Quel avenir pour les phares, bouées et balises en mer ?

L’État a besoin de faire des écono­mies. Cartes élec­tro­niques et GPS peuvent-ils rempla­cer complè­te­ment la signa­li­sa­tion physique ? Non. Mais celle-ci va évoluer. Autant s’y prépa­rer. Décou­vrez le dossier de la SNSM consa­cré aux phares et balise en mer et à leur avenir.

D’après un article de Jean-Claude Hazera, publié dans le maga­zine Sauve­tage n° 145 (3° trimestre 2018)

« Il y a trop de balises en France. » Le direc­teur des Affaires mari­times, Thierry Coquil, a été sans ambi­guïté dans le discours qu’il a prononcé en clôture de l’as­sem­blée géné­rale de la SNSM, le 15 juin à Paris, devant de très nombreux Sauve­teurs en Mer. Les Affaires mari­times doivent conti­nuer à remplir leurs missions avec moins de person­nes… et en dépen­sant moins. Y compris pour leurs missions de sécu­rité (CROSS, Phares et Balises). Le mouve­ment engagé depuis plusieurs années va conti­nuer. Un rapport de l’ins­pec­tion géné­rale des Affaires mari­times publié en mars met la pres­sion sur les Phares et Balises.

Jusqu’où ce proces­sus peut-il affec­ter la signa­li­sa­tion qui, non seule­ment guide les navires, mais ponc­tue de phares, bouées et tourelles les côtes de France, et font partie inté­grante du paysage et ont inspiré tant d’écri­vains, de photo­graphes, de peintres et de simples navi­ga­teurs ? Ah le beugle­ment d’une bouée sonore appe­lant le marin dans la brume !… 

Pour éclai­rer l’ave­nir, nous avons souhaité rendre visite à cette admi­nis­tra­tion – héri­tière de plus de deux siècles d’une glorieuse tradi­tion – dont les agents veillent sur notre sécu­rité. Certains d’ailleurs y veillent double­ment puisqu’ils sont aussi béné­voles chez les Sauve­teurs en Mer. « On va là où les autres ne vont pas, près des cailloux, et notre expé­rience inté­resse les sauve­teurs », disent, presque dans les mêmes termes, Tous­saint Le Calvez, président de la station SNSM de Loguivy de la mer, qui commande le bali­seur de Lézar­drieux, et Jean-Yvon Lasbleiz, patron de la station SNSM de Carro et ancien comman­dant de bali­seur. Tous les deux partagent aussi l’im­pres­sion que cette acti­vité est un peu mécon­nue, alors qu’ils sont des marins comme les autres, qui contri­buent en plus à la sécu­rité de tous.

 

C’est combien, « trop de balises » ?

Le plai­san­cier français qui quitte la Bretagne pour explo­rer les lochs écos­sais ou les mouillages irlan­dais trouve moins de tourelles, perches et bouées qu’au pays, pour se faufi­ler entre les cailloux. Plus géné­ra­le­ment, quand on navigue à l’étran­ger, on a souvent l’im­pres­sion que le bali­sage y est moins dense.

Aujour­d’hui, la France compte offi­ciel­le­ment 6 112 aides diverses à la navi­ga­tion (dont 3 250 sont lumi­neuses), en baisse, déjà, par rapport aux 6 500 d’il y a quelques années. Les bouées sonores précé­dem­ment évoquées ne sont plus qu’un souve­nir dans bien des endroits, leur effi­ca­cité ayant été mise en doute. Sur ce total, 135 ont droit à l’ap­pel­la­tion de « phare », ce qui suppose une fonc­tion d’ « atter­ris­sage » (ils permettent au bateau qui vient de loin de confir­mer sa posi­tion quand il approche des côtes), une portée mini­male (20 milles nautiques, soit 37 kilo­mètres), et une hauteur au-dessus du sol de plus de 20 mètres (82,50 m pour le phare de l’île Vierge, le plus haut de France et d’Eu­rope). En fait, 1 512 struc­tures que nous quali­fions couram­ment de phares ne sont que des « feux » pour l’ad­mi­nis­tra­tion.

