Blessée par une hélice, elle retrouve une vie presque normale

Passée par-dessus bord, bles­sée par l’hé­lice, Juliette retrouve une vie presque normale neuf ans après son acci­dent en 2012. Témoi­gnage.

Juliette, à bord du bateau où elle naviguait petite avec sa  famille
Juliette, à gauche, navigue depuis petite avec sa famille. © DR

Juliette, aujour­d’hui kiné en réani­ma­tion hospi­ta­lière n’a plus qu’une neuvième inter­ven­tion chirur­gi­cale cet été pour enfin mener une vie normale après avoir chuté d’un bateau dont l’hé­lice lui a labouré un genou. C’était en 2012, dans un coup de mer au large de Porque­rolles.

Juliette est une battante  qui revient de loin. À l’été 2012, elle embarque avec sa famille sur un semi-rigide loué pour aller passer une jour­née de rêve à Porque­rolles. Sur le retour, le vent se lève bruta­le­ment, la mer se creuse, le semi-rigide danse et claque sur les vagues.

Tout à l’avant, Juliette, alors 14 ans, fouet­tée par les embruns, rit aux éclats, secouée comme sur les montagnes russes d’une fête foraine. Sur un choc plus violent, elle perd prise, tombe à l’eau, glisse sous la coque, se fait hacher le genou par l’hé­lice du hors-bord. Aux commandes, son père coupe le moteur, jette une bouée et plonge pour lui porter secours. À sa sœur aînée, Pauline, qui a le permis bateau, de manœu­vrer pour les sortir de l’eau.

Après, raconte aujour­d’hui Juliette, je ne me souviens plus très bien, sauf de la douleur.

Son père a fait un garrot pour jugu­ler la perte de sang*. Sa femme, par télé­phone, a demandé une assis­tance médi­cale au quai du port de La Londe. Le capi­taine du port est aussi président de la station locale de la SNSM. « Ma jambe, serrée dans une serviette de bain, me lançait terri­ble­ment à cause du sel », pour­suit Juliette.

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Fille de la Médi­ter­ra­née, Juliette aime aussi la neige ! © DR

En une demi-heure heure, ils sont au port où bien­tôt les pompiers les rejoignent pour amener Juliette à l’hô­pi­tal le plus proche : Sainte-Musse à Toulon. « Trans­fu­sion, opéra­tion. Mais, peu habi­tué aux enfants, le chirur­gien n’a pu tout faire. » Commence alors un long cycle d’opé­ra­tions et de réédu­ca­tion. « J’en suis à huit inter­ven­tions, presque toujours en été pour ne pas trop compliquer mes études ». Lesquelles sont brillam­ment menées, mais Juliette, aujour­d’hui 23 ans, est trop modeste pour le dire.

De patiente, elle a choisi d’être soignante. Elle est donc kiné réani­ma­tri­ce… À La Timone, le célèbre hôpi­tal de Marseille. Elle en connaît toutes les arcanes. « Au fil de ces inter­ven­tions, recon­naît Juliette, je suis passée par la révolte. Pourquoi moi ? Mais j’ai grandi vite, appris à me sevrer des anti­dou­leurs, pris mes études en mains. Après tout, il faut être posi­tif. J’ai une chance, celle d’être en vie. Désor­mais, je ne négo­cie avec personne, surtout pas moi ».

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Juliette pendant son séjour avec l’unité Covid à La Timonne, le grand hôpi­tal marseillais où elle exerce. © DR

Aussi, cet été, Juliette retour­nera-t-elle une neuvième fois sur le billard pour enle­ver une vis qui rend pénible ses longues stations debout dans le bloc opéra­toire où elle apporte ses soins.

Remon­ter sur un bateau ? « Oui, cet été pour la première fois depuis l’ac­ci­dent. Je n’ai pas peur du bateau mais des vagues ». On les sait scélé­rates.

Article rédigé par Patrick Moreau.


Les ensei­gne­ments à tirer de cet acci­dent :

  • À l’avant d’un semi-rigide, s’as­soir dans le bateau et non sur le boudin. C’est la seule faute commise par Juliette et son équi­page. Une faute banale aux consé­quences heureu­se­ment pas toujours aussi graves que pour Juliette.
  • Avoir toujours deux personnes capables de manœu­vrer une même embar­ca­tion. Là encore, c’était le cas. Ce qui a permis à Juliette et à sa famille de se tirer d’af­faire par eux-mêmes.
  • Se parta­ger les rôles : pendant que la sœur manœu­vrait pour sortir Juliette et son père de l’eau, la belle mère était au télé­phone pour deman­der des secours.
  • Toujours porter un gilet. Ce n’était pas le cas. Sans les bons réflexes du père, qui a immé­dia­te­ment lancé une bouée, Juliette aurait pu se noyer.

* La pose d’un garrot doit être réser­vée à des situa­tions rares, lorsque les gestes de compres­sion manuelle ne permettent pas de stop­per une hémor­ra­gie abon­dante d’un membre. Le garrot doit être posé quelques centi­mètres au-dessus de la plaie  en utili­sant un lien large (cein­ture, bande de tissu…) et être serré suffi­sam­ment pour arrê­ter l’hé­mor­ra­gie. Pour resser­rer le lien, on peut s’ai­der d’une barre comme un morceau de bois ou de métal. Il faut noter l’heure de pose du garrot. Il ne faut pas couvrir le garrot. Il ne sera retiré que par une équipe médi­cale. La victime doit être allon­gée. Il faut préve­nir les secours le plus vite possible.