Comment est dirigée la SNSM ?

Les sauve­teurs seront beau­coup plus nombreux à voter pour élire leurs diri­geants. Mais, au quoti­dien, ils peuvent déjà se faire entendre par de multiples canaux.

L'assemblée générale de la SNSM en juin 2021
L'assemblée générale de la SNSM en juin 2021 © Marianne Cossin

Le président natio­nal1 explique le chan­ge­ment de statuts

Une impor­tante assem­blée géné­rale extra­or­di­naire de la SNSM s’est tenue le 17 juin pour voter de nouveaux statuts de l’as­so­cia­tion. Pourquoi ? 

Cette révi­sion était deve­nue une obli­ga­tion, comme nous l’a indiqué la Cour des comptes. Les statuts avaient vieilli et nous mettaient en situa­tion de fragi­lité juri­dique. De plus, le drame des Sables d’Olonne2 a suscité de nombreuses réflexions, qui ont notam­ment donné lieu à un rapport d’in­for­ma­tion du Sénat. Je crois qu’il faut en rete­nir trois exigences : une impor­tante démo­cra­ti­sa­tion, l’amélio­ra­tion des rela­tions entre le siège et les struc­tures locales béné­voles – délé­ga­tions dépar­te­men­tales, stations de sauve­tage et centres de forma­tion (CFI) des nageurs sauve­teurs – et une meilleure asso­cia­tion des béné­voles aux prises de déci­sion.

Les nouveaux statuts vont multi­plier au moins par dix le nombre des membres de l’as­so­cia­tion votant à l’assem­blée géné­rale, droit réservé jusqu’à présent aux seuls respon­sables des struc­tures locales et aux membres du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. De plus, ils permettent, au sein du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, d’aug­men­ter la propor­tion des membres actifs, les béné­voles de terrain, celle-ci passant de la moitié aux deux tiers.

Tout membre actif peut être candi­dat au conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Cepen­dant, on conti­nuera à propo­ser aux élec­teurs un conseil d’ad­mi­nis­tra­tion idéal. Pourquoi ?

Le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion sortant établit effec­ti­ve­ment une liste préfé­ren­tielle à partir des candi­da­tures expri­mées, l’as­sem­blée géné­rale demeu­rant souve­raine dans ses choix. Mais il reste indis­pen­sable de dispo­ser d’un conseil d’ad­mi­nis­tra­tion repré­sen­ta­tif de la diver­sité des fonc­tions et de la géogra­phie, qui fait la richesse de notre asso­cia­tion. C’est la raison pour laquelle nous conti­nue­rons de propo­ser – unique­ment propo­ser – une compo­si­tion du conseil qui permette de l’illus­trer. Les travaux de révi­sion du règle­ment inté­rieur, qui ont commencé après le vote des nouveaux statuts, préci­se­ront sur quelles bases cette liste repré­sen­ta­tive sera propo­sée aux élec­teurs.

Qu’en­ten­dez-vous par « liste repré­sen­ta­tive de l’as­so­cia­tion » ?

Prenons un exemple concret : l’as­so­cia­tion est compo­sée de sauve­teurs embarqués, qui opèrent depuis leur station de sauve­tage, et de nageurs sauve­teurs, formés par des forma­teurs béné­voles dans nos CFI, qui assurent la sécu­rité des plages. Il serait inad­mis­sible que ces deux compo­santes ne soient pas repré­sen­tées dans le futur conseil d’ad­mi­nis­tra­tion

La Cour des comptes redoute que le conseil fonc­tionne trop comme une chambre d’en­re­gis­tre­ment…

Je n’ai que dix-huit mois de prési­dence, mais il est vrai que ce risque existe. C’est pour cela que nous avons créé des commis­sions tech­niques de béné­voles sur tous les sujets impor­tants : les équi­pe­ments indi­vi­duels, la flotte de sauve­tage, la sécu­rité, etc. Le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion entend ces commis­sions et dialogue avec leurs membres. De plus, mes prédé­ces­seurs avaient eu la bonne idée de mettre en place un temps d’échange infor­mel, dans la mati­née précé­dant les conseils d’ad­mi­nis­tra­tion, réunis­sant les seuls membres actifs. C’est une occa­sion d’abor­der serei­ne­ment et libre­ment tous les sujets avec nos béné­voles, avant que se tienne le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, offi­ciel et beau­coup plus formel. Je conser­ve­rai cette orga­ni­sa­tion.