Au Royaume-Uni, les feux sont gérés par une « charity », une asso­cia­tion qui fait plus penser à la SNSM qu’à une admi­nis­tra­tion. Trinity House (qui ne couvre ni l’Écosse, ni l’Ir­lande du Nord) ne règne que sur 60 phares, plus une dizaine de bateaux-feux et 450 bouées, ce qui donne l’im­pres­sion d’une plus grande fruga­lité. Cepen­dant Trinity House super­vise aussi 11 000 aides à la navi­ga­tion diverses entre­te­nues par d’autres, ce qui abou­ti­rait à un bali­sage plus dense qu’en France. Les compa­rai­sons sont donc bien diffi­ciles.

Chaque pays reste libre d’as­su­rer comme il le veut l’obli­ga­tion de sécu­ri­sa­tion de ses côtes que lui impose l’Or­ga­ni­sa­tion mari­time inter­na­tio­nale. Les règles qui permettent de recon­naître le bali­sage partout dans le monde sont communes. Une asso­cia­tion inter­na­tio­nale de signa­li­sa­tion mari­time, basée à Saint-Germain-en-Laye, en région pari­sienne, émet des recom­man­da­tions. Mais chaque pays a sa propre poli­tique de bali­sage.

 

Combien coûte le bali­sage ?

Trop souvent, la comp­ta­bi­lité budgé­taire ne permet pas de répondre à des ques­tions simples comme celle-là. La quin­zaine de millions d’eu­ros par an dont débat le Parle­ment à ce titre ne recouvre que les achats de l’ad­mi­nis­tra­tion, depuis les ampoules et les sacs de ciment, jusqu’aux nouveaux bateaux de l’ar­me­ment des Phares et Balises et à leur carbu­rant. Mais il faudrait y ajou­ter les dépenses de person­nel : envi­ron 750 personnes, agents des direc­tions inter­ré­gio­nales de la mer ou des direc­tions de la mer (outre-mer) et marins non fonc­tion­naires de l’ar­me­ment des Phares et Balises (envi­ron 280). L’ordre de gran­deur serait alors plutôt d’une cinquan­taine de millions d’eu­ros. Mais rien d’of­fi­ciel dans ce chiffre. C’est beau­coup ? C’est peu ?

Le budget de la SNSM, qui fonc­tionne essen­tiel­le­ment avec des béné­voles, n’est que de moitié. D’un autre côté, 50 millions, c’est une quasi­ment une goutte d’eau dans les 386 milliards des dépenses de l’État, et un centième des 5 milliards d’éco­no­mies qu’il cherche à réali­ser cette année. Mais ce sont les petites bouées écono­mi­sées un peu partout qui finissent par permettre de payer… un porte-avions.

 

Pourquoi ne pas tout suppri­mer ?

Le jeune plai­san­cier moderne qui est né avec un ordi­na­teur dans son berceau et découvre la navi­ga­tion, une carte élec­tro­nique sous les yeux, peut se poser la ques­tion : à quoi servent toutes ces vieille­ries ? Pourquoi ne pas écono­mi­ser en suppri­mant tout puisque le posi­tion­ne­ment par GPS montre exac­te­ment où est le bateau sur la carte ? 

Nous sommes pour­tant un certain nombre d’an­ciens en France, et ailleurs, chez les marins profes­sion­nels comme chez les plai­san­ciers, chez les Sauve­teurs en Mer comme aux Affaires mari­times, à penser le contraire. Vincent Dena­mur, sous-direc­teur de la Sécu­rité mari­time, comme Caro­line Pisarz-Van den Heuvel, cheffe du bureau des Phares et Balises, tous deux parfai­te­ment au fait des tech­no­lo­gies modernes, sont caté­go­riques : on va cher­cher à faire mieux avec moins d’ar­gent en adap­tant le bali­sage à la tech­no­lo­gie moderne et aux nouveaux usages de la mer, mais il n’est en aucun cas ques­tion de le suppri­mer, car c’est un élément de sécu­rité indis­pen­sable.

