Louis Reig, le mécanicien au service du sauvetage

Passionné de méca­nique dès son plus jeune âge, et animé par l’es­prit d’équipe, Louis Reig, ancien offi­cier de la Marine natio­nale, veille sur le canot tous temps « SNS 092 », basé à Port-Vendres. Quand il n’est pas sur son exploi­ta­tion de Banyuls…

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Dans la salle des machines, Louis Reig veille avec attention sur les deux Iveco de 450 chevaux. © Francis Salaün

À peine à bord du SNS 092 Notre-Dame de Bonne Nouvelle, fière­ment amarré dans le port de commerce de Port-Vendres (Pyré­nées-Orien­tales), Louis Reig s’em­presse de descendre à la salle des machines pour véri­fier le niveau d’huile des deux moteurs Iveco de 450 chevaux. « Ils doivent être prêts à tour­ner si on nous appelle. » La méca­nique, c’est sa vie ; et le diesel, il en maîtrise tous les aspects.

Entré à l’école de mais­trance, en 1972, où on forme les futurs offi­ciers mari­niers, il accom­plit toute sa carrière dans la Marine natio­nale. Trente-trois ans dans la Royale, dont vingt ans à bour­lin­guer sur les mers. Fils de marin pêcheur exploi­tant égale­ment quelques arpents de vigne à Banyuls, il a très jeune été attiré par la mer et les moteurs. À bord de très nombreux bâti­ments, la Marine natio­nale lui four­nit l’oc­ca­sion de mettre à profit sa double passion en même temps que ses connais­sances en matière de propul­sion. « J’ai commencé sur l’Île d’Olé­ron, un bâti­ment d’ex­pé­ri­men­ta­tion de tirs de missiles. Ensuite, le Cassard, une frégate anti­aé­rienne, puis sur les porte-avions Foch et Clemen­ceau. Après, j’ai embarqué sur la frégate Georges Leygues, puis l’aviso D’Es­tienne d’Orves et, pour finir, le Jules Verne, un bâti­ment atelier poly­va­lent. »

Paren­thèse dans cette longue carrière à la mer, il a pris, pendant un temps, le comman­de­ment des marins-pompiers à Port-de-Bouc, près de Marseille, à proxi­mité de la raffi­ne­rie de Lavera et du port pétro­lier de Fos-sur-Mer. « Une expé­rience parti­cu­liè­re­ment riche, compte tenu des risques poten­tiels de ces sites clas­sés, qui m’a montré un autre aspect du travail au quoti­dien. Mili­taire, j’avais aussi à exer­cer mon comman­de­ment en lien avec diffé­rentes auto­ri­tés civiles. » Retiré de la Marine natio­nale, Louis Reig n’est pas resté long­temps inac­tif. En 2007, Marc Cassou, l’ac­tuel président de la station de Port-Vendres, l’a convaincu de rejoindre l’équipe des sauve­teurs.

J’ai un peu hésité, puis je me suis engagé. En défi­ni­tive, en mettant sac à terre, je n’avais plus cet esprit d’équi­page qui m’a plu pendant toutes ces années. Je l’ai retrouvé en entrant à la SNSM.

D’abord cano­tier, Louis devient rapi­de­ment méca­ni­cien

Volon­tai­re­ment, Louis Reig accepte seule­ment, dans un premier temps, d’être simple sauve­teur, autre­ment dit cano­tier. « Le président m’a un peu forcé la main pour que je devienne méca­ni­cien suppléant. Puis, au fil du temps, je suis devenu méca­ni­cien de bord. »

Doré­na­vant, Louis Reig veille sur la machine comme sur la prunelle de ses yeux. Construite en 1998 au chan­tier Bernard à Locmiqué­lic (Morbi­han) le SNS 092 est un canot tous temps qui doit être surveillé de près, car le poids des ans commence à se faire sentir. Le Notre-Dame de Bonne Nouvelle a repris du service après avoir été immo­bi­lisé un an dans un chan­tier. Un arrêt parti­cu­liè­re­ment long, qui s’ex­plique par l’in­dis­po­ni­bi­lité de l’en­tre­prise char­gée des travaux, et l’en­semble de la remise en état. "On a refait tout le caré­nage, ainsi que toute la partie supé­rieure des moteurs. À savoir culasse, injec­tion, turbo… A priori, on est reparti pour dix ans si, d’ici là, on échappe à d’autres pépins méca­niques."

La plupart des inter­ven­tions de sauve­tage de la station de Port-Vendres concernent des plai­san­ciers

La station de Port-Vendres, c’est une ving­taine d’in­ter­ven­tions par an. Si le port en eau profonde a conservé sa voca­tion commer­ciale et accueille toujours des cargos de fort tonnage trans­por­tant fruits et légumes, la pêche, au fil des ans, a péri­clité. Autre­fois très nombreux, les bateaux armés pour la pêche au lamparo, qui traquaient la sardine, ont pratique­ment disparu. Seuls quelques petits côtiers animent les quais, de bonne heure le matin, quand ils débarquent et proposent à la vente leur pêche de la nuit.

La plupart de nos inter­ven­tions concernent les navires de plai­sance. En règle géné­rale, il s’agit d’ava­ries de moteur ou de barre. Ici, en Médi­ter­ra­née, à la diffé­rence de l’At­lan­tique, les vagues sont courtes et cassantes. Elles sont à l’ori­gine de nombreuses avaries.

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Louis Reig devant le canot tous temps « SNS 092 Notre-Dame de Bonne Nouvelle » © Fran­cis Salaün

Le 3 mai, à la demande du CROSS et des auto­ri­tés espa­gnoles, le SNS 092 Notre-Dame de Bonne Nouvelle a été appelé alors qu’un chalu­tier espa­gnol, le Barranco était en feu au large de Cerbère, à la limite des eaux terri­to­riales. « Ce jour-là, la mer était très forte et l’in­cen­die très impres­sion­nant, avec des flammes de 10 à 15 mètres. D’autres bateaux de secours étaient sur zone. L’in­cen­die du navire s’est soldé par un mort, victime d’une crise cardiaque, et trois autres pêcheurs bles­sés ont été évacués
sur l’hô­pi­tal de Figue­ras. Pour notre part, nous avions pour mission de rester sur les lieux jusqu’à ce que le chalu­tier coule. Notre situa­tion géogra­phique fait que nous pouvons inter­ve­nir – comme ce fut le cas – chez nos voisins ibériques si le besoin s’en fait sentir. »

Méca­ni­cien sa vie durant, Louis Reig a une autre passion : la viti­cul­ture, que son père pratiquait en double acti­vité, et dont il a repris l’ex­ploi­ta­tion à Banyuls. De quoi occu­per des jour­nées bien remplies entre terre et mer.

Article de Fran­cis Salaün, paru dans le Maga­zine Sauve­tage n°149 (3ème trimestre 2019).