géné­ral, impropre à la navi­ga­tion. Pris en remorque par la SNSM jusqu’au port de Cama­ret, le Kelou­dal a été sécu­risé à quai et son proprié­taire enjoint, par la gendar­me­rie mari­time, de ne pas reprendre la mer, « compte tenu de son équi­pe­ment non adapté et de son inex­pé­rience avérée ».

Pour les sauve­teurs, y compris les plus aguer­ris, ce type d’in­ter­ven­tion consti­tue une première, tant au niveau de la durée des recherches, des moyens mis en œuvre que de sa nature. Cette opéra­tion sonne comme un rappel sur les condi­tions de navi­ga­tion (lire les conseils
des sauve­teurs ci-dessous).

Nos sauve­teurs sont entraî­nés et équi­pés pour effec­tuer ce type de sauve­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

Article rédigé par Fran­cis Salaün dans le maga­zine Sauve­tage n°154 (4ème trimestre 2020)


Les conseils des Sauve­teurs en Mer

  • Dispo­ser d’un bateau en bon état et avoir à bord tous les équi­pe­ments de sécu­rité, gilets de sauve­tage, radio et radeau de survie;
  • Utili­ser des cartes marines ou une appli­ca­tion de navi­ga­tion;
  • Avant de partir, consul­ter la météo (direc­tion et force du vent, état de la mer);
  • Dans l’idéal, s’équi­per du Dispo­si­tif indi­vi­duel d’alerte et de loca­li­sa­tion (DIAL);
  • Toujours préve­nir ses proches avant de prendre le large.

 


Équi­page engagé

SNS 097 Notre-Dame de Roca­ma­dour-GEMA

Patron : Stéphane Gendron

Patron suppléant : Pierre Desseyn

Méca­ni­cien : Malo Castillon

Nageurs de bord : Florian Cado, Laurent Garo et Sébas­tien Abalain

Équi­piers : Gildas Morvan et Gwenolé Sevelle