Imagi­nez que votre élec­tro­nique soit en panne, sans pile ni batte­rie. Au plus mauvais moment, bien sûr, celui où vous cher­chez à entrer dans un port que vous ne connais­sez pas à travers une zone « mal pavée », émaillée de récifs. Imagi­nez que votre équi­page soit un peu malade, votre pilote auto­ma­tique aussi. Vous êtes coincé à la barre. Dans ces condi­tions peu opti­males, mais pas si invrai­sem­blables, si vous connais­sez les règles de base du bali­sage visuel, vous allez pouvoir entrer au port en sécu­rité.

 

La veille visuelle est indis­pen­sable

Plus géné­ra­le­ment, l’ex­pé­rience montre que, pour être en sécu­rité, il faut regar­der autour de soi et ne pas rester les yeux rivés sur un écran. Aller de la carte au réel et du réel à la carte. L’es­prit travaille. Quelle est cette bouée ? C’est bien celle-là ? Non, c’est cette grosse tourelle qui est beau­coup plus loin. Pourquoi l’eau bouillonne-t-elle par là-bas ? Ce sont ces rochers. Etc. Le recours exclu­sif à l’élec­tro­nique crée une baisse de vigi­lance dont les sauve­teurs constatent régu­liè­re­ment les consé­quences. Pourquoi y a-t-il encore tant d’échoue­ments, alors que les bateaux sont aujour­d’hui bardés d’élec­tro­nique ? La remarque vaut aussi pour les profes­sion­nels.

Trinity House a fait une étude du compor­te­ment des bateaux qui montre que l’élec­tro­nique pousse incons­ciem­ment à prendre des risques en passant trop près des cailloux ou des bancs de sable, ce qui l’a conduit à rajou­ter quelques bouées. Car il suffit d’un déca­lage de la carto­gra­phie, d’un courant ou d’un vent de travers mal évalué, et c’est l’échoue­ment.

Parmi les profes­sion­nels qui tiennent à conser­ver le bali­sage pour les entrées de port, il y a les meilleurs connais­seurs des passes, à savoir les pilotes, assure Vincent Dena­mur. Rien de tel qu’un repère visuel pour véri­fier rapi­de­ment l’im­por­tance de la dérive qu’il faut anti­ci­per sur un gros bateau.

Il arrive même que l’on construise encore de nouveaux feux, sinon des phares. Par exemple au début des années 2010, celui qui a été installé à l’ex­tré­mité du nouveau môle du port d’Erquy, en Bretagne-Nord, après son agran­dis­se­ment. C’est pour­tant un équi­pe­ment essen­tiel­le­ment utilisé par des pêcheurs profes­sion­nels qui connaissent la zone comme leur poche.

Optique de phare ou de feux encore équi­pée d’am­poules clas­siques. On recon­naît les célèbres lentilles de Fres­nel qui foca­lisent la lumière.: © Minis­tère de la tran­si­tion écolo­gique et soli­daire

 

Et après demain ?

Les bateaux auto­nomes, stade suivant de la navi­ga­tion élec­tro­nique, vont-ils balayer toutes ces consi­dé­ra­tions et nous faire bascu­ler dans l’uni­vers du « tout virtuel » ? On ne sait pas encore bien sur quels prin­cipes fonc­tion­nera leur guidage. Il est peu vrai­sem­blable qu’on s’en remette à un posi­tion­ne­ment sans contrôle par rapport au réel. On peut imagi­ner un contrôle élec­tro­nique. Une partie des phares et bouées sont déjà équi­pés d’émet­teurs AIS qui confirment leur iden­ti­fi­ca­tion par radio. Mais Vincent Dena­mur n’ex­clut pas qu’on main­tienne sur les navires auto­nomes des moyens de contrôle visuel par caméra permet­tant par exemple à un opéra­teur à terre de véri­fier ce que « voit » le bateau dans un passage déli­cat. 

Le bali­sage physique peut donc contri­buer aussi à enri­chir le monde virtuel. La preuve, le SHOM, l’or­ga­nisme respon­sable de la carto­gra­phie marine en France, déve­loppe avec les Phares et Balises un projet qui nous permet­tra, en cliquant sur une carte élec­tro­nique, de voir l’image de la tourelle, du phare ou de la bouée, ainsi que du paysage autour pour nous aider à faire le lien entre virtuel et réel.

