Route du Rhum : nombreuses interventions des bénévoles de la SNSM

Au départ comme à l’ar­ri­vée, ils étaient là. Les Sauve­teurs en Mer ont pris part au dispo­si­tif de sécu­rité qui a enca­dré la Route du Rhum 2022. Cent trente-huit concur­rents ont parti­cipé à cette célèbre compé­ti­tion à la voile, qui a lieu tous les quatre ans, au mois de novembre. Ils ont rallié la Guade­loupe, dans les Antilles françaises, depuis Saint-Malo. Le centre de forma­tion et d’in­ter­ven­tion d’Ille-et-Vilaine a engagé près de quatre-vingts béné­voles pour sécu­ri­ser le départ de l’évé­ne­ment, qui attire un public nombreux. Malheu­reu­se­ment, certains navi­ga­teurs ont rapi­de­ment eu besoin d’as­sis­tance.

Un sauveteur en mer regarde un bateau au loin
© Luc Cividino

Sam Good­child, skip­per de Leyton, s’est grave­ment blessé aux bras et au visage dans les premières minutes de la course. Secouru par les sauve­teurs de Saint-Malo, il a été trans­porté à l’hô­pi­tal. Nouvelle mobi­li­sa­tion au milieu de la nuit. Les sauve­teurs de Roscoff sont venus en aide à Antoine Magré, dont le voilier Pala­nad 3 s’est couché après avoir tapé des cailloux, au large de l’île de Batz, en pleine nuit. Le lende­main matin, les Sauve­teurs en Mer batzi­liens ont été appe­lés pour venir en aide au PiR2, signalé en avarie de propul­sion. Ils ont remorqué et mis en sécu­rité à quai le voilier au port du Blos­con.

Puis les bateaux de course se sont éloi­gnés des côtes françaises. Quelque 3 500 milles et un peu moins de sept jours plus tard, les sauve­teurs locaux étaient au rendez-vous pour l’ar­ri­vée du vainqueur. Un événe­ment qui a attiré de nombreuses personnes en mer, avec des consé­quences malheu­reu­se­ment drama­tiques malgré l’in­ter­ven­tion des béné­voles.

Un acci­dent mortel endeuille l’ar­ri­vée du vainqueur

Un navire, venu accueillir le vainqueur de la course trans­at­lan­tique, enfourne sous l’ef­fet d’une houle méca­nique, due à la présence de plus de deux cents embar­ca­tions. C’est la catas­trophe.

Cela aurait dû être un moment de liesse. Dans la nuit du 15 au 16 novembre 2022, deux cents à trois cents bateaux de toutes tailles étaient sortis afin d’ac­cla­mer Charles Caudre­lier, vainqueur de la douzième édition de la Route du Rhum - Desti­na­tion Guade­loupe. Mais cet événe­ment s’est trans­formé, en quelques secondes, en drame absolu. L’im­por­tant nombre d’em­bar­ca­tions a provoqué une forte houle méca­nique, sous laquelle le bateau à moteur Cora­lia, trans­por­tant onze personnes, a enfourné1. Il s’est aussi­tôt retourné, proje­tant ses occu­pants à l’eau. Plusieurs d’entre eux sont restés piégés sous la coque.

Les Sauve­teurs en Mer de Pointe-à-Pitre sont sur la ligne d’ar­ri­vée avec leur vedette de deuxième classe SNS 263 Fotis G. Poulides depuis plus d’une heure. Sans avoir été solli­ci­tés par l’or­ga­ni­sa­tion ni par les auto­ri­tés mari­times. Mais, conscients qu’un événe­ment de cette ampleur peut provoquer des acci­dents, ils ont pris les devants. À raison. Vers cinq heures, un appel sur la VHF signale qu’un navire suiveur a chaviré et que des personnes sont à l’eau. Sans délai, la vedette réagit et se rend sur place en moins de trois minutes. L’équi­page sécu­rise la zone, envoie des bouées couronne et récu­père quatre des naufra­gés, posi­tion­nés à cali­four­chon sur la coque. Cinq autres ont déjà été recueillis par des navires présents. Une femme a été extir­pée tant bien que mal par le haut de son gilet de sauve­tage, dont une lanière s’était coin­cée dans un taquet. Elle est indemne.

