Un premier champ d’éoliennes en mer est désormais opérationnel au large de Saint-Nazaire. D’autres vont suivre, partout en France. Quels impacts auront ces colosses de 200 mètres de haut sur le quotidien des amateurs comme des professionnels, ainsi que des Sauveteurs en Mer ?
Derniers jours de septembre. Les locaux du parc éolien en mer de Saint-Nazaire, sur le port de La Turballe, sentent le neuf. Six personnes font face au mur d’écrans de la salle de contrôle. À gauche, une carte numérique où figurent les quatre-vingts éoliennes en rangées bien rectilignes, ainsi que huit bateaux qui se dépêchent de travailler sur les dernières mises au point à la faveur d’une météo clémente. À droite, quatre-vingts petits écrans. Une barre verte brille sur ceux des éoliennes qui produisent déjà de l’électricité. Quelques heures plus tôt, il y avait plus de monde pour le briefing des équipes.
Le site comptera une centaine de personnes au total : soixante employés de General Electric entretiendront les turbines, vingt appartenant à EDF Renouvelables s’occuperont de la base des pylônes, ainsi que de la sous-station électrique reliée par câbles sous-marins à toutes les éoliennes, et vingt marins transporteront les techniciens sur des crew transfer vessels (lire encadré), opérés par Louis Dreyfus Armateurs.
De la terrasse du bâtiment qui abrite aussi stocks et ateliers, on aperçoit distinctement la frise des éoliennes au large. Elles se trouvent pourtant à une dizaine de milles et nous allons mettre une heure pour les atteindre en bateau. Une fois au milieu du parc, le nombre impressionne plus que les dimensions. On sait que le sommet des pales culmine à plus de 200 mètres (deux tiers de la tour Eiffel), que la plateforme où les équipes d’entretien trouvent la porte d’entrée dans les mâts est à environ 35 mètres au-dessus de l’eau (un immeuble de dix étages).
Mais comme on ne s’approche pas trop près, on se sent moins intimidé qu’au pied de certains phares sur des caps ou rochers escarpés. On s’imagine manœuvrer un bateau sans problème entre deux machines. C’est plus l’alignement qui impressionne : au minimum cinq engins à dépasser sur 5 kilomètres si on traverse au plus court, jusqu’à une quinzaine de machines sur 15 kilomètres si on a besoin de passer dans le sens est-ouest. On doit se sentir bien petit si on a le moindre problème au milieu.
Il y en aura beaucoup d’autres
Nous sommes sur le premier parc éolien en mer français, qui doit être totalement opérationnel – ou presque – au moment où vous lisez ces pages. D’autres sont en chantier, en baie de Saint-Brieuc (Côtes d’Armor) et devant Fécamp (Seine-Maritime), notamment. Dans ce domaine, la France est plutôt en retard comparée à ses voisins, mais entend accélérer. Le président de la République, qui a visité le parc le 22 septembre, l’a annoncé : « L’éolien en mer sera développé pour viser environ 40 gigawatts en service pour 2050, soit une cinquantaine de parcs éoliens en mer. » Un projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables a été présenté au parlement le 26 septembre. Cinquante parcs ! Des oppositions s’expriment et continueront à s’exprimer. Les Sauveteurs en Mer, en tant qu’association apolitique, ne prennent pas position sur la question. Rénald Goupil, président de la station de Fécamp, insiste beaucoup sur ce point. Il reste neutre, même si sa station est très contente qu’EDF Renouvelables lui ait trouvé un vrai local à terre dans les bâtiments qu’elle a construits pour la maintenance du futur champ.
