À la découverte des particularités SNSM à La Réunion

Les stations SNSM d’Outre-mer ont leurs parti­cu­la­ri­tés, liées à l’en­vi­ron­ne­ment et aux acti­vi­tés en mer. C’est le cas, par exemple, des équipes exerçant sur l’île de La Réunion. Quelle est la vie des sauve­teurs SNSM à 9 000 kilo­mètres de la métro­pole ?

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À Saint-Pierre, comme sur le reste de l’île, la SNSM est souvent mobilisée pour des recherches suite à des chutes de falaise. Une lame un peu plus forte que les autres et on se fait emporter ! © Vanessa Martin - Blog voyage leblogcashpistache.fr

Les stations SNSM sont répar­ties sur l’en­semble des côtes, dont les dépar­te­ments et terri­toires d’outre-mer. Située dans l’océan Indien, à 9 000 kilo­mètres de la métro­pole, l’in­su­la­rité de La Réunion et la distance qui la sépare des infra­struc­tures métro­po­li­taines ont un impact sur la
mission des sauve­teurs de la SNSM.

L’Île de La Réunion est dotée de trois stations, à Saint-Gilles-les-Bains, Sainte-Marie et Saint-Pierre

présente François Bacqué, le délé­gué dépar­te­men­tal SNSM, égale­ment en charge de la station de Mayotte. «  Ici, il y a peu de ports ou de zones abri­tées, donc peu de plai­san­ciers, contrai­re­ment aux ports métro­po­li­tains. Nos acti­vi­tés concernent plutôt l’as­sis­tance de bateaux de pêche et les recherches à la suite de chutes de falaise. On fait de la préven­tion dans les écoles. Mais on reste autour d’une ving­taine de noyades par an. »

Des drames favo­ri­sés par la météo ou la pratique de la pêche tradi­tion­nelle. «  Cette pêche à la gaulette se pratique à proxi­mité de la falaise, ou sur la plage, dans les rouleaux. Ça peut être dange­reux, une lame un peu plus forte que les autres et on se fait empor­ter !  » Vivian Mailly, président de la station SNSM de Sainte-Marie, complète : « L’hi­ver amène des houles de 10 à 12 mètres de creux. Quand elles atter­rissent sur la côte, elles attirent la curio­sité des gens, mais sont dange­reuses.  »

Des exer­cices atypiques

L’île possède deux aéro­ports inter­na­tio­naux, à Saint-Denis et à Saint-Pierre. Ici aussi, la SNSM joue un rôle, souligne François Bacqué : « Nous avons été solli­ci­tés par les aéro­ports pour nous prépa­rer à une éven­tuelle mission de sauve­tage en cas d’ac­ci­dent en mer. Nous assu­rons la sauve­garde des victimes, avec la mise à l’eau de plate­formes de recueil en cas de crash en mer. Nous faisons des exer­cices de contact radio et au large.  » Vivian Mailly ajoute : « À partir des 20 milles des côtes – soit envi­ron 37 kilo­mètres –, des avions mili­taires peuvent inter­ve­nir avec nous lors d’un crash. Nous sommes envoyés par le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) pour faire la recherche. Cela nous permet d’ai­guiller l’avion-cargo mili­taire lors du largage des chaînes de recueil des naufra­gés. »

Ces entraî­ne­ments et inter­ven­tions mobi­lisent un savoir-faire que les équipes veillent à main­te­nir. Vivian Mailly précise :

À La Réunion, la côte est très escar­pée. Lorsqu’on est déployés sur des exer­cices de recherche il faut savoir lire cette mer et ces courants pour être le plus effi­cace possible et retrou­ver les victimes. On s’exerce aussi avec des mannequins largués en mer.

Le patron de la station orga­nise deux exer­cices (un diurne et un nocturne) par semaine. Auxquels il faut en ajou­ter six de grande ampleur avec les parte­naires, tels que les aéro­ports ou la Marine natio­nale, dans lesquels les équipes SNSM remplissent parfois aussi un rôle inha­bi­tuel… « Sur la zone océan Indien, il y a des risques terro­ristes ou de pira­te­rie. Nous nous entraî­nons avec la Marine pour jouer ce que l’on appelle le plas­tron. Nous sommes le bateau pirate !  »

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Exer­cice avec la frégate Nivôse de la Marine natio­nale, la vedette SNSM est en plas­tron. ©SNSM

Autres lati­tudes, autres risques

Le premier souci est celui de la récu­pé­ra­tion diffi­cile des victimes. « Je sors deux à trois fois par semaine pour récu­pé­rer des personnes en diffi­culté au large, qui n’ar­rivent pas à rejoindre la côte et n’ont pas de moyen de commu­ni­ca­tion.  » C’est pourquoi la SNSM, en colla­bo­ra­tion avec le CROSS, orga­nise des réunions d’in­for­ma­tion auprès des clubs spor­tifs. « Nous les sensi­bi­li­sons à l’achat d’un brace­let DIAL – le dispo­si­tif d’alerte et de loca­li­sa­tion – pour se signa­ler d’un simple appui sur un bouton, ou d’une VHF portable étanche. Cela permet de gagner du temps sur l’alerte.  »

L’île présente égale­ment une faune aqua­tique inha­bi­tuelle. «  Il y a plusieurs fois par an des attaques de requins sur des surfeurs ou des kites, de gros spéci­mens entre 2 et 3 mètres, depuis plus de deux ans*  », souligne Patrice Chipot, patron titu­laire de la station de Saint-Pierre.

