S.O.S. des Pink Ladies après un dessalage

Cinq navi­ga­trices de l’as­so­cia­tion des « Pink Dragon Ladies » et leur barreur restent trente-sept minutes dans une eau à 7° C, à la suite du retour­ne­ment de leur pirogue. Deux semi-rigides et la vedette SNSM du Golfe du Morbi­han les tirent d’af­faire.

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Avec le concours des pompiers, les sauveteurs SNSM ont récupéré la pirogue à balancier et l’ont remorquée jusqu’à Arradon, point de départ des Pink Ladies. © Maurice Puget – SNSM

Corinne, Cathe­rine, Corinne encore, Renée et Chan­tal. Elles sont cinq, unies comme les doigts de la main. De 49 à 75 ans, ce sont des battantes enga­gées dans les Pink Dragon Ladies. Né en Austra­lie, dissé­miné jusqu’au Golfe du Morbi­han, ce club infor­mel regroupe les resca­pées d’un cancer du sein ou d’une patho­lo­gie lourde. Toutes ont envie de profi­ter de la vie et de se recons­truire. Mora­le­ment, avec l’ap­pui et la compré­hen­sion des autres Ladies; physique­ment, avec la pratique de la rame ou de la pagaie. Parfois, elles embarquent à dix, voire vingt sur des pinasses, ou à cinq sur des pirogues poly­né­siennes à balan­cier.

C’était le cas le 9 janvier 2021, au départ d’Ar­ra­don. « Avec Gérard Constans, notre barreur moni­teur du CKCV*, nous enfi­lons à 13 heures nos combi­nai­sons de néoprène  », raconte Cathe­rine.

Première erreur : contrai­re­ment aux autres, j’ai seule­ment passé la veste, pas le panta­lon.

« Nous avons glissé nos affaires person­nelles dans des sacs étanches. Seconde erreur, j’y ai aussi fourré mon portable. D’ha­bi­tude, je le porte à mon cou. Mais, cette fois-ci, l’une des filles avait apporté son appa­reil photo, donc pas besoin de mon portable. »

Ciel clair, dégagé par un petit vent nord-est, léger mais frisquet. Mer belle. Échauf­fe­ment, embarque­ment à 14 heures. En rythme, les Ladies tirent
sur leurs pagaies. Dix fois sur un bord, puis dix fois sur l’autre. C’est Cathe­rine, postée à l’avant, qui indique le chan­ge­ment. Gérard leur a composé un itiné­raire corres­pon­dant à la météo impar­tie par la saison et aux bras des Ladies. D’Ar­ra­don, la pirogue de 5 m pique vers l’île d’Arz.

« Pour éviter des piquets de parcs à huîtres, il faut pivo­ter, explique Cathe­rine, mais le courant nous résiste. Troi­sième erreur, on a toutes pagayé sur le même bord. Déséqui­li­brée, la pirogue s’est retour­née**. Voilà tout le monde dans une eau à 7 °C.  »

Notre souffle est coupé. Mais ni cri ni panique. On s’est comp­tés, personne ne manquait.

Et main­te­nant ?

Il faut remettre la pirogue dans ses lignes. « Facile pour des Poly­né­siens taillés comme des armoires à glace, expliquera Coren­tin Menou, président du CKCV. Diffi­cile pour ces cinq femmes, même avec le concours de Gérard. Il fait le bon choix : joindre les secours. Il est 14 h 53. Tout le monde barbote depuis déjà sept minutes. « Réfu­giée sur la pirogue retour­née, relate Cathe­rine, j’agi­tais ma pagaie pour atti­rer l’at­ten­tion de trois kaya­kistes
plus loin. Un seul s’est dérouté. Il ne pouvait pas faire grand-chose. Juste nous propo­ser du café.
 »

Pour joindre le CROSS Étel, Gérard s’est glissé sous la pirogue, a récu­péré un portable d’un sac étanche et composé le 196, numéro préen­re­gis­tré du centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS). À Étel, le CROSS engage plusieurs moyens : la vedette SNS 277 Président Charles Pilor­get et le semi-rigide SNS 739 Patron Alain Lamou­reux, de la station du Golfe du Morbi­han, ainsi que celui des pompiers à Vannes et l’hé­li­co­ptère de la Sécu­rité civile. Puis l’of­fi­cier de perma­nence lance un message Mayday Relay pour que tous les navires proches se portent à leur secours, ce que fera un privé.