Comment s’exerce le contrôle de l’État sur la SNSM ?

Notre statut est origi­nal. Nous sommes une asso­cia­tion, indé­pen­dante, pleine et entière, qui exerce une mission de service public. En opéra­tion en mer, nous sommes au service de l’État, placés sous l’au­to­rité des préfets mari­times et des CROSS. Pour cette raison, nous avons besoin d’être accom­pa­gnés et proté­gés par l’État. Mais nous devons rester une asso­cia­tion de droit privé, indé­pen­dante. C’est ce que l’État souhaite, et que nous souhai­tons égale­ment. En consé­quence, en vertu de nos nouveaux statuts, les minis­tères qui faisaient partie de notre conseil d’ad­mi­nis­tra­tion et dispo­saient d’un droit de vote seront désor­mais de simples invi­tés aux conseils. Nous reste­rons, bien sûr, très atten­tifs à leurs remarques.

Vous avez évoqué une refonte du règle­ment inté­rieur. Quelles sont les grandes ques­tions à régler ?

Le règle­ment inté­rieur est une sorte de notice d’em­ploi ou de décli­nai­son des statuts de la SNSM. Il doit illus­trer la volonté des béné­voles qui s’est expri­mée lors de la grande consul­ta­tion et des débats ayant précédé l’écri­ture de notre plan stra­té­gique CAP 2030. Par exemple, la nomi­na­tion des respon­sables des struc­tures locales qui disposent d’un mandat du président natio­nal sera approu­vée préa­la­ble­ment par les béné­voles des stations et CFI concer­nés. Le règle­ment inté­rieur fixe les condi­tions pour être membre actif adhé­rent ayant le droit de vote. Un comité des adhé­sions sera chargé de véri­fier le respect de ces condi­tions pour chaque élec­teur. 

Tout ne se passe pas à l’as­sem­blée géné­rale ou au conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Est-ce que vous avez compté le nombre de visites que vous avez faites sur le terrain depuis votre élec­tion ?

Préci­sé­ment, non. Je sais que j’ai visité entre deux cent cinquante et trois cents struc­tures depuis deux ans, c’est-à-dire quasi­ment toutes les struc­tures locales, sauf en Outre-mer, car la Covid-19 a compliqué les choses. J’en ai déjà visité certaines deux fois et mon objec­tif est d’ar­ri­ver à rencon­trer chacune d’elles au moins une fois tous les deux ans.

Dans quel esprit ? À l’as­sem­blée géné­rale, vous avez parlé de « réduire les distances »…

Je suis le premier des béné­voles. Notre charte asso­cia­tive doit être conso­li­dée par des contacts humains. Il est irrem­plaçable d’al­ler voir non seule­ment les respon­sables locaux, mais aussi les équi­piers des stations – les cano­tiers, comme l’on dit encore souvent –, les forma­teurs des CFI et tous ceux qui les aident à accom­plir leurs missions. Il faut véri­fier en perma­nence que les actions que nous menons répondent bien à leurs préoc­cu­pa­tions.

Il a été ques­tion de renfor­cer le rôle des délé­gués dépar­te­men­taux. Où en est-on ?

Les délé­gués dépar­te­men­taux ont un rôle essen­tiel, et leur charge de travail est déjà très lourde pour des béné­voles. L’idée d’ac­croître leurs respon­sa­bi­li­tés, donc leur charge, a été aban­don­née, au profit d’une décon­cen­tra­tion régio­nale des services du siège. 

Quelle est et quelle doit être la place des femmes à la SNSM ? Vous avez remarqué que la tribune était 
exclu­si­ve­ment mascu­line à l’as­sem­blée.

Pour le moment, les femmes repré­sentent moins de 20 % des béné­voles de la SNSM. Je souhaite que cette propor­tion se retrouve dans nos instances diri­geantes : conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, comité de direc­tion… mais aussi à l’échelle locale, prési­dentes de station, direc­trices de CFI, délé­guées dépar­te­men­ta­les… On va y arri­ver.

Certains dona­teurs se demandent peut-être pourquoi ils ne parti­cipent pas aux déci­sions. Que leur répon­dez-vous ?