Autre parti­cu­la­rité locale, rela­tée par Jean-Marc Theve­nin, président de la station de Saint-Gilles-les-Bains, celle de la mixité : « Alors que nous
prépa­rions la vedette pour partir en entraî­ne­ment, quelques jeunes curieux ont dit en créole “Regarde, il n’y a que des métro­po­li­tains”.
 » C’était une réalité ! Dès lors, Jean-Marc a sensi­bi­lisé les jeunes Réunion­nais au sauve­tage. « Le mur, pour ces jeunes, c’était le béné­vo­lat, à l’âge où l’on cherche à gagner son premier salaire. » Jean-Marc alors trans­formé le mur… en trem­plin ! « Nous leur offrons la décou­verte des métiers de la mer : celui de maître nageur sauve­teur, ou celui de gendarme mari­time, avec qui l’on travaille. »

Notre acti­vité ouvre sur de nombreux postes en lien avec le secou­risme.

La Réunion, carre­four des évacua­tions sani­taires en période pandé­mique

Cette année, l’île de La Réunion a vu se multi­plier un autre type d’in­ter­ven­tion. «  Il y a un rail à 200 nautiques au nord de l’île et un autre à 200 au sud », reprend François Bacqué. Ces points de passage, à moins de 400 kilo­mètres des côtes, ont été une aubaine pour de nombreux marins. « Il y a jusqu’à vingt mille bateaux qui passent là chaque année. Au plus fort de la crise de la Covid-19, les aéro­ports de La Réunion étant quasi­ment les seuls ouverts dans l’océan Indien. »

les arma­teurs ont solli­cité, de nombreuses fois, les struc­tures SNSM de l’île pour évacuer leurs malades et bles­sés

Vivian Mailly nous détaille, à titre d’exemple, le plan­ning d’un 14 juillet très chargé. « Un navire avait demandé une évacua­tion sani­taire, puis deux autres se sont enchaî­nées derrière. On peut égale­ment leur appor­ter des vivres, de l’eau ou des pièces de rechange pour la main­te­nance. » François Bacqué signale même un record : « Pour l’un des marins, cela faisait un an et demi qu’il n’était pas rentré chez lui lorsque nous l’avons débarqué !  »

Certains pour­raient s’éton­ner d’une telle inter­ven­tion, qui semble un peu éloi­gnée de la mission de sauve­tage. À cela, le délé­gué dépar­te­men­tal répond à sa manière :

Ce n’est certes plus du sauve­tage, mais de l’aide aux gens de mer.

* Entre 2011 et 2020, la Réunion a subi vingt-sept attaques de requins, soit en moyenne trois par an, dont onze mortelles. Source : https://habi­ter-la-reunion.re.


Trois stations SNSM veillent sur l’île

À La Réunion, la SNSM veille sur 210 kilo­mètres de côtes et peut porter assis­tance aux navires circu­lant sur les deux rails de navi­ga­tion commer­ciale. Le premier relie le détroit de Malacca, entre la Malai­sie et l’In­do­né­sie, au Cap, situé en Afrique. Le second rejoint égale­ment le Cap, en prove­nance du détroit de la Sonde, entre les îles de Java et de Suma­tra. Trois stations SNSM se partagent ces inter­ven­tions. Vivian Mailly, le président de Sainte-Marie, au nord de l’île, porte une grande atten­tion à la forma­tion des sauve­teurs : « Chacun doit parti­ci­per mini­mum à deux exer­cices mensuels, un de jour et un de nuit. Un inves­tis­se­ment impor­tant pour chacun. »

La station de Saint-Pierre est de l’autre côté de l’île. Son patron titu­laire, Patrice Chipot, tient à gagner en effi­ca­cité : « Le temps de rece­voir l’alerte, puis d’ar­mer, de recher­cher… il n’est pas rare qu’une victime nage pendant une petite heure en atten­dant notre arri­vée. C’est pourquoi nous nous
sommes dotés d’un semi-rigide, plus rapide, pour gagner du temps, s’ap­pro­cher près des côtes et récu­pé­rer la victime.
 »

La troi­sième station est instal­lée à l’ouest de l’île, à Saint-Gilles-les-Bains. Jean-Marc Theve­nin veille sur son équipe et mise sur les nouvelles
tech­no­lo­gies. « Nous faisons une première recherche avec un drone, qui renvoie des images et une posi­tion GPS au CROSS. Nos nageurs de bord disposent de deux scoo­ters sous-marins pour inter­ve­nir.  » Un dyna­misme qui s’ac­com­pagne d’une recherche de parte­naires pour en finan­cer le déve­lop­pe­ment.


Article rédigé par Ludo­vic Decrequy dans le maga­zine Sauve­tage n°155 (1er trimestre 2021)