Conseils : comment se situer en mer ?

La carte, mais aussi les yeux, le sondeur, le loch, le compas de relè­ve­ment… et le bon sens. Tout cela doit être mis en oeuvre pour ne pas finir sur les cailloux, et être capable de dire aux sauve­teurs où l’on est, le cas échéant.

La carte papier est un moyen sûr de se repérer même pendant une coupure d'électricité - © Nicolas Sivan

En mer, les diffi­cul­tés ne surviennent pas qu’en pleine tempête. Preuve en est : la majo­rité des inter­ven­tions des Sauve­teurs en Mer pour la plai­sance s’opèrent par beau temps et près des côtes (en 2019, par exemple, la moitié ont eu lieu par mer belle, à une distance moyenne de la station de sauve­tage de 3,5 milles nautiques). 

Plus de 15 % de ces inter­ven­tions sont liées à des échoue­ments. Et pour­raient donc poten­tiel­le­ment être évitées. Les centres de secours reçoivent nombre d’ap­pels qui ne mentionnent qu’une posi­tion approxi­ma­tive, souvent erro­née, qui va retar­der consi­dé­ra­ble­ment les sauve­teurs, voire les empê­cher de loca­li­ser les personnes en détresse. Voilà pourquoi il primor­dial de savoir se situer lorsque l’on navigue. 

Savoir se passer de l’élec­tro­nique 

Si une grande majo­rité des bateaux sont aujour­d’hui équi­pés de maté­riel élec­tro­nique pour la loca­li­sa­tion, il est primor­dial de tout de même savoir utili­ser une carte papier. Les pannes arrivent, notam­ment celles d’ali­men­ta­tion élec­trique. 

Sur les navires de sauve­tage de la SNSM, bardés d’élec­tro­nique, il y a toujours une carte papier. Les forma­tions de base des sauve­teurs se font toujours sur carte papier. Et dans les stages de perfec­tion­ne­ment pour les futurs patrons, il n’est pas exclu que l’on simule une panne d’ins­tru­ments et qu’on leur demande où ils se trouvent.  

Bien choi­sir son équi­pe­ment élec­tro­nique 

N’ache­tez pas de maté­riel sans vous poser la ques­tion du logi­ciel et de la carto­gra­phie. Il est recom­mandé de s’as­su­rer, par exemple, de la dispo­ni­bi­lité de cartes de détail dans les zones où vous aime­riez navi­guer. Toutes les cartes ne sont pas compa­tibles avec tous les maté­riels.  

Avant d’ache­ter, réflé­chis­sez quand même à vos condi­tions d’uti­li­sa­tion : à l’in­té­rieur ? À l’ex­té­rieur ? Équi­pe­ment étanche ? La lisi­bi­lité d’un écran tactile en exté­rieur n’est pas toujours excellent (testez la lumi­no­sité). Les commandes tactiles perdent de leur charme en envi­ron­ne­ment humide ou chahuté. Les sauve­teurs prévoient toujours des boutons sur lesquels il est en plus possible de cliquer. N’ou­bliez pas de contrô­ler la consom­ma­tion en élec­tri­cité et la mémoire. 

Quelques réfé­rences : 

Time­Zero : ou TZ, de la société MaxSea – dont se servent majo­ri­tai­re­ment les Sauve­teurs en Mer –, a été initia­le­ment conçu pour l’uni­vers Micro­soft et est connec­table à des sondeurs ou radar Furuno, parte­naire privi­lé­gié de MaxSea. 

Navio­nics : autre four­nis­seur très connu de carto­gra­phies marin et terrestre, fait partie du groupe Garmin (ce qui n’em­pêche pas 
cepen­dant d’uti­li­ser ces cartes sur d’autres appa­reils). 

Weather4D : logi­ciel souvent choisi par les voiliers pour son routage météo, est déve­loppé surtout pour l’uni­vers IOS (iPads et iPhones de chez Apple). 

Sur votre télé­phone: la carto­gra­phie marine est main­te­nant très présente dans le monde des appli­ca­tions pour smart­phones et tablettes, avec une prédi­lec­tion pour iOS (Apple). Time­Zero a désor­mais sa version TZ iBoat. Navio­nics s’est fait connaître par le monde des appli­ca­tions. Ces solu­tions sont tentantes en raison de leurs prix, géné­ra­le­ment plus doux. 

Regardez dehors

Malgré la préci­sion des cartes élec­tro­niques : regar­dez dehors, la réalité ! C’est ce que répètent sans cesse Antoine Breton, respon­sable de la forma­tion des sauve­teurs embarqués à la SNSM, et son équipe de forma­teurs, aux futurs patrons de navires de sauve­tage. La hauteur d’eau mesu­rée par le sondeur est-elle cohé­rente avec la posi­tion sur la carte ? Un phare, une jetée, une pointe sont autant d’oc­ca­sions de relè­ve­ment pour surveiller sa posi­tion. 

Carte vecto­rielle ou raster ? 

Vous aurez un choix impor­tant à faire (profi­tez des éven­tuelles démons­tra­tions pour le faire), celui des cartes vecto­rielles ou raster. Sur un logi­ciel comme TZ, les deux sont possibles.