Nous nous sommes posé la ques­tion et le Conseil d’État nous a tout de suite arrê­tés. Dans le monde asso­cia­tif, donner n’ouvre aucun droit de regard sur la marche de l’as­so­cia­tion. Comment les écou­ter néan­moins ? Comment assu­rer le lien avec ces soutiens indé­fec­tibles des Sauve­teurs en Mer ? C’est l’une des raisons pour lesquelles nous souhai­tons culti­ver le lien local entre dona­teurs et béné­voles des stations et CFI, en paral­lèle d’une collecte natio­nale orga­ni­sée par le siège. Nos béné­voles mettent ainsi en place des jour­nées portes ouvertes et de nombreuses mani­fes­ta­tions chaque année. De plus, nous avons une cellule de rela­tions avec les dona­teurs au siège, pour les écou­ter et répondre à leurs ques­tions. Le maga­zine Sauve­tage nous permet aussi de garder un lien essen­tiel avec les dona­teurs.

S’ils veulent parti­ci­per à la vie et aux déci­sions de l’as­so­cia­tion, ils peuvent aussi deve­nir béné­vo­les… En plus des sauve­teurs et des forma­teurs, l’as­so­cia­tion a besoin de beau­coup d’autres coups de main et compé­tences, à l’échelle natio­nale comme à l’échelle locale.

En conclu­sion, s’il devait n’y en avoir qu’un, quel message souhai­tez-vous trans­mettre ?

Le message fort, c’est qu’il faut que nous évoluions vers plus de collé­gia­lité encore, à tous les niveaux, pour prendre les déci­sions les mieux adap­tées à la réalité du terrain et de nos missions.

C’est une rupture, une révo­lu­tion, une évolu­tion ?

Ce n’est ni une rupture, ni une révo­lu­tion. C’est une évolu­tion natu­relle, obli­ga­toire, dans le droit fil de ce qu’avait fait mon anté-prédé­ces­seur, Yves Lagane, avec CAP 2010. Nous pour­sui­vons cette évolu­tion, dont le maître mot est la péren­nité de notre modèle béné­vole, qui réunit des personnes d’ori­gines diverses, toutes mues par le même esprit de soli­da­rité et de cœur.

1– Emma­nuel de Oliveira.

2– Trois sauve­teurs victimes du naufrage de leur canot de sauve­tage en tentant de porter secours à un pêcheur, dans une tempête déchaî­née, le 7 juin 2019. 


Pierre Bichard, inspec­teur Nord-Atlan­tique de la SNSM © DR

Le rôle de l’ins­pec­teur vu par Pierre Bichard

Il y a quatre inspec­teurs au siège de la SNSM, qui se répar­tissent les deux cent quatorze stations de sauve­teurs embarqués par zones : Manche-Mer du Nord et Outre-mer, Nord-Atlan­tique, Sud-Atlan­tique et Médi­ter­ra­née. Les centres de forma­tion des nageurs sauve­teurs qui surveillent les plages et accom­plissent des missions de sécu­rité civile ont leurs propres inspec­teur et inspec­teur adjoint.

Les inspec­teurs viennent d’ho­ri­zons variés, Marine natio­nale, Affaires mari­times ou marine de commerce. C’est le cas de Pierre Bichard. Il est capi­taine de 1ère classe. Les inspec­teurs font partie des quatre-vingt-sept sala­riés de l’or­ga­ni­sa­tion, mais être sala­rié à la SNSM est un peu diffé­rent. Pierre est très heureux de pour­suivre sa carrière dans une « orga­ni­sa­tion à utilité sociale ». Il a sous sa respon­sa­bi­lité cinquante-cinq stations, essen­tiel­le­ment bretonnes. Il consacre deux jours par semaine envi­ron à les visi­ter. Le reste de son temps au siège (ou en télé­tra­vail), il est très souvent au télé­phone pour les écou­ter, leur expliquer des déci­sions ou des règles, essayer de résoudre les problèmes rela­tion­nels entre béné­voles, ce qui peut arri­ver, ou mettre du liant avec les direc­tions du siège, en parti­cu­lier la direc­tion tech­nique, la direc­tion des achats et la direc­tion de la forma­tion. « Je n’ai jamais autant été au télé­phone ! »