Différents types d’ancrage d’éoliennes sous la mer
À Saint-Nazaire, les monopieux sont comme d’énormes poteaux verticaux plantés dans le fond ;
Dans la baie de Saint-Brieuc, les fondations de type « jacket » sont composées d’un treillis métallique fixé sur le fond par trois pieux. Ce treillis est une raison de plus de ne pas aller s’y frotter ;
À Fécamp, les fondations gravitaires, lestées dans le fond, s’élargissent sous l’eau. Respectez tout particulièrement l’interdiction d’approcher avec une quille longue ;
Les éoliennes flottantes seront tenues par plusieurs lignes de mouillage, qui seront lestées pour plonger le plus verticalement possible. Ne pas s’en approcher quand même, surtout au vent de la plateforme.
À l’échelle nationale, l’association, qui fonctionne en majorité grâce aux dons et a besoin de financer le renouvellement des bateaux et la formation de ses bénévoles, accueillera avec satisfaction sa part d’une taxe sur la production des éoliennes, qui a été fléchée vers la SNSM par le législateur. Les sauveteurs sont neutres, mais tenus de s’adapter à la réalité. Il y a dix ans, nous avions titré un premier dossier « Préparons-nous à l’arrivée des éoliennes ». Aujourd’hui, elles sont là. Et elles vont être de plus en plus présentes, en Méditerranée comme en Manche et en Atlantique (voir carte ci-dessus). Après les premiers parcs posés sur le fond de la mer, les parcs éoliens flottants vont s’installer plus loin au large, soulevant de nouvelles questions.
Qui aura le droit de naviguer dans le parc ?
La navigation est interdite dans les zones en travaux pendant la construction d’un parc éolien. À Saint-Nazaire, EDF a employé jusqu’à quatre bateaux pour écarter curieux et distraits. Ils n’ont pas le pouvoir de police, mais peuvent signaler les récalcitrants à la direction générale des Affaires maritimes. Des précautions rendues nécessaires par l’important trafic dans le secteur. « Il y a eu jusqu’à vingt-deux navires et six cents personnes sur le chantier », souligne Olivier de La Laurencie, directeur du projet éolien en mer de Saint-Nazaire. Et pas des petits bateaux. À Saint-Nazaire, on se souvient du Vole au vent, long de 140 m, capable d’emporter d’un coup les composants de quatre éoliennes. Certains de ces navires, dépassant les 80 mètres, logent aussi les techniciens à leur bord pendant plusieurs jours. L’exploitant a essayé de minimiser la gêne en ne fermant pas tout le champ en même temps. Des chenaux de traversée ont été utilisables par les pêcheurs professionnels et, bien sûr, par les Sauveteurs en Mer lorsque cela a été nécessaire. Il n’y a heureusement pas eu d’accident grave pendant le chantier, étape réputée comme étant la plus à risques.
En phase d’exploitation, il y aura moins de travailleurs et donc moins de contrôles, alors que la navigation sera ouverte à certaines embarcations. D’autres pays l’interdisent complètement : Belgique, Allemagne, Pays-Bas. « La France autorise la navigation de certains navires parce que les éoliennes sont plus espacées, de 1 000 mètres minimum », explique Melaine Loarer, chef du bureau sauvetage et navigation maritime à la préfecture maritime de l’Atlantique. « La préfecture maritime de l’Atlantique a beaucoup écouté, notamment dans le cadre des grandes commissions nautiques locales auxquelles participaient toutes les parties prenantes, dont des représentants des stations locales de sauvetage en mer. Mais, in fine, c’est elle qui décide. » Un champ d’éoliennes n’est pas un espace maritime privé. L’autorité du préfet maritime, des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) et de la direction des Affaires maritimes s’y exercent comme ailleurs, encadrées par trois circulaires émanant de cette dernière. Dans le parc de Saint-Nazaire, auront le droit de naviguer les navires de moins de 25 m, de pêche et de plaisance, essentiellement, en ne s’approchant pas à moins de 50 mètres des mâts. En revanche, les loisirs nautiques, comme le kitesurf ou la planche à voile, y seront interdits. Kayaks et Jet-Skis® sont écartés de fait, car le site se situe trop loin de la côte par rapport à leurs limites réglementaires. La plongée individuelle sera interdite, mais des clubs pourront bénéficier d’autorisations.
