Éjecté de son bateau : l’incroyable histoire du sauvetage d’Olivier

Ce marin de 57 ans a été expulsé de son trima­ran lors d’une navi­ga­tion venteuse. Son embar­ca­tion vide a percuté un autre bateau, dont le capi­taine a donné l’alerte. Blessé aux côtes et en hypo­ther­mie, Olivier a été héli­treuillé vers l’hô­pi­tal de Saint-Nazaire (Loire-Atlan­tique) après deux heures passées dans l’eau.

La collision entre le trimaran et La Couronnée IV, un bateau pilote de la Loire. La coque est endommagée
La collision entre le trimaran et "La Couronnée IV", un bateau pilote de la Loire, a laissé des traces © Olivier Riche

Quelles sont les chances pour qu’un voilier sans skip­per allant tout droit percute un autre bateau en pleine mer ? C’est à cette très maigre proba­bi­lité qu’Oli­vier, 57 ans, a dû son salut au début du mois d’août 2022.

Ce marin expé­ri­menté, qui navigue depuis l’en­fance, profite de son nouveau trima­ran et fait route vers l’île d’Olé­ron. À cali­four­chon sur l’un des flot­teurs, il file à 21 nœuds, sur une mer agitée. « Il y avait 15 nœuds de vent, cela produit de beaux clapots », commente-t-il. Il envoie une vidéo à sa femme afin de parta­ger avec elle ce bon moment.

Sa balade prend soudain une autre tour­nure lorsqu’une rafale le fait chuter. Il parvient à saisir un bout et tente de se hisser à bord à plusieurs reprises. Sans succès. « Je commençais à m’épui­ser et j’avais terri­ble­ment mal aux côtes, se souvient le marin. Je ne savais pas encore que je m’en étais cassé une dans ma chute. Après plusieurs tenta­tives où je buvais la tasse à chaque fois, j’ai compris qu’il fallait que je lâche.  »

Placé en pilote auto­ma­tique, le bateau conti­nue sa route, lais­sant son proprié­taire livré à lui-même dans les vagues. Olivier se situe alors à 4 milles nautiques de ses deux points de repère, la côte et le parc éolien. Il se rend rapi­de­ment compte que nager avec son gilet, mal ajusté (lire enca­dré ci-dessous), est diffi­cile dans une mer agitée. « Je voyais à la fois les éoliennes et la côte, mais le vent me pous­sait vers le parc éolien. J’en­vi­sa­geais alors de déri­ver jusqu’au parc et de me hisser sur une éolienne », raconte-t-il.

Seul en mer, le skip­per entend au loin les moteurs de deux bateaux de pêche. Il caresse l’es­poir d’être rapi­de­ment repéré. Pris dans les clapots, il n’est cepen­dant remarqué par aucun des navires. Il comprend que la proba­bi­lité d’être sauvé s’amin­cit : « Cela faisait une heure que j’étais à l’eau, je voyais le soleil bais­ser et je savais que j’avais très peu de chances de passer la nuit. On a le temps de penser à beau­coup de choses dans ces moments-là… » Le naufragé est loin de se douter que le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Étel a déjà lancé des recherches.

Car, pendant ce temps-là, le trima­ran privé de son barreur a conti­nué sa route. Il a fini par heur­ter La Couron­née IV, un bateau pilote de la Loire. Son capi­taine constate avec surprise que l’em­bar­ca­tion est vide. Il trouve le télé­phone d’Oli­vier et contacte son épouse. Cette dernière confirme que son mari est en mer. Le pilote alerte le CROSS Étel, qui coor­donne les secours dans la zone.

Deux heures dans une eau à 16 °C

Reve­nant de la pointe Saint-Gildas, la vedette SNSM de la station de Pornic fait partie des bateaux contac­tés pour retrou­ver le naufragé. « Le CROSS nous a trans­mis quatre points GPS où l’homme à la mer était suscep­tible de se trou­ver », explique François Morin, patron de la vedette. Ces précieuses coor­don­nées sont connues du CROSS grâce à la balise retrou­vée sur le trima­ran. « Cette balise devrait être obli­ga­toire », souligne Olivier, conscient de l’im­por­tance de cet équi­pe­ment dans son sauve­tage. Le CROSS divise la zone de recherche et la répar­tit entre les diffé­rents moyens à dispo­si­tion : deux vedettes, un bateau de la gendar­me­rie, l’hé­li­co­ptère Dragon 56 et l’Acta Auriga, navire de soutien offshore travaillant sur le pôle éolien.