Il respecte beau­coup la capa­cité des stations à s’or­ga­ni­ser loca­le­ment ; et, en même temps, il faut bien qu’il « inspecte ». Cela signi­fie qu’il doit repé­rer les dysfonc­tion­ne­ments (problèmes de maté­riel, de compé­tence), les tensions (à l’in­té­rieur d’une station ou entre stations), les crises et contri­buer à régler les problèmes. Pas ques­tion qu’un équi­page parte en opéra­tion s’il n’est pas en état de remplir sa mission ou s’il se met en danger. « Ce que fait chacun engage toute l’or­ga­ni­sa­tion. Je suis respon­sable du bon fonc­tion­ne­ment des stations, de la sécu­rité de la SNSM et de ses béné­voles. »

Il fait respec­ter certaines disci­plines : visites médi­cales à jour et enre­gis­trées sur le système infor­ma­tique central de l’or­ga­ni­sa­tion, confor­mité régle­men­taire des bateaux, rapports de sortie à jour, limites d’âges respec­tées. Ce dernier point est un sujet déli­cat. On n’a pas le droit de partir en inter­ven­tion à plus de 66 ans, à moins de béné­fi­cier de certaines déro­ga­tions, qui doivent rester limi­tées.

Il valide aussi les dépenses locales au-delà d’un certain montant. Il aide égale­ment à obte­nir les précieuses subven­tions qui contri­buent aux inves­tis­se­ments (pour les nouveaux navires, entre autres) et au fonc­tion­ne­ment des stations, en complé­ment des non moins précieuses contri­bu­tions des dona­teurs. C’est lui, notam­ment, qui assure le lien avec les régions et les dépar­te­ments de sa zone. 

Certaines déci­sions sont diffi­ciles. Si plusieurs bateaux sont indis­po­nibles en atten­dant une répa­ra­tion, il doit déci­der de la station qui béné­fi­ciera de l’un des rares navires « de réserve ».

En inspec­tant, en visi­tant, en discu­tant avec les béné­voles et le délé­gué dépar­te­men­tal, il doit rester atten­tif à tous les « signaux faibles » qui doivent aler­ter. Les situa­tions de crise – rares, heureu­se­ment – prennent néan­moins beau­coup de temps. « S’il faut dépla­cer ou éloi­gner quelqu’un, il faut le faire de la manière la moins destruc­tive possible pour l’or­ga­ni­sa­tion et pour les personnes. »

Je suis respon­sable du bon fonc­tion­ne­ment des stations, de la sécu­rité de la SNSM et de ses béné­voles.

Il contri­bue aussi, avec le délé­gué dépar­te­men­tal, à iden­ti­fier les futurs diri­geants des stations, dont les président et patron titu­laire. Ce dernier est chargé de veiller à tout ce qui est opéra­tion­nel au sein de la station, comme le recru­te­ment et la forma­tion des équi­pages. Les succes­sions à ces postes-clés sont souvent « natu­relles », surtout si elles sont prépa­rées. Parfois, il faut insis­ter pour que les diri­geants béné­voles les anti­cipent, ou leur faire des sugges­tions. En tout état de cause, l’as­sen­ti­ment des membres de la station est indis­pen­sable. Pierre se méfie des élec­tions avec plusieurs candi­dats, qui pour­raient divi­ser une station. Cela dit, c’est à chaque station de choi­sir. « Je crois à la capa­cité du local à s’or­ga­ni­ser. » 

 


Philippe Auzou, délé­gué dépar­te­men­tal Calva­dos de la SNSM © DR

Le rôle du délé­gué dépar­te­men­tal vu par Philippe Auzou

La SNSM dispose d’un délé­gué dépar­te­men­tal béné­vole dans tous les dépar­te­ments côtiers. Il est le repré­sen­tant du siège le plus proche des implan­ta­tions locales. Il voit, il écoute, il est au courant de ce qu’il se passe dans  son secteur. Dans l’autre sens, il informe, il explique, il répond aux ques­tions. « Je fais le relais entre le siège et les béné­voles de mon dépar­te­ment. J’évite que tout remonte à Paris et, si quelqu’un a fait une démarche auprès du siège, j’aime bien être au courant », détaille Philippe Auzou.