Une partie des interlocuteurs consultés en construsant ce dossier se disent inquiets du nombre de curieux, plus ou moins autorisés, que risque d’attirer ce nouveau paysage maritime. Trois croisières organisées l’été dernier pour l’apercevoir étaient complètes. En cas de problème grave sur un tel navire, évacuer des dizaines de personnes au milieu des mâts deviendrait un cauchemar pour les sauveteurs. Olivier de La Laurencie se veut rassurant : le chantier a enregistré beaucoup moins de tentatives de visites en 2022 qu’en 2021. De plus, les sémaphores devraient pouvoir repérer les visiteurs mal identifiés grâce à deux radars installés sur le champ pour compenser l’impact négatif des éoliennes sur les radars terrestres existants. Des caméras haute définition positionnées sur la sous-station électrique seront aussi accessibles aux CROSS. Cet automne, on envisageait de mettre en place des routes permettant de bien voir le parc, sans pour autant le traverser. Côté plaisance, le système d’identification automatique (AIS en anglais) devrait être rendu obligatoire pour traverser le champ d’éoliennes. Cet équipement électronique, utilisant les ondes VHF pour échanger les positions GPS entre bateaux, sert à voir sur un écran les navires autour de soi, leur position, leur route, leur identité et, si on est équipé d’un émetteur, d’être vu de la même manière. Nombre de plaisanciers ne possèdent pas encore ce matériel (coûtant 500 € au minimum) et risquent de ronchonner. Du côté des professionnels, exploitants et pêcheurs y semblent favorables, notamment en cas de mauvaise visibilité, les radars des bateaux risquant d’être perturbés par les éoliennes.
Gros bateaux, gros ennuis ?
Du milieu du champ, par temps clair, on voit très distinctement cinq à dix grandes coques de cargos immobiles. C’est la zone d’attente pour les navires qui vont vers Saint-Nazaire et Nantes. L’estuaire de la Loire a reçu, par exemple, avant la guerre en Ukraine, des méthaniers de 300 m de long venant de Sibérie. Officiellement, aucune inquiétude, chez les pilotes notamment. À la préfecture maritime, Melaine Loarer indique que le chenal autorisé passe à plus de 2 milles nautiques (plus de 3,5 kilomètres), ce qui est considéré comme une bonne distance de sécurité dans le monde entier. L’emplacement des éoliennes et de la zone d’attente ont été définis en tenant compte des coups de vent, qui viennent le plus souvent du sud-ouest.
Les avaries de propulsion ou de barre existent sur les mastodontes des mers, y compris par gros temps. Cela a eu lieu au mois de janvier aux Pays-Bas, où certaines éoliennes sont également proches des chenaux d’accès de grands ports. Le Julietta D., un vraquier 190 m, a percuté une éolienne après avoir rompu son mouillage. Les autorités locales estiment à quatre-vingts les cargos dérivant en mer du Nord chaque année. Des solutions sont à l’étude, notamment des chaînes installées au fond de l’eau à l’extérieur du champ, qui stopperaient un cargo dont le mouillage déraperait sur le fond sans crocher. Voire des filets pour intercepter un navire hors de contrôle. La préfecture maritime de l’Atlantique dispose aussi d’un puissant remorqueur de haute mer basé à Brest, ainsi que d’un accord-cadre avec les remorqueurs portuaires de Saint-Nazaire, qui pourraient intervenir pour freiner la dérive d’un cargo.