 

Alors, qu’est-ce qu’on supprime ?

Reste l’im­pé­ra­tif budgé­taire : faire mieux avec moins. L’État peut, certes, faire des progrès de produc­ti­vité. Il inves­tit dans des bali­seurs modernes, mais chaque nouveau bateau remplace deux anciens, au moins. Il faudra aussi limi­ter le nombre d’aides à la navi­ga­tion et l’en­tre­tien qui y est asso­cié.

Il n’y a pas de grand plan caché. L’ad­mi­nis­tra­tion réflé­chit, consulte et consul­tera les usagers. Par exemple la commis­sion des Phares et Balises, une très vieille insti­tu­tion qui a été fort pres­ti­gieuse à certaines périodes de son histoire, va retrou­ver toute son impor­tance comme cadre de réflexion stra­té­gique. À la fin de l’été, elle devait par exemple se voir propo­ser un exer­cice consis­tant à partir d’une page blanche sur quelques portions du litto­ral faisant office de test. On efface tout le bali­sage exis­tant. Si rien n’exis­tait, comment bali­se­rait-on cette côte aujour­d’hui pour assu­rer la sécu­rité d’une manière effi­cace et écono­mique ?

Évidem­ment le poids de l’his­toire est énorme. Puisque ce phare ou cette tourelle sont là depuis si long­temps, pourquoi les éteindre ou les aban­don­ner ? Les résis­tances locales peuvent être consi­dé­rables. Une simple tourelle au milieu des cailloux, comme celle de Men Grenn, dans la rivière de Lézar­drieux, en Bretagne-Nord, peut-être plus diffi­cile à éteindre qu’un grand phare comme celui de Beau­duc en Camargue. Des commis­sions locales sont consul­tées, commis­sions au sein desquelles les Sauve­teurs en Mer sont souvent repré­sen­tés. 

 

Peut-on bais­ser la portée des grands phares ?

Les phares « d’at­ter­ris­sage » portant à 20 ou 30 milles étaient formi­da­ble­ment utiles pour la navi­ga­tion d’avant les GPS. On plani­fiait souvent sa traver­sée pour arri­ver au petit matin, certain d’avoir recalé sa posi­tion esti­mée grâce aux éclats ou occul­ta­tions bien recon­nais­sables du grand phare. En effet, quand on arri­vait en plein jour devant une côte où rien ne cligno­tait, on était parfois bien embar­rassé pour faire corres­pondre le paysage avec la carte.

Main­te­nant que tous les marins ou presque disposent au moins d’un GPS basique et d’une carte papier, on pour­rait faire des écono­mies, plus qu’on ne l’au­rait imaginé, en rédui­sant la portée de ces grands phares à une dizaine de milles (18 km). Non seule­ment on écono­mi­se­rait de l’éner­gie, mais on passe­rait alors d’am­poules clas­siques, sur mesure, coûtant plusieurs milliers d’eu­ros chacune à des LED beau­coup moins coûteuses. De plus, la fréquence des visites d’en­tre­tien et des pannes serait abais­sée. Tous les phares sont aujour­d’hui auto­ma­ti­sés et inha­bi­tés.

Pour entre­te­nir ou recons­truire certaines tourelles, il faut amener le béton par héli­co­ptère. Autant s’as­su­rer avant qu’elles sont toujours indis­pen­sa­bles…: © Minis­tère de la tran­si­tion écolo­gique et soli­daire

 

Les chenaux restent essen­tiels

Peut-être pour­rait-on faire l’éco­no­mie de quelques bouées et balises pour guider le marin entrant dans certains ports. La richesse du bali­sage est telle qu’on ne sait plus parfois où donner de la tête. Mais ce bali­sage-là reste essen­tiel. Y compris les aligne­ments visuels. Y compris les chenaux secon­daires. Vincent Dena­mur et Caro­line Pisarz-Van den Heuvel sont sans ambi­guïté sur ce point. Cargos ou paque­bots n’uti­lisent que la passe prin­ci­pale. En revanche, pêcheurs et plai­san­ciers aiment bien les passes secon­daires qui, selon les condi­tions de vent et de courant ou leur prove­nance, peuvent être plus adap­tées.

