Comment le monde maritime s’engage pour la Planète

Arma­teurs, cher­cheurs, gestion­naires d’in­fra­struc­tures et construc­teurs de navires sont de plus en plus nombreux à mettre en œuvre des poli­tiques écores­pon­sables. Coup de projec­teur sur certaines, dans un domaine où les initia­tives foisonnent.

Port avec des voiliers et une mer limpide
Aujourd’hui, même en zone portuaire, la mer peut être limpide. © Dominique Malécot

Quoique l’on puisse en dire, rapporté au kilo ou à la tonne de marchan­dises ache­mi­nées, le trans­port mari­time est de loin le plus économe en ce qui concerne l’éner­gie et les maté­riaux pour la construc­tion de ses infra­struc­tures. Les grands arma­teurs mondiaux y sont d’au­tant plus sensibles qu’il en va de leur renta­bi­lité : le combus­tible que brûlent leurs navires coûte cher et leurs clients se veulent de plus en plus exem­plaires en matière envi­ron­ne­men­tale – trans­port compris – auprès des consom­ma­teurs qui achètent leurs produits.

Seule­ment, au regard des capi­taux enga­gés, le trans­port mari­time est une indus­trie lourde. Le prix d’un porte-conte­neurs capable de char­ger vingt-trois mille unités, comme le Jacques Saadé de l’ar­me­ment français CMA CGM – un des soutiens de la SNSM depuis 2019 –, est évalué à 150 millions d’eu­ros. Et il en faut plusieurs pour assu­rer des escales régu­lières dans les ports desser­vis. Cela pour chaque ligne, si bien que le groupe, qui est l’un des tout premiers arme­ments du monde, exploite quelque cinq cents navires de toutes tailles. Dans ces condi­tions, ses choix tech­no­lo­giques engagent l’ave­nir pour des années. Le Jacques Saadé et les huit unités semblables qui le suivent disposent de moteurs alimen­tés au gaz natu­rel liqué­fié (GNL) plutôt qu’au fioul lourd. «  Le GNL est la solu­tion la plus inno­vante pour favo­ri­ser la préser­va­tion de la qualité de l’air, en élimi­nant 99 % des oxydes de soufre, 91 % des parti­cules fines et 92 % des émis­sions d’oxydes d’azote, explique la compa­gnie. Un navire propulsé au GNL émet jusqu’à 20 % de CO2 en moins qu’un navire équipé d’une moto­ri­sa­tion au fuel. » Cepen­dant, CMA CGM – qui a préféré ce combus­tible à l’hy­dro­gène en raison de la perfor­mance et de la compa­cité des réser­voirs de GNL, qui offrent la possi­bi­lité de relier l’Asie à l’Eu­rope du Nord sans ravi­taille­ment inter­mé­diaire – pour­suit ses recherches sur d’autres tech­niques. C’est, par exemple, l’objet d’un parte­na­riat stra­té­gique avec Energy Obser­ver Deve­lop­ments.

Porte container
Dans les bassins de commerce, la pollu­tion des eaux est désor­mais excep­tion­nelle. © Domi­nique Malé­cot

Un cargo zéro émis­sion

Fondée par Victo­rien Erus­sard, un offi­cier de la marine marchande doté d’une rare capa­cité à s’en­ga­ger pour le bien commun, cette petite entre­prise de Saint-Malo expé­ri­mente des systèmes de propul­sion zéro émis­sion. Combi­nant hydro­gène, solaire, hydro­lien, éolien et tests de batte­ries, son navire expé­ri­men­tal Energy Obser­ver a à son actif plusieurs traver­sées océa­niques en auto­no­mie éner­gé­tique. De quoi passer à l’étude, avec plusieurs parte­naires comme Air Liquide, Ayro, le Clus­ter Mari­time Français ou encore le groupe CMA CGM, d’un cargo zéro émis­sion de 120 mètres de long, à même de trans­por­ter près de cinq mille tonnes de fret en asso­ciant hydro­gène, propul­sion élec­trique et voiles rigides.

La plai­sance n’est pas en reste

Orga­ni­sée l’an dernier à Nantes par l’as­so­cia­tion Legis­plai­sance, qui suit la régle­men­ta­tion du secteur, une jour­née d’études sur le nautisme et les ports de plai­sance face « aux défis de la tran­si­tion écolo­gique » a permis de mesu­rer les évolu­tions en cours.