Naviguer dans un parc éolien
On est tenté d’écrire « abstenez-vous, faites le tour par prudence. » Mais pour le plaisancier qui va du Croisic ou de La Baule vers Noirmoutier ou l’île d’Yeu, la tentation est grande de passer au travers, surtout si c’est une route plus favorable à la voile. La même question se posera pour d’autres parcs éoliens.
soyez sûr de vos équipements : cartographie et avis à la navigation à jour, moteur sans faille, plein fait. GPS, récepteur et émetteur AIS opérationnels ;
plus que jamais, la veille visuelle doit compléter la veille des instruments. Les pieds d’éoliennes sont peints en jaune vif. Pas de signal sonore dans le brouillard ;
surveillez aussi les autres bateaux transitant dans les champs (entretien des éoliennes, pêche). Leur capacité de manœuvre est limitée, comme la vôtre ;
de nuit, essayez d’oublier les feux rouges des éoliennes, destinés aux avions. Concentrez-vous sur la signalisation jaune clignotante à la base des piliers ;
par vent établi, les effets de turbulence peuvent être surprenants pour un voilier derrière un phare ou un rocher. Les mâts des éoliennes ne sont pas très larges (7 mètres), mais, faute d’expérience, la prudence s’impose ;
il y a 1 kilomètre entre les éoliennes. Vous avez donc la place de passer. Ne vous approchez pas des engins, surtout si le vent ou le courant vous portent dessus. Les pales ne descendent pas à moins de 25 mètres de la surface et les accidents mécaniques sont rares (pales qui cassent). Mais il y en a déjà eu ;
prenez bien la météo pour ne pas être surpris au milieu du parc par le brouillard ou une augmentation brutale du vent.
par mauvaise visibilité, ne comptez pas sur votre radar, qui sera perturbé. GPS, AIS et veille visuelle ;
si vous avez un problème, prévenez tout de suite le CROSS, même si vous pensez pouvoir gérer. Les communications VHF sont renforcées dans le champ ;
ne tentez pas de mouiller (fonds importants et risques de croche) ;
en cas de naufrage, les éoliennes ne sont pas un secours ni un abri. N’essayez pas de vous y amarrer. Ne grimpez les échelons qu’en dernière extrémité jusqu’au palier intermédiaire, accessible. Les sauveteurs auront du mal à vous récupérer sur l’éolienne. Vous serez plus rapidement sauvé dans l’eau, sur une survie ou soutenu par votre gilet de sauvetage.
L’opérateur a la charge de la sécurité de son personnel
Quand nous posions nos premières questions sur ces nouvelles venues en mer, nous nous demandions déjà si les sauveteurs devraient aborder les éoliennes et grimper sur les plateformes, voire dans les mâts, lorsqu’il y aurait un blessé. Aujourd’hui, la réponse est officiellement négative. Le transport et la récupération des techniciens de maintenance, ainsi que les premiers secours, sont de la responsabilité de l’opérateur. Son personnel est formé et entraîné. Pour le délicat transfert du bateau de transport – ou crew transfer vessel – à l’échelle de l’éolienne, « chaque technicien est équipé d’un gilet de sauvetage gonflable et d’une balise de sécurité permettant de le retrouver », précise Alban Billaud, responsable de cette activité pour Louis Dreyfus Armateurs. Le bateau et son équipage de trois marins disposent même, comme les sauveteurs, d’un filet pour remonter à bord une personne inanimée ou blessée. Et, pendant l’opération, il reste proche des éoliennes tant qu’il y a des techniciens dessus, prêt à évacuer un éventuel blessé. En cas de difficulté à descendre l’échelle de l’éolienne ou à utiliser la grue, les équipes peuvent aussi recourir à des harnais pour une « auto-évacuation » sur corde, à deux personnes, à l’instar de ce qui se pratique en spéléo, précisent les responsables sécurité de General Electric et d’EDF Renouvelables.
En cas de blessure, le Centre de consultation médicale maritime est contacté par l’intermédiaire du CROSS. Il décide, si besoin, d’un mode d’évacuation. L’hélicoptère semble le moyen le plus naturel pour la plupart de nos interlocuteurs. Matthieu Turpeau, le « monsieur sécurité » chez EDF Renouvelables, précise que l’on peut remonter un blessé jusqu’à la plateforme située en haut de l’éolienne par un ascenseur. Les pompiers, plus entraînés que des Sauveteurs en Mer à grimper à des échelles ou à se servir de cordes, peuvent aussi être sollicités. Une convention a été passée entre le CROSS et le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) 44. Toute l’activité technique qui peut générer des accidents s’arrête la nuit, le week-end et dès que le temps se gâte, c’est-à-dire dès que la houle dépasse environ 1,5 mètre de hauteur.
