Un kite­sur­feur secouru en mer au large de l’Aber Wrac’h

Sorti au mois de février par vent fort, Matthieu, un kite­sur­feur, s’est trouvé en diffi­culté et a été secouru, au terme d’une inter­ven­tion qui a mobi­lisé un avion, la SNSM et les pompiers. Il témoigne de son expé­rience.

Kitesurfer en mer
Poussé par un vent de terre, Matthieu n’a pas réussi à regagner la plage sur son kitesurf. (photo d'illustration) © D.R.

Vent de nord-est force 6. Il en faut davan­tage en cette belle mati­née du vendredi 24 février 2023 pour décou­ra­ger Matthieu et l’un de ses amis de sortir en kite­surf. D’au­tant que, sur la plage des Trois moutons, à Lampaul-Plou­dal­mé­zeau (Finis­tère), le vent porte à terre, faci­li­tant le retour en cas de problème. Mais les deux hommes jugent qu’il y a trop de vagues et repartent en direc­tion de l’Aber Wrac’h, tout proche. La mer est calme à l’abri de la presqu’île Sainte-Margue­rite. Cepen­dant, le vent pousse au large. Matthieu hésite car il n’est pas encore très à l’aise pour remon­ter au vent en kite­surf. Son retour à terre risque d’être labo­rieux, mais son ami le rassure en lui expliquant que ce sera plus facile par mer plate. Et ils partent.

Plon­geur depuis ses 14 ans, Matthieu ne craint pas l’eau. Toute­fois, il est précau­tion­neux : il ne part jamais seul et prévient de tout chan­ge­ment de programme – comme il vient de le faire en télé­pho­nant à son épouse. Parvenu à la quaran­taine, il a enchaîné les stages de kite­surf pendant trois ans. Pour sa première sortie sans moni­teur, la présence de son ami, expé­ri­menté, le rassure. « J’ai commencé à navi­guer. Cela se passait bien, mais j’ai vu que j’al­lais être en diffi­culté parce que je m’éloi­gnais trop du bord. Je n’ar­ri­vais pas à remon­ter au vent et j’ai décidé de me sécu­ri­ser en reve­nant sur une des berges », retrace Matthieu.

Les diffi­cul­tés commencent

Pour­tant, bien qu’il ait anti­cipé les risques, les choses ne se déroulent pas comme prévu. « Je n’ai pas réussi à reve­nir sur la plage et ça deve­nait dange­reux, pour­suit Matthieu. J’ai lâché ma planche pour essayer de rentrer en nage trac­tée avec ma voile. Quand j’ai vu que je n’ar­ri­vais pas à remon­ter au vent même comme ça, je me suis foca­lisé sur un petit îlot devant moi, l’île Garo [îlot de quelques centaines de mètres de long, situé en face de l’anse de Brouen­nou], et je l’ai atteint avec le vent arrière.  »

Il parvient à terre sans bles­sure car il a bien négo­cié le passage des rochers et sa voile est intacte. Il la met en ordre pour qu’elle ne s’en­vole pas toute seule. « J’étais très content de moi, me disant que j’avais tout réussi et que j’al­lais nager jusqu’à la côte, se souvient Matthieu. De façon incons­ciente, j’ai pris le mauvais chemin. Au lieu de me mettre dans le sens du courant et du vent, j’ai tenté, sans succès, de nager contre le courant et le vent en direc­tion de mon point de départ, où m’at­ten­daient ma femme et mon camion. Je n’avançais pas et je commençais à me fati­guer. »

Un Falcon 50 inter­vient

Il ignore surtout que son ami, qu’il a perdu de vue depuis vingt minutes aux envi­rons de l’île Garo, a déjà composé le 196 sur son télé­phone mobile pour aler­ter le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Corsen. Au vu des condi­tions météo, les membres du CROSS diffusent aussi­tôt un message Mayday d’alerte géné­rale. Un avion de surveillance Falcon 50, non loin, propose son concours, immé­dia­te­ment accepté. En même temps, le CROSS engage le véhi­cule de secours et d’as­sis­tance aux victimes  (VSAV) des pompiers et leur bateau léger de sauve­tage (BLS), puis la vedette SNS 447 André Tréguer, de la station de l’Aber Wrac’h.

En un quart d’heure, le Falcon 50 repère une voile sur l’île Garo, mais ne voit personne à proxi­mité. Même constat à bord de la SNS 447, qui commence à quadriller le secteur et finit par recueillir Matthieu, encore à l’eau. Elle le débarque une ving­taine de minutes plus tard à la station de l’Aber Wrac’h, où il est pris en charge par les pompiers. Il s’est un peu refroidi, mais tout va bien et ils le ramènent chez lui. De son côté, leur BLS récu­père l’aile de kite et la dépose à la gendar­me­rie. Fin de l’opé­ra­tion, qui aura duré près de deux heures et quart.

« J’ai commis plusieurs erreurs ». L’analyse de Matthieu

« J’ai commis plusieurs erreurs », recon­naît Matthieu avec le recul. « La première a été de ne pas être resté sur l’île, à côté de ma voile, estime le quadra­gé­naire. J’au­rais pu être repéré plus faci­le­ment. Ensuite, j’ai nagé à contre-courant dans une eau qui devait être à 10 °C et, même si j’étais très bien équipé contre le froid, ce n’était pas raison­nable. Enfin, je n’avais pas de moyen de commu­ni­ca­tion sur moi et mon équi­pe­ment était plutôt de couleur sombre, diffi­cile à aper­ce­voir sur l’eau. Il aurait fallu que j’aie aussi une flash­light et un sifflet… »

Le kite­sur­feur a tiré quelques ensei­gne­ments de sa mésa­ven­ture. « Si j’avais des conseils à donner, le premier serait de ne pas sortir par vent de terre, recom­mande Matthieu. Ensuite, c’est d’avoir un moyen de commu­ni­ca­tion – balise GPS ou télé­phone – dans une pochette étanche. Que ce soient les gendarmes, le CROSS ou l’équi­page du Falcon, tout le monde me l’a dit. Je pense que, si j’avais eu mon télé­phone, je ne me serais pas amusé à nager ! Arri­vant sur l’îlot en pleine forme, j’au­rais sans doute appelé pour rassu­rer mes proches et leur deman­der qu’un ami vienne me cher­cher avec son bateau.  »

Il a parti­cu­liè­re­ment appré­cié son échange avec les secours après l’in­ci­dent. «  Le CROSS et l’équi­page du Falcon m’ont contacté pour débrie­fer, explique-t-il. Ils avaient besoin de comprendre ce qui m’avait conduit à prendre certaines de mes déci­sions. C’était visi­ble­ment aussi impor­tant pour eux que pour moi. De mon côté, je me suis déjà racheté une planche !  »

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Article rédigé par Domi­nique Malé­cot, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­tage n°164 (2ème trimestre 2023)