Évacuation d’un marin pêcheur et assistance à son chalutier aux Sables d'Olonne

La première grande inter­ven­tion du nouveau canot tous temps – le « SNS 002 » des Sables d’Olonne – est marquée par un double sauve­tage. D’abord l’éva­cua­tion sani­taire d’un marin pêcheur suite à un impor­tant malaise, suivie de l’as­sis­tance au déséchoue­ment du « Cayola », le chalu­tier-senneur de 22 m sur lequel l’homme avait embarqué. Récit.

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Le "SNS 002 Canotier Jacques Joly", canot tous temps de dernière génération, évoluant au large des Sables d’Olonne, son port d’attache. © Damien Madeline-Crozet

La nuit est déjà noire à 20 h 49, le 14 novembre 2020, quand sonne le portable de Jérôme Monne­reau. Marin pêcheur et patron suppléant du SNS 002 Cano­tier Jacques Joly de la station SNSM des Sables d’Olonne, Jérôme n’est pas à la pêche ce soir. L’ap­pel provient du centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS). Celui qui, depuis Étel, coor­donne tous les secours mari­times du Finis­tère sud jusqu’au Pays Basque. Il engage ainsi le SNS 002, un canot tous temps (CTT), pour une EVASAN. EVASAN ? L’acro­nyme pour EVAcua­tion SANi­taire. Chaque année, les bâti­ments de la SNSM réalisent de nombreuses EVASAN, au béné­fice d’îliens et de marins à la pêche, au commerce ou à la plai­sance néces­si­tant des soins. Si une équipe du SAMU doit être asso­ciée aux sauve­teurs, on parle alors d’une EVAMED – EVAcua­tion MEDi­cale.

L’homme est pris de convul­sions violentes

À l’ori­gine de l’alerte, le Cayola, un chalu­tier pouvant travailler à la senne danoise. Construit en 2013 chez Piriou, sur un plan Mauric, ce navire est le tout premier senneur français spéci­fique­ment conçu et non trans­formé pour cette pêche. Cette tech­nique offre deux avan­tages : nette réduc­tion de la consom­ma­tion de fioul et, à chaque pochée, meilleure qualité du pois­son. Et, en outre, soulignent ses écolo­gistes, un impact néga­tif sur les ressources natu­relles. Inscrit aux Sables, le Cayola dispose d’une cale réfri­gé­rée de 55 m3… Cette nuit, à bord de cette unité de 22 m, capable d’af­fron­ter et les vagues et les aléas de la pêche, quatre marins, dont un bosco. « Dans la cambuse, raconte Patrice Fauge­ron, patron du CTT, ce dernier est bruta­le­ment pris de convul­sions violentes alors que le bateau sort à peine du port. Le marin de 40 ans se plaint aussi de fortes douleurs dans la cage thora­cique. »

Un état inquié­tant, souvent révé­la­teur d’un infarc­tus en cours. Son patron n’hé­site pas à joindre le CROSS par VHF. D’Étel, ce dernier orga­nise une première confé­rence entre le Centre de consul­ta­tion médi­cale mari­time (CCMM, basé à Toulouse pour des raisons histo­riques) et le Cayola. Puis une seconde avec, cette fois, le SCMM 64, l’ex­ten­sion du CCMM pour la façade atlan­tique sud. À distance, les deux méde­cins posent un même diag­nos­tic : ce n’est pas le cœur ; et une même solu­tion : une évacua­tion rapide vers le centre hospi­ta­lier des Sables, tout proche.

En seule­ment dix minutes, les sauve­teurs béné­voles rejoignent leur SNS 002, embarquent et appa­reillent. Ils sont sept : le patron Patrice, son suppléant Jérôme, avec son père Chris­tophe Monne­reau qui, cano­tier, est égale­ment président de la station ; il y a aussi Romain Picaud (patron à la pêche), David Renaud (méca­ni­cien d’un bateau pilote de la Loire), David Bossard (ex-pompier, scaphan­drier « dans le civil ») et Reuben Chai­gneau (ancien nageur sauve­teur). Jérôme, Chris­tophe et David B. ont en commun d’avoir survécu, en juin 2019, au naufrage du précé­dent CTT de la station, le Patron Jack Moris­seau. Chacun a reçu la Légion d’hon­neur des mains du Président Macron. Une recon­nais­sance qui salue l’en­ga­ge­ment des huit mille cinq cents sauve­teurs béné­voles de la SNSM. Ces trois marins le savent bien. Cette fortune de mer leur pèse-t-elle ? La ques­tion n’est pas indis­crète ; mais la réponse le serait. Alors, aux mots, ils préfèrent les actes. Pour sauver, ils embarquent. Facile ? Non. Coura­geux ? Bien sûr.