De la théorie à la pratique
C’est à l’usage que l’on verra si tout se passe comme prévu. Une expérience limitée, mais significative, a eu lieu sur l’éolienne flottante, que l’on distingue faiblement à l’horizon en revenant du champ vers La Turballe. Il s’agit d’une plateforme d’essais opérée par l’École Centrale de Nantes, un gros parallélépipède rectangle flottant portant l’éolienne Floatgen. Les sauveteurs de la station du Croisic la connaissent d’autant mieux que le responsable de l’exploitation et de la sécurité, Arnaud Blangy, est devenu l’un de ses bénévoles. Ils y ont pratiqué quelques exercices.
Une personne travaillant pour un sous-traitant a été victime d’une fracture à la jambe un jour où le vent soufflait et où la houle se formait. Les Sauveteurs en Mer ont été appelés. La grue potence, qui aurait pu déposer une civière sur le canot de sauvetage, n’a pas pu être utilisée. Elle n’était pas du meilleur côté par rapport au vent et, surtout, le personnel du sous-traitant n’a pas osé s’en servir. Le canot a donc dû manœuvrer au ras de la plateforme pour que l’équipage arrive à glisser la civière sur la plage arrière. Faut-il déplacer la potence, former à son usage, privilégier l’hélicoptère ? Des réflexions sont en cours. Ce cas concret illustre ce que nous ont dit, en substance, tous les présidents des stations SNSM de La Turballe à Noirmoutier, en passant par Le Croisic, Pornichet et Pornic : « On s’adaptera, comme on fait toujours. »
Quel rôle pour les Sauveteurs en Mer ?
À quoi les sauveteurs vont-ils devoir s’adapter ? Des exercices à venir le préciseront. Les missions courantes, ils les connaissent. S’il y a un blessé qu’un CTV ne peut pas évacuer, il pourra être transféré à bord d’un navire de sauvetage. Les sauveteurs, de plus en plus formés aux premiers secours, ont l’habitude des évacuations sanitaires. La station de Pornichet en a déjà pratiqué pendant le chantier. Un des bateaux de transport, un bateau de pêche ou un plaisancier peuvent aussi être en panne et avoir besoin d’être remorqués, avant de risquer de taquiner le pied des éoliennes.
La station de Pornichet a déjà effectué une évacuation sanitaire pendant le chantier.
Les sauveteurs sont bien formés à ces manœuvres, souvent délicates. La puissance de leurs embarcations sera-t-elle suffisante ? Le Croisic dispose d’un canot tous temps de 15,5 m avec deux moteurs de 400 ch, qui devrait bientôt être remplacé par un NSH1 de la nouvelle flotte SNSM. À La Turballe, le président de la station, qui voit augmenter le trafic avec l’agrandissement du port et l’arrivée des CTV du champ éolien, reste attentif au sujet de la bonne adéquation de sa vedette de deuxième classe de 10,5 m avec les besoins opérationnels.
Au-delà, on en est réduit aux hypothèses, en attendant les premières expériences. Il y aura des jours et des nuits de mauvais temps, de mauvaise visibilité, où il ne devrait y avoir personne dans le champ, où les éoliennes seront arrêtées par vent trop fort et où il faudra aller chercher des marins là-bas.
Pour les curieux
À Saint-Nazaire, on peut découvrir EOL Centre éolien, un lieu de visite ludique et interactif sur l’éolien en mer. Très adapté aux enfants, il permet de découvrir le fonctionnement de cette technologie, ses origines, son impact sur l’environnement… EOL Centre éolien, dans l’écluse fortifiée, avenue de la Forme-Ecluse à Saint-Nazaire.
Tarifs : 6 €, 3 € pour les enfants.