Évidem­ment le poids de l’his­toire est énorme. Puisque ce phare ou cette tourelle sont là depuis si long­temps, pourquoi les éteindre ou les aban­don­ner ?

 

Un navire de pêche ou de plai­sance n’est pas un cargo

Le trafic de cabo­tage est beau­coup plus limité qu’avant, et les cargos longeant les côtes sont plus rares, fait remarquer Vincent Dena­mur. Or le bali­sage reste souvent double, conçu à la fois pour les cargos, les paque­bots, la plai­sance et la pêche. Diffé­rence entre les deux : le tirant d’eau. Pour un porte-conte­neurs, le danger commence à moins de 20 mètres, voire 30 mètres de fond. Pour la plupart des autres bateaux, beau­coup moins de fond suffit par beau temps. Si l’on main­tient la signa­li­sa­tion des dangers pour les uns et pour les autres, le nombre et le coût des aides à la navi­ga­tion augmentent. Pour prendre l’exemple de la baie de Quibe­ron, très fréquen­tée par les plai­san­ciers mais très occa­sion­nel­le­ment par des navires plus impor­tants, il est essen­tiel de très bien en bali­ser l’ac­cès comme le passage de la Teignouse, mais est-il vrai­ment fonda­men­tal de marquer le banc de Quibe­ron et ses 6 mètres de fond au mini­mum, aux plus grandes marées basses  (cf carte du banc de Quibe­ron ci-dessous) ?

Carte Banc de Quibe­ron © SHOM: Sur cette carte on aperçoit l’ac­cès à la baie de Quibe­ron et le banc de Quibe­ron


Bali­sage de sécu­rité et bali­sage de confort

Toutes les bouées ne sont pas aussi essen­tielles pour assu­rer la sécu­rité des navi­ga­teurs. Certaines, qui faci­litent la navi­ga­tion sont pour­tant moins indis­pen­sables. Des défi­ni­tions offi­cielles existent pour faire le tri en trois caté­go­ries : « vitales, impor­tantes, néces­saires ». Chaque direc­tion inter­ré­gio­nale de la mer a commencé ce travail de clas­si­fi­ca­tion pour sa zone. Les signa­li­sa­tions jugées moins essen­tielles pour la sécu­rité sont évidem­ment celles dont l’éven­tuelle suppres­sion a plus de chance d’être discu­tée. À moins qu’elles ne soient prises en charge finan­ciè­re­ment par un autre bailleur de fonds : port, collec­ti­vité locale, etc. Celui-ci peut alors faire instal­ler et entre­te­nir l’aide à la navi­ga­tion par un pres­ta­taire privé, sous contrôle des Phares et Balises, ou contri­buer aux dépenses des Phares et Balises dont le budget comporte déjà 3 à 4 millions d’eu­ros de « fonds de concours ».  

Cas parti­cu­liers, bien « bali­sés » par la loi, ceux des entre­pre­neurs privés qui créent de nouveaux obstacles à la navi­ga­tion : parcs d’éo­liennes en mer, fermes aqua­coles, etc. Le finan­ce­ment du bali­sage néces­saire leur incombe, les Phares et Balises contrô­lant la perti­nence et l’ef­fi­ca­cité du dispo­si­tif proposé. Acces­soi­re­ment, le bali­sage d’un parc d’éo­liennes peut deve­nir une source d’éco­no­mies à terme pour l’État s’il permet de suppri­mer d’autres signa­li­sa­tions qui devien­draient dès lors super­flues.

Conclu­sion, notre paysage visuel de marins va chan­ger. À quelle vitesse ? Obte­nir l’au­to­ri­sa­tion d’ins­tal­ler des éoliennes en mer ou une ferme aqua­cole peut prendre des années. Convaincre toutes les « parties prenantes » qu’on peut suppri­mer une tourelle peut s’avé­rer impos­sible. Conclu­sion pratique : plus que jamais ayons à bord un « Livre des feux » à jour, parce que la bouée dont nous avions l’ha­bi­tude finira peut-être par dispa­raître un beau jour, tandis que nous ne verrons plus que de loin le phare que nous avions l’ha­bi­tude de voir de très loin.

