Ils étaient onze à avoir fait le déplacement de Noirmoutier à Arcachon cette fois-ci. Onze fiers d’appartenir à la station de l’Herbaudière qui utilisera le premier navire de sauvetage hauturier, le NSH1, de la nouvelle flotte des Sauveteurs en Mer, le bateau « tête de série ». Au chantier COUACH, il n’y avait pas que des membres de l’équipage ce 16 juin 2021. La trésorière, Paola Couillon, était là aussi, ainsi qu’une secrétaire qui voyait pour la première fois, en vrai, l’objet de 17,44 mètres de long, le plus grand de la nouvelle flotte ; lequel commence à ressembler sérieusement à un bateau puisque le pont et la timonerie ont été assemblés sur la coque. Certains gros éléments comme les moteurs et les réservoirs ont été installés à l’intérieur avant qu’on ferme la boîte. Pendant leur « tour du propriétaire », les visiteurs ont pu pénétrer à l’intérieur et se faire une idée des volumes. « Dans la cale moteurs, les mécaniciens pourront atteindre les principaux éléments sans faire des acrobaties », se réjouit Noël Meunier, le président, lui-même pêcheur, qui a la chance d’être à la tête d’une station SNSM qui peut encore compter sur trois mécaniciens marine dans l’équipe. Même si tous les aménagements ne sont pas encore là, il suppute déjà que l’équipage pourra ranger plus de matériel dans le poste avant. Pour la sécurité, il faut en laisser traîner le moins possible dans la timonerie.
Un travail collaboratif et de nombreux échanges
« Pendant que la construction avançait, il y a eu encore beaucoup, beaucoup de discussions sur le détail des aménagements entre le chantier et l’équipe de programme de la SNSM, avec les représentants de la station de l’Herbaudière, mais aussi d’autres stations qui sont venues donner le point de vue des utilisateurs sur leur futur outil », racontent le président ainsi que Jean-Jacques Toussaint, le chef de projet chez COUACH et Gérard Rivoal, le directeur de programme, qui veille sur la nouvelle flotte depuis le début à la SNSM. Jean-Jacques Toussaint a compté cinq réunions en huit mois sur l’aménagement de la timonerie et l’électronique de bord, autour d’une maquette grandeur nature en bois, pour que tout soit bien clair. Certaines stations, comme l’Herbaudière, ne voulaient pas être encombrées d’un troisième poste de conduite du bateau destiné à un OSC (ce coordinateur du sauvetage sur zone, embarqué sur un des moyens, se consacre à la bonne coordination entre les différentes embarcations quand elles sont nombreuses). Qu’à cela ne tienne ; il sera facilement démontable. Chaque station a ses habitudes et ses idées sur le bon emplacement de l’électronique de bord et la sophistication des commandes. On est arrivé à une solution optimale avec un écran tactile qui regroupe beaucoup d’informations et de commandes, doublé de commandes classiques, pour les feux par exemple.
Le président de station est, comme ses troupes, impatient de voir le bateau à l’eau, courant de l’été en principe. Même quand on fait confiance à l’architecte et au chantier c’est là qu’on voit si le bateau est vraiment « dans ses lignes », comme on dit. Les délais par rapport au planning initial sont évidemment dus en partie à la COVID et à ses effets indirects sur l’industrie : des délais d’approvisionnement qui passent de deux semaines à trois mois. Le producteur des « bourlingues », les gros boudins en caoutchouc qui protègeront les navires, a même été victime indirecte du quasi-arrêt du transport aérien. Il utilise des résidus du kérozène, le carburant des avions !
Début de l’automne ce seront les essais opérationnels. Le président espère que cette perspective va redonner de l’élan à l’équipe. Parce qu’à la station de L’Herbaudière, comme dans les autres, cette période COVID a été dure. Ils ont tout fait pour maintenir des réunions et des entraînements. Mais respecter trop longtemps les distances fait forcément perdre un peu en cohésion et en esprit d’équipe, dans une station de sauvetage comme dans une entreprise. Leurs fierté et espoir : que ce nouveau bateau qui arrive les ressoude. « Il promet », assure Noël Meunier, qui l’espère plus rapide et se faufilant mieux là où il y a peu d’eau que l’actuel canot tous temps.
Gustave Gendron remplacera le Georges Clémenceau II
Le SNS 069 Georges Clémenceau II, plus que trentenaire, n’a pas démérité pour autant. Il a été « loyal », dit le marin, et son équipage lui « doit le respect ». On sent déjà monter le serrement de cœur des sauveteurs quand ils voient partir leur vieux bateau. Ils aimeraient bien savoir ce qu’il va devenir. Bateau « de réserve », espèrent-t-il ? La SNSM en a besoin lorsque d’autres bateaux sont en arrêt programmé (grandes révisions) ou pas (panne, accident). Après ? Le président se prend à rêver d’un musée.
Avant le Georges Clémenceau II, la station avait eu un premier canot de sauvetage portant le même nom. Le nouveau navire de sauvetage du XXIe siècle aux lignes modernes dessinées par l’architecte Frédéric Neuman et habillé d’une nouvelle « livrée » orange, blanc et gris métal conçue par Philippe Starck pour la SNSM portera-t-il encore le nom du « père la victoire », retiré de la vie politique pour retrouver sa chère Vendée il y a plus d’un siècle ? Non. Il s’appellera Gustave Gendron. Gustave a été longtemps le patron titulaire de la station jusqu’à ce que la limite d’âge l’oblige à passer la main. Noël Meunier et l’actuel patron, Jean-Pierre Couton, ont commencé avec lui. Ils ont été heureux d’annoncer cette décision à leur maître en sauvetage qui l’a acceptée. Décidément, la SNSM est une grande famille.
Article rédigé par Jean-Claude Hazera