Deux imprévus par temps maniable sont survenus cet été. Fin juin, le temps basculant soudainement après des jours de canicule, deux plaisanciers en goguette dans un petit bateau sont partis dans une longue dérive, incapables de donner leur position. On a fini par les retrouver dans le parc éolien. Début août, le skipper d’un petit trimaran est tombé à la mer à proximité des mâts et a heureusement été retrouvé après que son bateau, continuant sa route, eut percuté celui des pilotes de la Loire.
Il faudra aussi récupérer dans le champ des navires et des marins qui n’avaient pas l’intention d’y être. Tant qu’ils seront à l’eau entre les éoliennes, les sauveteurs manœuvreront « comme d’habitude », en faisant attention à ces obstacles. Probablement les équipements du champ pourront-ils les aider (caméras, radar…).
Les premiers retours d’expérience seront précieux
Tout va se compliquer si le bateau en détresse est contre une pile et/ou si des victimes ont cherché refuge dans les échelles. Par temps maniable (jusqu’à 0,5 mètre de houle ?), la nouvelle génération de navires de sauvetage pourra peut-être tenter de déposer un sauveteur ou de récupérer une victime sur l’échelle. En effet, l’avant est ceinturé d’une énorme « bourlingue » en gomme dure, sur laquelle s’appuyer moteurs en avant. Le SNS 17–01, de la station de L’Herbaudière, s’est essayé à la manœuvre cet été au port, sur une échelle d’exercice. Sinon, enverra-t-on des plongeurs ou un pneumatique semi-rigide ? Utilisera-t-on la grue potence existant sur la plateforme de chaque éolienne ? Pendant un exercice sur un mât d’essais, le patron de la station de Fécamp, Jérôme Panchout, avait trouvé bien difficile de se maintenir près d’un pylône, sous un crochet de grue, dans le vent et le courant, sans s’appuyer dessus. La solution qu’évoquent spontanément presque tous nos interlocuteurs était employée pour les relèves de phares les plus difficiles : une tyrolienne permettant de faire descendre une personne harnachée non pas à la verticale, mais le long d’un câble en pente ; ainsi, le bateau de sauvetage peut s’écarter du pylône. Reste à savoir comment il serait possible d’installer un tel câble et qui l’installerait.
Ces premiers éléments montrent bien la diversité des risques existant au milieu des champs éoliens en mer et la variété des interventions que les Sauveteurs en Mer pourront y mener. Les exercices et les premières alertes permettront des retours d’expérience précieux pour tous les champs éoliens à venir. Nos bénévoles, comme ils le font toujours, sauront s’adapter.
Les crew transfer vessels (CTV)
Les CTV sont spécialement conçus pour débarquer et embarquer hommes et matériel, voire civière ou harnais descendus de la plateforme par une grue potence équipant chaque plateforme. Le principe du CTV – le plus souvent un catamaran (deux coques) – est que son avant, ceinturé par de très gros boudins en caoutchouc, s’immobilise en s’appuyant moteurs en avant pleins gaz contre deux gros tubes verticaux situés de part et d’autre de l’échelle, que vont agripper les techniciens.
Trois de ces navires ont été conçus pour le parc de Saint-Nazaire par le cabinet d’architecture navale Mauric, pour le compte de Louis Dreyfus Armateurs. Ils ont des étraves étrangement fines pour des navires de ce type afin de limiter la flottabilité à l’avant, et donc les mouvements ascendants du nez du bateau lors des débarquements ou embarquements du personnel. Pour compenser ce qui pourrait devenir une insuffisance de flottabilité quand le bateau fait route et assurer du confort aux passagers, un foil a été rajouté en dessous, comme sur les voiliers de course ! Il est destiné à soulever le nez du bateau quand il accélère et à limiter les mouvements verticaux de l’avant (tangage).
Article rédigé par Jean-Claude Hazera, diffusé dans le magazine Sauvetage n°162 (4ème trimestre 2022)