Équipier embarqué, une formation indispensable pour les Sauveteurs en Mer

Tout au long de l’an­née, les Sauve­teurs en Mer s’en­traînent et se forment pour être prêts à inter­ve­nir, en toutes circons­tances. Immer­sion lors d’une forma­tion pour les équi­piers embarqués, un essen­tiel pour tout sauve­teur SNSM. Au programme : révi­sion des bonnes pratiques, déve­lop­pe­ment des savoir-faire et échange entre sauve­teurs.

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Les équipiers embarqués de la SNSM, fraîchement formés. ©Jacky Lebuhotel

Pour la première fois, au nord de la Seine, une forma­tion d’équi­pier embarqué a été orga­ni­sée au Havre, du 9 au 12 octobre 2020. À la manœuvre, Nico­las Thiollent, respon­sable péda­go­gique, forma­teur au centre de forma­tion et d’in­ter­ven­tion (CFI) de Rouen et patron suppléant à la station SNSM de Saint-Valéry-en-Caux. À ses côtés, Maxime Goyer du Pôle natio­nal de la forma­tion de Saint- Nazaire, réfé­rent forma­tion sauve­teurs embarqués.

Pour chaque atelier, la forma­tion est assu­rée par les spécia­listes locaux, des sauve­teurs des stations locales SNSM – Le Havre et Le Tréport – et du CFI de Rouen, venus avec leurs moyens nautiques, complé­tés par le semi-rigide de la station d’Yport.

Déve­lop­per ses compé­tences et savoir-faire 

Sandrine Dossier-Heudron. ©Jacky Lebu­ho­tel

Pendant ces quatre jours, douze sauve­teurs ont abordé toutes les facettes et tous les aléas de l’équi­pier embarqué. Leurs profils ? Des sauve­teurs embarqués effec­tuant des missions au large et des nageurs sauve­teurs, inter­ve­nant sur le litto­ral.

Pas le temps de flâner et d’ad­mi­rer les instal­la­tions portuaires, la jour­née commence dès 7 h 30 et se termine à 20 h 30. Entre­temps, le cerveau est soumis à rude épreuve. La première jour­née permet d’ap­pré­hen­der les ques­tions de
sécu­rité : la mise en œuvre du canot de survie, les commu­ni­ca­tions radio et la prise en main de l’élec­tro­nique, mais aussi le travail sur la carte papier, outil irrem­plaçable. Le deuxième jour, pendant qu’un groupe s’en­traîne à l’uti­li­sa­tion de la moto­pompe, l’autre se remé­more les prin­ci­paux nœuds.

Sandrine Dossier-Heudron est la seule femme de l’équipe. Nageuse sauve­teuse depuis 1994 et désor­mais forma­trice de forma­teurs au CFI de Rouen, elle est très moti­vée :

La SNSM, c’est ma seconde vie. Et c’est une histoire de famille : mon mari est égale­ment sauve­teur, et l’aîné de mes trois enfants se forme pour le deve­nir.

À la ques­tion « Pourquoi équi­pier embarqué ? », ses yeux brillent : « Je souhaite être en mesure d’ar­mer le semi-rigide du CFI lors des mani­fes­ta­tions nautiques sur lesquelles nous assu­rons la sécu­rité. Et j’es­père un jour démé­na­ger et habi­ter au bord de la mer. »

Sébas­tien Deveaux, quant à lui, n’ima­gine pas vivre sans la mer et surtout sans la grande famille SNSM. Membre du comité des régates du Havre – la plus vieille société nautique de France – il programme des exer­cices avec ses membres et les kite­sur­feurs, qui sont légion sur ces côtes venteuses. « J’ai toujours vécu au bord de la mer. Mon père avait un bateau et je suis devenu marin sur les plates-formes de forage. Je travaille un mois et suis de repos un mois, ce qui me laisse du temps de libre. »

Je parti­cipe à cette forma­tion pour conti­nuer à apprendre et corri­ger mes éven­tuelles erreurs.

Parler le même langage

Avant de sortir les annexes*, on s’exerce au lancer de touli­ne**. Ce qui semble un jeu d’en­fant est beau­coup plus diffi­cile qu’il n’y paraît. On a le droit à de belles chan­delles ou à de tristes plon­geons au bord du quai. Chaque embar­ca­tion de la SNSM a son amar­rage parti­cu­lier, mais il faut parler le même langage. Enfin, après quelques essais, c’est maîtrisé. En revanche, plon­ger avec l’an­nexe donne le fris­son ! Indis­pen­sable lien avec la victime lorsque l’opé­ra­tion se situe sur l’es­tran, sa manœuvre, qui semble facile, demande un réel appren­tis­sage.