 

Les phares, un patri­moine

L’ad­mi­nis­tra­tion est consciente que les bâti­ments des phares, en acti­vité ou pas, consti­tuent un patri­moine auquel beau­coup de Français sont atta­chés. « Les phares sont en bon état », rassure Caro­line Pisarz-Van den Heuvel, la cheffe du service. Mais l’ad­mi­nis­tra­tion n’a ni les moyens de tous les entre­te­nir à l’ave­nir, ni ceux de les gérer d’un point de vue patri­mo­nial. Elle est donc ouverte, pour les faire vivre, à toutes les propo­si­tions de parte­na­riat (conser­va­toire du litto­ral, collec­ti­vi­tés locales, asso­cia­tions…) et à tous les modes de finan­ce­ment (mécé­nat, finan­ce­ment parti­ci­pa­tif…). À Cordouan par exemple, le plus vieux phare en acti­vité au monde, le très beau bâti­ment a déjà été restauré, mais la chapelle attend toujours un finan­ce­ment.


Plusieurs sites de passion­nés recensent sur Inter­net les phares qui se visitent ou peuvent même héber­ger les randon­neurs, comme en Corse. Si vous avez des idées pour entre­te­nir et faire vivre un de ces phares ou feux, une adresse : caro­line.pisarz.-.referent-patri­moine-mari­ti­me@­de­ve­lop­pe­ment-durable.gouv.fr

Le phare des Roches-Douvres.: © Minis­tère de la tran­si­tion écolo­gique et soli­daire

 

Feux en panne ? Signa­lez-le !

Il n’y a pas beau­coup de pannes. Le taux de dispo­ni­bi­lité imposé par la régle­men­ta­tion pour les feux d’im­por­tance « vitale » est de 99,8 %. Leur entre­tien est donc systé­ma­tique. Cepen­dant les pannes existent et ne sont pas toutes détec­tées à distance (seuls 618 feux et aides à la navi­ga­tion sur 3 250 sont équi­pés de dispo­si­tifs de signa­le­ment de pannes à distance). Signa­lez donc la panne à la capi­tai­ne­rie du port le plus proche ou au CROSS (en commençant votre appel sur le canal 16 par « sécu­rité, sécu­rité »). Au pire, on vous dira que la panne est connue et signa­lée par un « avis aux navi­ga­teurs ». Vous n’êtes pas le seul à ne pas en faire votre lecture de chevet. Une plate-forme colla­bo­ra­tive permet­tant les signa­le­ments sur Inter­net est en cours de test en Bretagne en colla­bo­ra­tion avec l’Ins­ti­tut géogra­phique natio­nal et le SHOM : http://ping-info-nautique.fr

Capture d’écran de la plate­forme colla­bo­ra­tive déve­lop­pée par l’IGN et le SHOM, actuel­le­ment en cours de test.: © SHOM

 

Le phare qu’on peut éteindre et la balise qui résiste

Le phare de Beau­duc, en Camargue, a été éteint cet été. Il n’était pas facile à atteindre pour les équipes d’en­tre­tien. Le trait de côte ayant évolué, il n’était plus à la pointe. Et la côte est bien bali­sée par ailleurs.
En revanche les Phares et Balises n’ont pas réussi à éteindre la modeste tourelle de Men Grenn. L’af­faire est remon­tée jusqu’à Paris, en haut lieu. Les quelques plai­san­ciers et goémo­niers qui utilisent le petit mouillage de Lane­ros assurent avoir besoin d’une lumière là pour se repé­rer s’ils rentrent ou sortent de nuit. Mesure de compro­mis, les Phares et Balises, esti­mant que cette tourelle au milieu des cailloux pouvait trom­per un navi­ga­teur entrant de nuit à Lézar­drieu sans connaître les lieux, le feu est devenu bleu. Confi­den­tiel, réservé à l’usage local, il ne fait plus partie du bali­sage offi­ciel.

La tourelle de Men Grenn, dans les Côtes d’Ar­mor.: © SHOM