La carte raster est celle qui ressemble à une photo­co­pie de la carte papier. Elle est fami­lière à beau­coup d’entre nous et sûre, surtout si elle provient d’une source bien iden­ti­fié (le Shom en France, par exemple), et est régu­liè­re­ment mise à jour. Tous les rensei­gne­ments dispo­nibles son d’em­blée visibles sur l’image. Les logi­ciels savent passer sans rupture de la carte géné­rale à la carte de détail.

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Trois styles de carto­gra­phie élec­tro­nique, tous dispo­nibles sur le logi­ciel TZ, pour une même zone très fréquen­tée par les plai­san­ciers, l’ar­chi­pel des Glénan. Ici : la carte raster du Shom © Time­zero

La carte vecto­rielle est une carte numé­rique. Les orga­nismes offi­ciels l’adoptent de plus en plus. Elle auto­rise beau­coup plus de mani­pu­la­tions, y compris la super­po­si­tion de calques person­nels.

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Ici : la carte vecto­rielle Navio­nics clas­sique. © Time­zero

Gérard Rivoal, chef de service à la direc­tion tech­nique des Sauve­teurs en Mer l’af­firme : « ceux qui s’y habi­tuent ne reviennent pas en arrière ». Mais elle peut dérou­ter certains et présente des risques si le navi­ga­teur ne maîtrise pas bien le zoom (nous reve­nons sur ce point un peu plus loin). 

Pensez aux mises à jour

Hormis sur les grands bateaux et dans la Marine natio­nale, rares sont les marins exem­plaires en matière de mise à jour des cartes. Au moment de choi­sir, pensez à cette fonc­tion. On note des diffé­rences impor­tantes en matière de mises à jour (fréquence, prix, etc.), avec parfois un cadeau qui peut se trans­for­mer en piège : les cartes qui restent acces­sibles même si vous n’êtes plus abonné aux mises à jour. Les cailloux bougent peu, mais, faute d’ac­tua­li­sa­tion, vous pouvez manquer la recti­fi­ca­tion d’une erreur, notam­ment dans des zones exotiques. 

Anti­ci­per les impré­vus 

Quelques précau­tions de base sont utiles, quand on prend en main un bateau de loca­tion, par exemple. Avant le départ. Que fera-t-on en cas de panne d’élec­tri­cité ? Dispose-t-on d’un petit GPS portable, d’une carte papier, d’un compas et d’un crayon pour se posi­tion­ner ? Si l’on compte sur son smart­phone, affiche-t-il bien sa posi­tion en degrés, minutes et secondes ? Des appli­ca­tions gratuites le font. Donne-t-il toujours une posi­tion s’il ne capte plus le réseau GSM ? Véri­fiez que les cartes ou guides papier ne datent pas trop et sont bien calés sur le repère géodé­sique qui est celui des GPS : WGS 84. Sinon, avant le départ, évaluez, au port ou au mouillage, le déca­lage entre GPS et carte. Cette précau­tion corres­pond à un adage beau­coup plus géné­ral : assu­rez-vous régu­liè­re­ment de la concor­dance entre le virtuel et la réalité. 

« Une fois en route, véri­fiez que l’image du bateau bouge bien sur la carte et vous situe à un endroit vrai­sem­blable », conseille Thomas Colin, de la direc­tion de la forma­tion des Sauve­teurs en Mer. Une perte de signal GPS est toujours possible. Conser­vez une marge de sécu­rité. GPS et carte élec­tro­nique donnent envie de visi­ter des anses et des mouillages où l’on ne se serait pas risqué sans. 

Les choix des Sauveteurs en Mer pour se diriger 

Les Sauve­teurs en Mer colla­borent depuis plusieurs années avec MaxSea, plus connu aujour­d’hui sous le nom de Time­Zero (TZ). C’est l’un des leaders du marché, avec des logi­ciels de navi­ga­tion qui ajoutent beau­coup d’in­for­ma­tions par rapport à la simple carte. De très nombreuses vedettes exploitent la version profes­sion­nelle de TZ. 

Time­Zero a aussi élaboré avec la SNSM une exten­sion du logi­ciel qui donne aux navi­ga­teurs en opéra­tion la possi­bi­lité de tracer faci­le­ment les patterns de recherche deman­dés par les centres régio­naux opéra­tion­nels de de surveillance et de sauve­tage (CROSS) – quand il faut retrou­ver une embar­ca­tion en diffi­culté ou un homme à la mer. Le CROSS répar­tit les zones de recherche s’il béné­fi­cie de plusieurs moyens d’in­ter­ven­tion et indique comment il souhaite que la zone soit balayée. Il existe des patterns types, ce qui évite d’avoir à tout retra­cer dans des condi­tions de mer et d’ur­gence parfois très dures. Idéa­le­ment, le CROSS devrait 
pouvoir trans­mettre auto­ma­tique­ment ces grilles au système de navi­ga­tion des navires de sauve­tage. Quinze d’entre eux en sont déjà dotés pour expé­ri­men­ter la récep­tion de fichiers numé­riques en 4G. 

Article tiré du dossier rédigé par Jean-Claude Hazera dans le maga­zine Sauve­tage n° 154 (4ème trimestre 2020)