Cela fait à présent presque deux heures qu’Oli­vier est tombé dans cette eau à 16 °C. Il a de plus en plus froid. « Ma tête était recou­verte d’eau toutes les quinze secondes. Faire des mouve­ments m’épui­sait, mais rester statique me donnait froid », se souvient-il. Sur les coups de 17 h 30, l’Acta Auriga repère le naufragé. Il demande alors au chalu­tier La Revanche, à proxi­mité, de venir le sauver.

Olivier est en hypo­ther­mie, souffre des côtes et a une plaie au crâne. « J’avais très froid, mais je ne me sentais pas en danger, le soula­ge­ment était le senti­ment domi­nant  », rapporte-t-il. Il est confié à la vedette SNSM car La Revanche est un trop petit navire pour qu’un héli­treuillage soit possible. « Après vingt minutes de recherches, nous avons été dépê­chés pour prendre en charge la victime. Nous avons fait les premiers bilans et les premiers soins. Il n’était pas en détresse ni paniqué », relate François Morin. Les cinq membres de l’équi­page ont ensuite procédé à l’hé­li­treuillage sans diffi­culté parti­cu­lière. Un « excellent entraî­ne­ment pour tous », d’après le patron de la vedette.

Appré­ciant sa chance, Olivier s’es­time désor­mais beau­coup plus sensi­bi­lisé aux dangers qui guettent les marins. « Je suis prêt à repar­tir en mer, mais en prenant toujours plus de précau­tions. La tablette et la balise sont capi­tales, tout comme le gilet, souligne-t-il. Je vais en ache­ter un nouveau et, cette fois, je pren­drai le temps de lire la notice », confie le skip­per, conscient que, pour s’en sortir, de bons équi­pe­ments faci­litent les miracles.

Un gilet c’est bien, ajusté c’est mieux

La mésa­ven­ture d’Oli­vier rappelle que le port du gilet de sauve­tage sauve des vies. Son effi­ca­cité n’est cepen­dant pas opti­male s’il n’est pas ajusté. Il doit toujours être porté près du corps. Dans le cas contraire, il faudra four­nir un effort pour flot­ter avec lui. Les sangles sous-cutales permettent de le main­te­nir serré. Pour limi­ter les risques de chute, la navi­ga­tion en soli­taire implique de prendre des précau­tions, comme le port d’une longe ou d’un harnais, qui réduisent les risques de passer par-dessus bord. Le risque zéro n’exis­tant pas, il est recom­mandé de possé­der un dispo­si­tif de loca­li­sa­tion, comme DIAL (dispo­si­tif indi­vi­duel d’alerte et de loca­li­sa­tion), déve­loppé par les Sauve­teurs en Mer.

Équipage engagé

Vedette de 2ème classe
SNS 200 Pays de Retz

Patron : François Morin

Cano­tiers : Jean-Luc Allou, Éric Bron­chain, Philippe Mélan­ger, Chris­tophe Morel

Article rédigé Rémy Videau, diffusé dans le maga­­­­zine Sauve­­­­tage n°162 (4e trimestre 2022)

Retrouvez le récit d'Olivier en podcast !

Canal 16, la radio des Sauve­­teurs en Mer donne la parole à celles et ceux qui font la SNSM ! La série de podcasts s’in­­té­­resse à des sauve­­tages et met en lumière des sauve­­teurs et des personnes secou­­rues. Homme à la mer, acci­dent, tempête, noya­­de… Canal 16 nous raconte certains sauve­­tages parmi les plus spec­­ta­­cu­­laires de la SNSM. Porté par la voix de sauve­­teurs ou de resca­­pés, chaque épisode de la série est une aven­­ture palpi­­tante et une leçon inspi­­rante sur les pièges et les dangers de la mer.