Son télé­phone est toujours ouvert. Offi­cier de la marine marchande, il est délé­gué dépar­te­men­tal pour le Calva­dos depuis bien­tôt dix ans. Il a été notam­ment comman­dant du port de Caen-Ouis­tre­ham, ce qui lui donne une très bonne implan­ta­tion locale. Il veille sur huit stations, vingt-cinq postes de secours en saison et un CFI, le centre de forma­tion des jeunes nageurs sauve­teurs pour les plages, soit un effec­tif d’une centaine de béné­voles.

Il est le repré­sen­tant du siège qui les connaît le mieux, dit-il. Il est aussi en liai­son avec des stations des dépar­te­ments voisins. La baie de Seine consti­tue un tout en matière de sauve­tage, à cheval sur trois dépar­te­ments.

Un délé­gué dépar­te­men­tal peut avoir des adjoints qui veillent sur l’en­tre­tien du maté­riel ou la forma­tion des béné­voles, par exemple, ou sur une partie d’un dépar­te­ment où les stations sont nombreuses (Finis­tère). Philippe Auzou est heureux de s’ap­puyer sur un tréso­rier et un méde­cin réfé­rents, qui peuvent répondre à beau­coup de ques­tions. Il a large­ment de quoi s’oc­cu­per et ne souhaite pas que les délé­gués dépar­te­men­taux aient plus de respon­sa­bi­li­tés. Il n’a pas envie de diri­ger des sala­riés. Il a bien assez à faire avec ses béné­voles, aussi prenants que des sala­riés.

« Le béné­vole est râleur. » Il le dit avec affec­tion et ce constat ne l’em­pêche pas d’être atten­tif, a fortiori en cas de coup dur. Le sujet lui tient à cœur. Quand les sauve­teurs n’ont pas pu sauver tout le monde, quand la situa­tion devient tragique, il faut gérer le moral des équi­pages, s’inquié­ter d’un éven­tuel soutien psycho­lo­gique. C’est pire, évidem­ment, si les victimes sont des sauve­teurs. 

Quand trois d’entre eux ont laissé leur vie dans le naufrage du canot des Sables d’Olonne, le 7 juin 2019, le délé­gué dépar­te­men­tal, Henri Lechat, a eu un rôle très impor­tant à jouer. Il faut « accom­pa­gner », donner « du récon­fort », explique Philippe Auzou.

Plus géné­ra­le­ment, il faut « être au courant de tout, anti­ci­per et voir venir ». Par exemple, la succes­sion des prési­dents et patrons titu­laires. « Deux ou trois ans avant, il faut commen­cer à poser des ques­tions, faire des sugges­tions, parfois pour en susci­ter d’autres. » Après, « il faut que ça colle » entre les béné­voles et leurs respon­sables. « Six ans, c’est un long embarque­ment. » C’est en effet la durée des mandats à la SNSM. Voter ? C’est une « mesure extrême ». Il faut lais­ser les stations s’or­ga­ni­ser pour s’as­su­rer que « ça colle ». 

Je fais le tampon entre le siège et les béné­voles de mon dépar­te­ment. J’évite que tout remonte à Paris et, si quelqu’un a fait une démarche auprès du siège, j’aime bien être au courant. 

 


Une commis­sion de réso­lu­tion des conflits

Il existe des conflits inter­per­son­nels chez les Sauve­teurs en Mer, comme dans toute orga­ni­sa­tion. Depuis plusieurs années, une commis­sion de préven­tion et de réso­lu­tion des conflits essaie de les apai­ser, sous la prési­dence de Françoise Odier, juriste et membre d’hon­neur de la SNSM. Une bonne partie de ces diffé­rends concerne des béné­voles ou des diri­geants locaux qui n’ac­ceptent pas leur mise à l’écart pour des raisons diverses, limite d’âge ou conflits internes à des struc­tures locales. Mais on y traite aussi – rare­ment, heureu­se­ment – des affaires de harcè­le­ment sexuel. « La parole se libère », constate la prési­dente. « Il faut que les personnes qui se plaignent soient enten­dues, qu’elles reçoivent des expli­ca­tions et, heureu­se­ment, pour une partie d’entre elles, cela suffit à apai­ser la situa­tion », décrit-elle.