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Les sauve­teurs s’en­traînent à effec­tuer un relè­ve­ment et à le repor­ter sur une carte. ©Jacky Lebu­ho­tel

Après un repas bien mérité, pas le temps de traî­ner. Avant de prendre la mer pour un exer­cice d’ac­cos­tage, il faut revoir la termi­no­lo­gie. Pour mémoire, la garde*** avant part de l’avant et la garde arrière de l’ar­rière. À la barre de la SNS 161, vedette de 1ère classe, Florian Brous­tail, patron à la station SNSM du Havre, tout sourire. Il vient d’ap­prendre que son fils a fait ses premiers pas pendant son absence. Pour fêter ça, il emmène les stagiaires – jargon SNSM pour parler des parti­ci­pants à la forma­tion, appe­lée quant à elle « stage » – vers un ponton flot­tant qui croule sous les maté­riels de pêche. Offi­cier dans la marine marchande, Florian fait la démons­tra­tion d’un accos­tage parfait aux stagiaires, alors que Guy Plot­ton surveille d’un œil critique.

Le chef de pont doit veiller à la sécu­rité. On ne se préci­pite pas. Un pied, une main peuvent traî­ner.

On recom­mence la manœuvre plusieurs fois et c’est presque parfait. « Je suis très satis­fait », confesse Florian.

De retour au quai, on range et on nettoie. Il est 18 heures. La jour­née n’est pas finie.

Un rythme de forma­tion intense

Jean-Luc Poignant. ©Jacky Lebu­ho­tel

Nico­las, le nez plongé dans son programme, veille au plan­ning : « Un café et nous allons main­te­nant étudier en situa­tion le travail du barreur. » Il fait froid et les vagues sautent la digue du port de plai­sance. Les vedettes s’élancent dans une mer formée. Chacun leur tour, les futurs équi­piers prennent la barre et le constat est sans appel. Tenir un cap est très déli­cat, voire impos­sible si, en même temps, on surveille l’élec­tro­nique. Heureu­se­ment, chaque équi­pier a son rôle, ce qui permet une répar­ti­tion des tâches.

Le retour se fait de nuit. Un avant-goût de ce qui attend les stagiaires le lende­main : la manœuvre de l’homme à la mer, le mouillage d’ur­gence, l’éta­blis­se­ment de la remorque et la navi­ga­tion nocturne. Pour l’heure, le retour d’ex­pé­rience de la jour­née est instruc­tif. Jean-Luc Poignant, ancien pilote de ligne et de l’Aé­ro­na­vale, résume bien le ressenti de tous les stagiaires.

Toute ma vie profes­sion­nelle, j’ai travaillé en équi­page. Vu les missions que nous avions, c’était indis­pen­sable. Je suis heureux de retrou­ver cette compli­cité et cette cama­ra­de­rie à la SNSM.

Après un chaleu­reux repas, la troupe est de retour à l’hô­tel à 23 heures. Four­bus, les stagiaires s’en­dorment aussi­tôt dans le lit confor­table de l’hô­tel Les Gens de Mer. Réveil à 7 heures. Une heure après, l’équipe est habillée et casquée, prête pour une nouvelle jour­née d’étude et d’en­ri­chis­se­ment.

Le stage dure quatre jours, un format qui peut être évolu­tif. Nico­las Thiollent est bien conscient qu’il n’est pas facile pour les volon­taires de se libé­rer quatre jours de suite.

Nous pouvons aussi orga­ni­ser le stage sur deux fois deux jours, mais on perd le vécu du groupe, essen­tiel à mon avis pour la bonne cohé­sion d’un équi­page.

Tous les stagiaires ont validé leur forma­tion. Lors de la dernière séance, ils ont fait part de leurs impres­sions. Elles sont excel­lentes.

« Peut-être faudra-t-il, pour les équi­piers ou les sauve­teurs qui travaillent sur des semi-rigides, mettre l’ac­cent sur ce type d’em­bar­ca­tion, très diffé­rent des vedettes », précise Nico­las Thiollent. L’oc­ca­sion d’une future forma­tion SNSM, pour conti­nuer à déve­lop­per ses compé­tences et savoir-faire.

* Les annexes sont les pneu­ma­tiques situés à l’ar­rière des canots de sauve­tage. Ils servent à aller au plus près des naufra­gés lors d’une opéra­tion de sauve­tage.

** La touline, c’est le bout fin, à l’ex­tré­mité duquel on trouve la pomme de touline, un nœud en forme de boule, qui sert à passer une amarre.

*** Une garde est une amarre qui empêche l’em­bar­ca­tion d’avan­cer ou de recu­ler.

Article rédigé par Jacky Lebu­ho­tel dans le maga­zine Sauve­tage n°154 (4ème trimestre 2020)