Le Cayola échoué

Ce soir, l’at­ten­tion de tout l’équi­page va, comme toujours, à la mission, et à leur canot. Après bien des pannes, il est enfin presque opéra­tion­nel. Presque car ses réduc­teurs créent toujours des diffi­cul­tés. À surveiller aussi : les condi­tions météo. Elles sont médiocres, bien­tôt fran­che­ment mauvaises : vent de sud à force 4, mer à force 5 avec des creux de 1,25 à 2,50 mètres, dixit le séma­phore Saint-Sauveur de l’île d’Yeu. Malgré la nébu­lo­sité, la visi­bi­lité demeure bonne. Repé­rer le Cayola est chose simple. Patrice Fauge­ron préci­sera :

Il est à peine au-delà de la passe, entre les deux jetées : celle des Sables et celle de La Chaume.

À ces deux gardiens s’en ajoute un troi­sième : une barre de sable, qui peut deve­nir cailloux. Elle concourt volon­tiers, dans certaines situa­tions météo­ro­lo­giques, à la forma­tion de ces défer­lantes qui ont contri­bué à la catas­trophe de juin 2019. « En contact radio perma­nent, conti­nue Patrice, j’étais tout de suite sur lui. Mais pas simple de se porter à couple et, surtout, de faire passer nos équi­piers sur son bord pour ensuite accueillir le bosco en détresse. » De fait, le Cayola est 5 mètres plus long que le SNS 002, son pont a minima 1 mètre plus haut. Et son tirant d’eau bien plus impor­tant que celui du CTT. Les deux bâti­ments bougent chacun selon son rythme. Rares sont leurs évolu­tions synchrones. À l’al­ler comme au retour, les trois sauve­teurs réus­sissent le trans­fert. Soula­ge­ment quand la victime est enfin en sécu­rité à bord du SNS 002. La place ne lui manque pas : le navire peut accueillir quarante naufra­gés. Mais, dans la manœuvre, le Cayola, qui cale profond, s’est échoué sur le banc de sable. Quoique montante, la marée n’est pas suffi­sante. La situa­tion est pénible mais sans danger immé­diat. Donc, pour­suite de l’EVA­SAN.

21 h 20. Le SNS 002 touche déli­ca­te­ment au quai des Sables et y dépose le malheu­reux marin en souf­france. L’y attend un véhi­cule d’as­sis­tance et de secours des pompiers, bien­tôt rejoint par le SAMU 85. Quelques minutes plus tard, l’homme est aux urgences. Fina­le­ment, il sera rapi­de­ment tiré d’af­faire. À présent, retour des sauve­teurs vers le Cayola. Les deux patrons partagent une même inquié­tude : il ne faudrait pas que le flot porte le chalu­tier du sable sur les cailloux. Patrice explique :

On lui a passé une première remorque. Mais elle a rompu.

Trop puis­sants, les deux fois 650 ch des moteurs Scania du CTT, ou encore trop échoué, le Cayola ? Alors, le CTT se tient en alerte. Quand le Cayola rentre enfin dans ses lignes, il rejoint son mouillage au quai Colbert par ses propres moyens. Le lende­main, un plon­geur inspec­tera sa coque d’acier : RAS. Sur le SNS 002, main­te­nant à son quai du port Olona, les sauve­teurs rangent leur bord, après trois heures et vingt-quatre minutes d’in­ter­ven­tion.

Tout est bien qui finit bien, certes. Là est l’is­sue heureuse de cette double opéra­tion de sauve­tage, première grande inter­ven­tion du SNS 002 Cano­tier Jacques Joly.

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Covid-19 oblige : par-dessus le tradi­tion­nel uniforme orange, les sauve­teurs embarqués passent une combi­nai­son inté­grale pour faire obstacle au virus et se gantent de latex. © Louis Méti­vet

Nos sauve­teurs sont équi­pés et formés pour effec­tuer ce type de sauve­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

Article rédigé par Patrick Moreau dans le maga­zine Sauve­tage n°155 (1er trimestre 2021)


Équi­page engagé

SNS 002 Cano­tier Jacques Joly

Patron : Patrice Fauge­ron

Patron suppléant : Jérôme Monne­reau

Radio : Romain Picaud

Méca­ni­cien : David Renaud

Équi­piers : David Bossard, Reuben Chai­gneau, Chris­tophe Monne­reau