 


Annie Rous­sil­hon, prési­dente de la station SNSM de Cava­laire © DR

Le rôle de prési­dente de station vu par Annie Rous­sil­hon

Avec le patron titu­laire, le président ou la prési­dente est la personne qui, béné­vo­le­ment, dirige et incarne la station de sauve­tage au niveau local même sans parti­ci­per aux sauve­tages. Certains sortent en entraî­ne­ments et en opéra­tions comme simples équi­piers. Annie Rous­sil­hon « sort parfois en se faisant discrète ». Elle entame son troi­sième mandat de prési­dente de la station de Cava­laire tout en disant « qu’il ne faut pas trop rester ». Elle a prolongé sa mission pour gérer l’après-Covid et l’ar­ri­vée de nouvelles embar­ca­tions à la station. Elle réflé­chit acti­ve­ment à sa succes­sion.

Spon­ta­né­ment, elle ne s’étend pas sur des tâches qui prennent du temps, un plein-temps dans son cas. Des obli­ga­tions admi­nis­tra­tives notam­ment. La prési­dente a aussi un rôle déter­mi­nant pour faire connaître la station loca­le­ment et orga­ni­ser le recueil de subven­tions et de dons, pour finan­cer, entre autres, une partie des nouveaux bateaux. Elle doit aussi être prête à fron­cer les sour­cils si des règles de fonc­tion­ne­ment ne sont pas respec­tées. Pour elle, le cœur de sa fonc­tion, c’est l’hu­main. Il faut que la station ait toujours assez de béné­voles formés pour rester opéra­tion­nelle 365 jours par an, 24 heures sur 24.  Une station comme Cava­laire, c’est cinquante personnes, dont trente-cinq aptes à embarquer. Fête du nautisme, forum des asso­cia­tions sont autant d’oc­ca­sions de recru­ter des bonnes volon­tés que de collec­ter des dons. Les compé­tences tech­niques, c’est le patron titu­laire qui les évalue. Elle, elle est « présente ». Elle sait l’im­por­tance des encou­ra­ge­ments, des féli­ci­ta­tions et des conso­la­tions. La Covid-19 l’em­bête parce qu’elle ne permet pas ces rencontres physiques qui soudent une équipe. « Les anciens ne connaissent pas certains nouveaux ; on n’a pas pu faire de remise de récom­pense depuis un an et demi. »

Elle n’exerce pas une fonc­tion soli­taire. Son conseil à un nouveau président ? « Bien s’en­tou­rer. » Elle s’ap­puie sur 
six patrons, bien sûr, mais aussi sur les vice-prési­dents, un réfé­rent forma­tion et le tréso­rier, qui, à Cava­laire, joue un rôle dépas­sant la bonne tenue des comptes. Quand elle a été pres­sen­tie comme prési­dente après une crise condui­sant au départ de son prédé­ces­seur, le tréso­rier a télé­phoné à tout le monde pour véri­fier qu’il y avait consen­sus autour de son nom et s’as­su­rer que la station était prête à avoir une femme à sa tête. Quand un possible succes­seur se profi­lera, elle lui deman­dera de recom­men­cer. De par son atti­tude encline au dialogue, Annie Rous­sil­hon (qui est égale­ment membre du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de la SNSM) est une prési­dente modèle.

 


Pas de grande déci­sion sans concer­ta­tion

Certes, la direc­tion de l’as­so­cia­tion impulse des orien­ta­tions géné­rales sur les inves­tis­se­ments, la forma­tion, le budget, etc. Certes, tous les sauve­teurs ne peuvent pas être enten­dus un par un sur tous les sujets. Mais, sur le cœur de l’ac­tion, l’équi­pe­ment des sauve­teurs et leur forma­tion notam­ment, des repré­sen­tants des stations et des CFI parti­cipent à toutes les déci­sions pour que l’or­ga­ni­sa­tion béné­fi­cie de l’ex­pé­rience du terrain. La concep­tion des navires de la nouvelle flotte, dont les « têtes de série » sont en construc­tion, a donné lieu à des débats passion­nés jusqu’aux moindres détails. Pas un nouvel équi­pe­ment n’est adopté par la direc­tion des achats sans analyse des retours critiques sur l’exis­tant et essais des proto­types avec plusieurs groupes de sauve­teurs. 
Pas une nouvelle forma­tion n’est orga­ni­sée sans qu’un groupe de travail n’échange sur l’ex­pé­rience des sauve­teurs et les meilleures pratiques qui vont être ensei­gnées.