Les béné­voles de la SNSM restent en liai­son perma­nente avec le centre régio­nal opéra­tion­nel de sauve­tage et de surveillance (CROSS), qu’ils tiennent informé du dérou­le­ment des opéra­tions. Ils apprennent que deux victimes sont bloquées sous le bateau retourné et envoient aussi­tôt deux équi­piers à leur secours. Ils réus­sissent à extraire l’une d’elles, en arrêt cardiaque, et à la hisser sur le Zodiac® de la gendar­me­rie mari­time, puis à la trans­fé­rer sur la vedette de la SNSM. Les sauve­teurs tentent immé­dia­te­ment une réani­ma­tion cardio-respi­ra­toire. La seconde victime, égale­ment en arrêt cardiaque, est récu­pé­rée par un plon­geur de la gendar­me­rie et embarquée dans la foulée sur un Zodiac® du patrouilleur de la marine La Réso­lue, présent sur zone pour cette arri­vée.

Les cano­tiers se relayent au massage cardiaque

Les cano­tiers secou­ristes Chris­tophe Gras­set et Chris­tian Fortin se relayent au massage cardiaque. En même temps, en accord avec le CROSS, la vedette et le Zodiac® du patrouilleur regagnent la station de Pointe-à-Pitre. Ils y arrivent après une dizaine de minutes, où les pompiers, puis le SAMU les rejoignent pour prendre le relais et tenter de réani­mer les deux hommes de 35 et 38 ans. En vain.

En paral­lèle, le patron de la vedette, Fabrice Lemes­na­ger, main­tient le contact radio avec le CROSS. Les neuf resca­pés sont pris en charge par les sapeurs-pompiers et conduits à l’hô­pi­tal pour examens. Un homme ayant avalé beau­coup d’eau et de fuel en se déga­geant du dessous la coque est hospi­ta­lisé et placé sous oxygène.

L’in­ter­ven­tion n’est pas termi­née. À 6 h 35, les auto­ri­tés demandent aux sauve­teurs de repar­tir sur les lieux de l’ac­ci­dent. Il faut récu­pé­rer l’épave. Les nageurs de bord frappent une remorque sur l’étrave du navire renversé, qui est ramené à la station. Il est ensuite redressé et vidé de son eau.

Cette inter­ven­tion diffi­cile n’au­rait pas été aussi effi­cace sans la forma­tion au secou­risme suivie par les équi­piers présents. Elle leur a permis de réagir rapi­de­ment et à bon escient. Mais cette expé­rience les a forte­ment marqués. L’équi­page a, plus tard, été reçu par une cellule d’ur­gence médico-psycho­lo­gique. « Cela a été humai­ne­ment très éprou­vant, souligne Chris­tian Gras­set. Nous avons la conso­la­tion d’avoir fait notre maxi­mum. » 

Les sauveteurs entrain de remorquer le bateau qui s'est retourné, et faisant deux morts
Les sauve­teurs ont remorqué le bateau qui s’est retourné, faisant deux morts © D. R.

 Article rédigé par Caro­line Guézille, diffusé dans le maga­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­tage n°163 (1er trimestre 2023)

Enfour­ner : enfon­cer la proue et une partie du pont d’un bateau sous l’eau.

 

Équipage engagé

Vedette de 2° classe
SNS 263 Fotis G. Poulides

Patron : Fabrice Lemes­na­ger

Cano­tiers : Franck Bismuth, Chris­tian Fortin, Chris­tophe Gras­set, Nico­las Guillot, Delphine Pierquin, Olivier Veillant