« Quand on a su les secours en route, précise Cathe­rine, le temps s’est allongé à mesure que le froid nous gagnait jusqu’aux os. Pour les pieds et les mains, c’était parti­cu­liè­re­ment doulou­reux. » Avec trois resca­pées, assises sur la coque retour­née, et trois autres sur le flot­teur du balan­cier, tous choi­sissent de chan­ter pour se donner du courage. « Pour ramer, ça donne le rythme, s’amuse Cathe­rine. On a choisi « Petit Papa Noël, quand tu descen­dras du ciel… » et on pariait sur l’hé­li­co­ptère qui arri­ve­rait en premier !  »

Mais ce furent deux semi-rigides : celui d’un loueur de bateaux et celui des sauve­teurs SNSM. Jean-Marc Le Clainche, patron suppléant de la vedette, prend en main l’or­ga­ni­sa­tion des secours. Ordre est donné de trans­fé­rer le petit groupe sur la vedette. Il raconte :

Tous étaient tombés à 34 °C de tempé­ra­ture et Cathe­rine plus bas encore. Un début d’hy­po­ther­mie

« À bord, pour­suit Cathe­rine, ils nous ont séchés et permis d’en­fi­ler des survê­te­ments en polaire bien chaude, puis enro­bés dans des couver­tures de survie. Très vite, ça allait mieux. »

À 16 heures, la vedette accoste à Arra­don. Le méde­cin du SAMU, mobi­lisé égale­ment, ausculte les resca­pés. Tout va bien. « Ça été une affaire de minutes », conclut Jean-Marc. Dans une eau à 7 °C, l’es­pé­rance de vie est de deux à quatre heures selon la corpu­lence. « Grâce à l’ef­fi­ca­cité de la SNSM et des secours, remarque Cathe­rine, nous avons juste passé cinquante minutes dans l’eau. Encore merci à tous. »

En réalité, seule­ment trente-sept, heureu­se­ment.

*Canoë-Kayak Club de Vannes.

**D’autres facteurs ont pu jouer : vent, sens des vagues…

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Les sauve­teurs rangent leur bord après avoir confié les six resca­pés aux pompiers et au SAMU. ©Maurice Puget – SNSM

Nos sauve­teurs sont équipes et entraî­nés pour effec­tuer ce type de sauve­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

Article rédigé par Patrick Moreau dans le maga­zine Sauve­tage n°155 (1er trimestre 2021) 


Retour d’ex­pé­rience

L’aven­ture des Pink Ladies est en cours d’éva­lua­tion par une commis­sion sécu­rité au sein du CKCV.

Objec­tif : préve­nir la répé­ti­tion d’un acci­dent qui aurait pu moins bien se termi­ner. En atten­dant ses conclu­sions, quelques points sont à rele­ver :

  1. Porter un équi­pe­ment person­nel adapté aux condi­tions : une combi­nai­son complète en janvier en métro­pole.
  2. Dispo­ser de moyens de commu­ni­ca­tion faci­le­ment acces­sibles :
    • Une fusée rouge, facile à embarquer, plus effi­cace que la pagaie agitée par Cathe­rine.
    • Des portables dans une pochette étanche et trans­pa­rente, le 196 préen­re­gis­tré, avec une batte­rie char­gée.
    • Des VHF. Coren­tin Menou souhaite désor­mais dispo­ser de deux VHF par embar­ca­tion. Leur avan­tage sur le portable : permettre une commu­ni­ca­tion à plusieurs et préve­nir toute embar­ca­tion située à proxi­mité, pour inter­ve­nir rapi­de­ment.
    • Des brace­lets DIAL (dispo­si­tif d’alerte et de loca­li­sa­tion), propo­sés par la SNSM.
  3. Pratiquer régu­liè­re­ment des exer­cices de sécu­rité. « Nous en orga­ni­sons déjà à la belle saison, précise Coren­tin. Mais, en hiver ou de nuit, ce serait plus réaliste et riche d’en­sei­gne­ments.  »
  4. Orga­ni­ser sa sortie en auto-surveillance. Pas de sortie à moins de deux pirogues pour que l’une puisse secou­rir l’autre. Même sugges­tion pour les kaya­kistes, véli­plan­chistes, plon­geurs…

Équi­pages enga­gés 

Vedette SNS 277 Président Charles Pilor­get

Patron suppléant : Jean-Marc Le Clainche

Sous-patron : Maurice Puget

Équi­pier : Nico­las Sainte-Luce

Semi-rigide SNS 739 Patron Alain Lamou­reux

Patron : Gilles Le Floc’h

Nageurs de bord : Emma­nuel Bertrand et Franck Brouzes