Nœud de chaise et nœud d'écoute sont-ils cousins ?

Les entre­la­ce­ments sur diffé­rents nœuds peuvent revê­tir bien des simi­li­tudes dans leur struc­ture. Il en est ainsi du nœud d’écoute et du nœud de chaise, deux nœuds bien clas­siques, mais ne seraient-ils pas cousins ?

Titre de l'article

Le noeud d’écoute

Le nœud d’écoute est d’ori­gine fort ancienne puisqu’il date de l’époque du Néoli­thique, où il était utilisé pour confec­tion­ner des filets de pêche. La struc­ture de cet ajut est simple. Elle permet de relier deux cordages, parfois de diffé­rentes gros­seurs. Le brin courant du plus petit cordage (dans le schéma avec la flèche) traverse la boucle (ganse) du plus gros, le contourne et vient se coin­cer sous le dormant, pour être bloqué. Sa struc­ture est donc celle d’une demi-clé verrouillée autour d’une ganse. Malgré son nom, il est para­doxal d’ob­ser­ver que le nœud d’écoute n’est guère utilisé pour frap­per une écoute sur une voile. En effet, dans sa version simple, il n’est pas très sécu­risé, sous faible tension, et peut se dénouer tout seul !

Noeud d’écoute

Comment le sécu­ri­ser davan­tage avec une meilleure tenue ?

 

Noeud d'écoute 1
Faire un tour supplé­men­taire
autour de la ganse.
Noeud d'écoute 2
Ajou­ter un cabillot
(ou un martyr).
Même sous très forte tension,
il sera facile à larguer.
Noeud d'écoute 3
Nœud dʼécoute renforcé :
le courant repasse sous la
demi-clé pour former une
figure en huit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Variantes origi­nales et robustes inspi­rées du nœud d’écoute

 

Le nœud Simon simple
Le nœud Simon simple : après la demi-clé,
le courant repasse sous la ganse
Le nœud Simon double
Le nœud Simon double : le double croi­se­ment
rend cet ajut très effi­cace.

 

 

 

 

 

 

 


Le nœud de chaise

Bien connu des marins et des plai­san­ciers, ce nœud, à l’ori­gine, était destiné à orien­ter les voiles. Son 
usage est très ancien. Déjà employé du temps de la Haute-Égypte, il a été iden­ti­fié dans le grée­ment de 
la célèbre barque solaire de Khéops, décou­verte en 1954 dans une fosse au pied de la pyra­mide de Gizeh.
Il existe plusieurs méthodes pour la réali­sa­tion de ce nœud à boucle fixe. Oublions ici les tech­niques du 
style « le serpent sort du puits, contourne l’arbre et retourne dans le puits. » Pensons à la logique : « dessous 
sous dessous et dessus sur dessus » ; ce raison­ne­ment est valable pour comprendre beau­coup de nouages.

nœud de chaise 1
Le brin dormant passe sous la demi-clé.
Le brin courant (avec la flèche) vient par
dessous celle-ci et ressort
par-dessus.
noeud de chaise 2
Le brin dormant étant sous la
demi-clé, le brin courant
doit passer par-dessous.
noeud de chaise 3
Nouveau passage dans la partie
supé­rieure de la demi-clé, le brin
courant vient donc dessus

 

Glos­saire


Écoute (Sheet) : le cordage  frappé dans l’angle  infé­rieur d’une voile permet de  l’orien­ter plus ou moins dans  l’axe du navire.

Demi-clé (Half hitch) : ce n’est qu’une partie d’un nœud, indis­pen­sable pour sécu­ri­ser diffé­rents amar­rages.

Brin courant (Working end) :
partie du cordage utili­sée pour réali­ser un nœud.

Brin dormant (Stan­ding part) :
partie fixe du nœud, par oppo­si­tion au brin courant.

Ganse (Bight) : 
forme d’un cordage replié sur lui-même.


Nœud de chaise et son envers 

Peu importe le sens des demi-clés, toujours dessous sous 
dessous et dessus sur dessus… C’est ce qui appa­raît dans ce 
noeud de chaise et sa figure symé­trique. La demi-clé, surli­gnée 
en jaune, vient cein­tu­rer une ganse (surli­gnée en rouge) ; c’est 
donc la même struc­ture de nouage que le noeud d’écoute.

Nœud de chaise et son envers

Nœud de chaise des Inuits 

Ce nœud a été observé au début des années 1900 par Franz Boas, un anthro­po­logue d’ori­gine germa­nique, qui a étudié les popu­la­tions inuits sur la Terre de Baffin et dans la baie d’Hud­son. Plus compacte que le nœud de chaise clas­sique, cette variante est répu­tée plus robuste.

Le courant vient dessus,
puis dessous et dessus,
le nœud se formant en tirant dans le
sens des flèches.
Comme pour le nœud de chaise
clas­sique, une demi-clé enserre
une ganse, mais la posi­tion
du brin dormant a changé.

 

 

 

 

 

 

Le bon choix des nœuds et des cordages, une ques­tion d’ex­pé­rience

Quel que soit l’em­ploi de ces deux nœuds cousins, leur résis­tance à la rupture dépend de nombreux facteurs. Tandis que leur fiabi­lité et leur robus­tesse s’ap­pré­cient avec la tension appliquée à les serrer (les souquer, en langage de marin), leur résis­tance reste diffi­cile à quan­ti­fier. Pour tous les nouages pouvant conduire à des situa­tions à risque, il est indis­pen­sable de bien connaître à la fois les carac­té­ris­tiques propres des cordages utili­sés (charge de ruptu­re…) et de choi­sir les nœuds les plus appro­priés pour un travail en sécu­rité. Enfin, sachons que les 
cordages tradi­tion­nels et synthé­tiques ne font pas toujours bon ménage.

Texte et visuels four­nis par Antoine Leroy, diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°156 (2ème trimestre 2021)