Les sauveteurs à la poursuite d’un bateau fantôme

Des sauve­tages périlleux et complexes, tout l’équi­page du canot Mona Rigo­let de Goury - La Hague en a connu. Mais une inter­ven­tion avec des rebon­dis­se­ments aussi impro­bables, jamais.

Le "Mona Rigolet"
L'équipage du "Mona Rigolet" a été mis à rude épreuve lors de cette intervention. © SNSM

Dans la nuit du 25 au 26 novembre 2022, le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage en mer (CROSS) Jobourg engage les grands moyens. Un peu avant 2 heures, le SNS 067 Mona Rigo­let de Goury – La Hague et le SNS 257 La Régnouse de Dielette – Flaman­ville (qui n’aura fina­le­ment pas à inter­ve­nir) partent en complé­ment d’un canot de la Royal Natio­nal Life­boat Insti­tu­tion [RNLI, pendant de la SNSM au Royaume-Uni] de Jersey, de l’hé­li­co­ptère Caïman de la Marine natio­nale et du chalu­tier Cœla­canthe

Le chalu­tier Tibé­riade, basé à Gran­ville (Manche), vient de s’échouer à basse mer, avec quatre pêcheurs à bord, sur les fourbes roches de l’ar­chi­pel des Ecre­hou. Cet ensemble d’îles anglo-normandes est situé à 15 kilo­mètres de la côte ouest du Coten­tin et à 11 kilo­mètres au nord-est de l’île de Jersey. Bien qu’il accueille une douzaine de maisons, il est inha­bité l’hi­ver et fréquenté seule­ment l’été par des Jersiais. 

Leur navire menaçant de sombrer, les quatre marins du Tibé­riade décident de l’éva­cuer et embarquent sur leur canot de survie. Le Cœla­canthe les repère dans la nuit et alerte le CROSS, qui fait procé­der à leur héli­treuillage par la Marine natio­nale. Yoann Sanson, le patron du SNS 067 Mona Rigo­let de la station de Goury - La Hague, arrive sur zone à ce moment-là et se tient prudem­ment au milieu des roches émer­gées, à 400 mètres du chalu­tier. Il constate que le navire échoué, bien que posé légè­re­ment de travers sur les cailloux, ne semble pas éven­tré. Karl et Guillaume, tous deux plon­geurs sauve­teurs, enfilent leurs combi­nai­sons Néoprène® pendant que leurs cama­rades mettent à l’eau le Zodiac®, annexe de leur canot tous temps. 

Tibériade & Mona Rigolet
Le Mona Rigo­let aux côtés du Tibé­riade. © SNSM

La marée déséchoue le chalu­tier 

Ils partent en inves­ti­ga­tion vers le navire naufragé et se hissent à son bord. Pendant qu’ils visitent les fonds, la mer montante vient cogner le bateau et le couche sur son flanc. Les deux plon­geurs jugent alors plus prudent de quit­ter le Tibé­riade et, dans la nuit, sautent dans une mer à 7 °C. Grâce à leurs casques équi­pés d’une radio VHF, ils préviennent Yoann, qui contacte l’hé­li­co­ptère afin qu’il les héli­treuille.  

L’aven­ture ne s’ar­rête pas là. Car la marée remon­tante déséchoue le Tibé­riade. Les sauve­teurs voient alors ce bateau sans équi­page reprendre lente­ment sa route : au moment de l’ac­ci­dent, les pêcheurs avaient laissé le moteur embrayé et la barre sur pilote auto­ma­tique. Perce­vant le danger que repré­sente ce navire devenu fantôme, le canot de Goury parvient à le rattra­per et Yoann trans­fère à son bord Karl et Guillaume, que l’hé­li­co­ptère avait redé­po­sés sur le Mona Rigo­let. Le jour se levant, des sauve­teurs de la SNSM de Gran­ville – Îles Chau­sey, arri­vés avec le canot SNS 074 Notre-Dame-du-Cap-Lihou, prennent le relais des deux plon­geurs, témé­raires mais épui­sés, et ramènent le chalu­tier à Gran­ville. 

Nos sauve­­­teurs sont formés et entraî­­­nés pour effec­­­tuer ce type de sauve­­­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

Équipage engagé

Canot Tous Temps
SNS 067 MONA RIGOLET

Patron : Yoann Sanson

Patron suppléant/radio navi­ga­teur : Sébas­tien Lebou­len­ger

Équi­piers : Denis Lepar­men­tier, Simon Lupo

Plon­geurs de bord : Guillaume Lecerf, Karl Villain

Treuilliste : Alexis Le Tullier

Article rédigé par Nico­las Sivan, diffusé dans le maga­­­­zine Sauve­­­­tage n°163 (1er trimestre 2023)