« Depuis quinze ans, les ports de plai­sance se trans­forment, expliquait Xavier Nico­las, chef de la mission de la navi­ga­tion de plai­sance et des loisirs nautiques à la direc­tion des Affaires mari­times. Ce sont encore des mari­nas, mais ils vont deve­nir de plus en plus des complexes touris­tiques, avec des consom­ma­teurs en terrasse sur les quais en plus des plai­san­ciers au port. La consi­dé­ra­tion de leur impact envi­ron­ne­men­tal doit aller bien au-delà de l’usa­ger, d’où une obli­ga­tion d’exem­pla­rité. » Il rappelle que 74 % des ports de plai­sance sont proches d’une aire mari­time proté­gée. Ces cinq prochaines années, les ports prévoient d’in­ves­tir autant pour accroître leur capa­cité et déve­lop­per des services aux plai­san­ciers que pour le tourisme et la préser­va­tion ou la réduc­tion de leur impact sur l’en­vi­ron­ne­ment1 .

Poubelle sur le littoral
Le déve­lop­pe­ment de l’ac­ti­vité touris­tique des ports de plai­sance suppose une bonne gestion des déchets. © Domi­nique Malé­cot

Opti­mi­ser la construc­tion des bateaux

De même, la construc­tion des bateaux progresse. En plai­sance, l’ex­pé­rience accu­mu­lée amène aujour­d’hui à utili­ser moins de matière, idem pour la course au large. En l’état des connais­sances sur la tenue des maté­riaux biosour­cés en envi­ron­ne­ment marin, l’op­ti­mi­sa­tion des process visant à dimi­nuer les pertes de produits au cours de la construc­tion des bateaux semble être encore la voie la plus effi­cace pour en réduire l’im­pact envi­ron­ne­men­tal.

La pêche se préoc­cupe égale­ment d’en­vi­ron­ne­ment, mais la préser­va­tion et la gestion de la ressource sont les actions majeures, dans un monde où subsistent des États préda­teurs. Un autre sujet.

1– La sixième édition des Jour­nées natio­nales du droit de la plai­sance et du nautisme se tien­dra le 9 juin 2022, au casino de Beau­lieu-sur-Mer, sur la théma­tique de l’évo­lu­tion de la plai­sance profes­sion­nelle et du yach­ting : quels enjeux juri­diques, écono­miques et sociaux ?

Déchets en mer récoltés
Les pêcheurs commencent à collec­ter et débarquer leurs déchets, mais leur collecte à terre laisse à dési­rer. © Domi­nique Malé­cot

La nouvelle flotte de la SNSM prend la vague envi­ron­ne­men­tale

Les puis­sants moteurs diesels des bateaux de série de la nouvelle flotte de la SNSM inté­gre­ront les dispo­si­tifs de limi­ta­tion d’émis­sion d’oxydes d’azote, confor­mé­ment à la régle­men­ta­tion Tier III de l’Or­ga­ni­sa­tion mari­time inter­na­tio­nale (IMO). Les trois navires qui seront affec­tés aux stations de la Manche et de la mer du Nord respec­te­ront, dès le départ, l’obli­ga­tion d’in­té­grer l’IMO Tier III. La SNSM, dès 2023, l’ap­pliquera volon­tai­re­ment sur l’en­semble des navires NSH1 et 2 et NSC1. Elle envi­sage égale­ment de tester ulté­rieu­re­ment de nouvelles moto­ri­sa­tions, hybrides notam­ment, ainsi que l’uti­li­sa­tion d’un carbu­rant « vert ».

Des progrès signi­fi­ca­tifs ont aussi été réali­sés en matière de concep­tion des vedettes, en travaillant sur le cloi­son­ne­ment étanche des navires. Pour assu­rer l’in­sub­mer­si­bi­lité, l’as­so­cia­tion veillera à limi­ter l’em­ploi des mousses, qui entraînent des contraintes et des coûts pour le recy­clage des navires.

Autre inno­va­tion parmi d’autres, la protec­tion anti­sa­lis­sure des coques de certaines unités par un dispo­si­tif à ultra­sons, qui renforce l’ac­tion des pein­tures anti­fou­ling non polluantes et permet d’es­pa­cer les mises au sec pour l’en­tre­tien des navires.


Article rédigé par Domi­nique Malé­cot, diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°160 (2ème trimestre 2022)