 


Patrick Cuillière, direc­teur du centre de forma­tion SNSM des Bouches-du-Rhône – Marseille © DR

Le rôle du direc­teur de CFI vu par Patrick Cuillière

En plus des stations de sauve­tage, la SNSM a trente trois implan­ta­tions locales très impor­tantes : les centres de forma­tion et d’in­ter­ven­tion (CFI), qui forment et entre­tiennent la forma­tion des jeunes nageurs sauve­teurs qui surveillent les plages l’été. Certains CFI se situent dans les dépar­te­ments côtiers, d’autres plus loin à l’in­té­rieur des terres : Rennes, Albi, Lyon, Château­roux… On imagine sans peine le travail d’or­ga­ni­sa­tion que demande au direc­teur béné­vole et à ses adjoints la gestion des multiples forma­teurs béné­voles et des jeunes en forma­tion : plan­nings, locaux, maté­riel, entre­tien, admi­nis­tra­tion, examens, diplômes. Sans comp­ter que le CFI assure, en plus, la forma­tion en secou­risme des sauve­teurs embarqués pour six stations de sauve­tage, et des missions de sécu­rité civile, ces pres­ta­tions de premiers secours propo­sées par la SNSM aux orga­ni­sa­teurs de mani­fes­ta­tions publiques. Ces « dispo­si­tifs prévi­sion­nels de secours » – ou DPS – font entrer un peu d’ar­gent dans les caisses, comme le permet la loca­tion de maté­riel aux muni­ci­pa­li­tés qui font surveiller leurs plages par des sauve­teurs de la SNSM. 

Patrick Cuillière met un point d’hon­neur à aider au char­ge­ment du maté­riel qui part en loca­tion, même si son dos lui dit de plus en plus souvent qu’il ne le devrait pas.

À la SNSM depuis 1985, il dirige le centre de forma­tion des Bouches-du-Rhône – Marseille depuis 1992, avec une inter­rup­tion de quatre ans. Il affirme qu’il n’y consacre que quatre  heures par jour et ne se plaint ni du poids crois­sant de l’ad­mi­nis­tra­tif (« Aujour­d’hui, tout est beau­coup plus normé  », constate-t-il), ni du manque de ressources, ayant connu l’époque héroïque où il n’y avait aucun moyen, ou presque. Ce dont il parle, ce qui fait le cœur de ce « métier en soi » ne ressem­blant à aucun autre, c’est la gestion de l’hu­main : trou­ver et rete­nir des forma­teurs béné­voles. La SNSM dans son ensemble se préoc­cupe constam­ment du renou­vel­le­ment et de la moti­va­tion des béné­voles, ce miracle perma­nent qui fait tenir toute l’or­ga­ni­sa­tion.

Mais l’inquié­tude est spécia­le­ment vive en ce moment pour ce qui concerne les forma­teurs. Depuis deux ou trois ans, ils sont plus nombreux à se désen­ga­ger, à Marseille comme ailleurs. Il arrive à assu­rer le renou­vel­le­ment, tout en sachant que cela peut être fragile. Le centre a failli fermer parce que le courant ne passait pas avec la personne qui avait repris les commandes entre 2004 et 2008. « On n’est pas dans un milieu profes­sion­nel où les gens sont payés pour obéir aux ordres. » Lui-même est passé par la Marine natio­nale (les sous-marins) et la police, mais il parle peu de disci­pline ou de hiérar­chie. Il cultive l’am­biance de groupe, « presque fami­liale », raconte-t-il, freine parfois les enthou­siasmes pour éviter l’épui­se­ment ou l’ac­ci­dent. Il essaie d’être le plus démo­crate possible. Il délègue beau­coup, notam­ment à ses deux direc­teurs adjoints. Tout ce qui est bon pour la moti­va­tion l’in­té­resse : les possi­bi­li­tés d’évo­lu­tion à partir de la forma­tion SNSM vers des métiers (infir­mier, pompier…), les missions de sécu­rité civile parce qu’elles main­tiennent le lien avec les nageurs sauve­teurs entre deux saisons d’été et peuvent avoir de l’in­té­rêt pour eux (sécu­ri­sa­tion d’un tour­nage, par exemple), ou encore une forma­tion au permis hautu­rier qui, bien que non indis­pen­sable aux acti­vi­tés d’un CFI, attire pour­tant certains béné­voles. 

Article rédigé par Jean-Claude Hazera, publié dans le maga­zine Sauve­tage n°157