Bruno, rescapé après un accident en mer, raconte son sauvetage

Bruno, dona­teur à la SNSM et pratiquant chevronné de scoo­ter des mers, a connu ce que tous les amou­reux de la mer redoutent : une succes­sion d’in­ci­dents qui, sans l’in­ter­ven­tion rapide des Sauve­teurs en Mer, aurait pu abou­tir à un drame. Il a accepté de nous racon­ter sa mésa­ven­ture et les ensei­gne­ments qu’il en a tirés.

Le témoi­gnage de son acci­dent en mer

"Au mois d’août, je me trou­vais en scoo­ter des mers entre les deux bancs de sable à l’en­trée du Bassin d’Ar­ca­chon. Il s’agis­sait d’une machine puis­sante, donc très lourde. Bien que me tenant à distance respec­table des turbu­lences provoquées par des brisants marqués et cassants, une vague plus forte que les autres m’a renversé et la machine s’est retour­née, coque en l’air. J’étais vêtu d’une combi­nai­son complète qui m’a protégé du froid. Mon premier réflexe a été de m’as­su­rer que le capot du coffre avant était bien fermé, auquel cas, s’il ne l’avait pas été, mon sac étanche conte­nant mes effets person­nels et surtout mon smart­phone aurait coulé, ce qui aurait consi­dé­ra­ble­ment compliqué la suite. Remettre le scoo­ter dans le bon sens fut loin d’être évident car la coque est lisse, glis­sante, sans aucune prise, a fortiori quand l’on n’a pas pied, car on ne peut atteindre le rebord opposé. La seule prise possible était la grille d’en­trée d’eau de la turbine. Mais encore fallait-il que je ne me piège pas moi-même… En effet, si mes doigts étaient restés coin­cés dans la grille au moment du retour­ne­ment de l’en­gin, je pouvais me noyer.

Une fois l’en­gin redressé je suis remonté dessus mais, impos­sible de redé­mar­rer le moteur. Pourquoi ? Car, comme je l’ai appris par la suite, je l’avais retourné dans le mauvais sens. Entre temps, le courant m’avait rappro­ché d’une zone très turbu­lente, j’avais donc peu de temps pour me signa­ler. J’ai immé­dia­te­ment ouvert le capot, saisi mon smart­phone et appelé le CROSS dont j’avais préa­la­ble­ment enre­gis­tré le numéro. J’ai donné ma posi­tion, décrit ma situa­tion et précisé mon numéro de télé­phone, car il était « masqué ».

L’hé­li­co­ptère de la sécu­rité civile est arrivé seule­ment 20 minutes après l’ap­pel. Le pilote est resté cinq minutes en vol station­naire au-dessus de moi, pour évaluer la criti­cité de ma situa­tion et me faire faire quelques tests cogni­tifs. Puis, me voyant déri­ver vers une zone moins dange­reuse, ce qui évacuait la néces­sité d’un héli­treuillage et permet­tait de « sauver » l’en­gin, il m’a annoncé l’ar­ri­vée des secours. Un semi-rigide de la Gendar­me­rie est arrivé assez vite, m’a pris à bord et remorqué le scoo­ter. Relevé d’iden­tité et bilan cogni­tif à nouveau. Confié ensuite au bateau de la station SNSM d’Ar­ca­chon, j’ai été ramené au port, avec la machine en remorque. Pendant le trajet, j’ai pu appré­cier la gentillesse, la compé­tence et le profes­sion­na­lisme de mes sauve­teurs, sans oublier l’im­pres­sion rassu­rante lais­sée par le carac­tère « indes­truc­tible » de leur bateau. Avant cette péri­pé­tie, je pouvais me targuer d’avoir navi­gué cinquante ans dans cette région, sur tout ce qui flotte, et par tous les temps, sans le moindre accroc… Cela démontre, s’il en était besoin, que personne n’est à l’abri des éléments en mer.

Des bons souve­nirs demeurent quand même, comme le récon­fort apporté par les béné­voles de la SNSM à bord de leur bateau, avec des anec­dotes utiles sur d’autres exemples auxquels ils avaient été confron­tés. C’est à cet instant d’ailleurs que j’ai décidé d’ai­der cette magni­fique insti­tu­tion, au-delà de ma trop modeste coti­sa­tion annuelle."

Bruno.

Ses ensei­gne­ments et les conseils à donner

  • Ne jamais partir en mer avec un numéro masqué sur son mobile.
  • Enre­gis­trer le numéro du CROSS, le 196, avec un inti­tulé immé­dia­te­ment iden­ti­fiable dans son réper­toire télé­pho­nique, car le stress dimi­nue large­ment les capa­ci­tés de réflexion et que chaque minute compte.
  • Char­ger sur son smart­phone une appli­ca­tion GPS pour pouvoir signa­ler sa posi­tion précise au CROSS.
  • Pour ceux qui portent des lunettes de vue, les avoir toujours à portée de main. Pour cela, utili­ser une pochette avec un velcro autour de l’avant-bras.
  • Ne pas partir seul en scoo­ter des mers lorsque les condi­tions sont extrêmes.
  • Votre binôme pourra vous assis­ter, ou a minima aler­ter les secours.
  • Porter systé­ma­tique­ment une combi­nai­son inté­grale en cas d’évo­lu­tion au large. L’eau y est plus froide et, le temps passant, la sensa­tion de froid est accrue par le stress.
  • Dispo­ser toujours d’une VHF portable et étanche. Non seule­ment, cela permet l’ac­cès direct au canal 16, mais il faut aussi consi­dé­rer que les zones de récep­tion des mobiles s’ame­nuisent consi­dé­ra­ble­ment au large. Prendre soin de la rechar­ger à bloc avant chaque sortie. Un sac à dos léger en toile de voile convient bien pour la stocker et n’en­trave pas les évolu­tions.
  • Toujours connaitre impé­ra­ti­ve­ment le (bon) sens de retour­ne­ment de la machine avant toute utili­sa­tion, quand cela est le cas, pour pouvoir repar­tir sans « noyer » le moteur. L’in­for­ma­tion est située sur un sticker à l’ar­rière de la machine à côté de la sortie de la turbine. Elle devrait aussi figu­rer sur la planche de bord.

Nos béné­voles sont entraî­nés et équi­pés pour effec­tuer ce type de sauve­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

 

Article paru dans le Maga­zine Sauve­tage n° 139 (1er trimestre 2017).