Sébastien Juhel, la passion du sauvetage

À la pointe de la côte de granit rose, Sébas­tien est patron du SNS 718 de l’Île-Grande. Forma­teur et respon­sable péda­go­gique, il anime aussi des stages de nageurs embarqués, le tout, béné­vo­le­ment.

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Sébastien Juhel à gauche © SNSM

Depuis ses 18 ans, en 1994, Sébas­tien Juhel baigne dans le sauve­tage à la SNSM. Une passion qu’il explique par « l’en­vie de porter secours et l’amour de la mer ». Aujour­d’hui, l’en­fant du pays, né dans les Côtes-d’Ar­mor voici 46 ans, est patron titu­laire du semi-rigide SNS 718 Toulg­wenn, au sein de la station SNSM Trégas­tel – Île Grande.

Au centre de la côte de granit rose, l’Île-Grande (800 habi­tants) est la pointe avan­cée de la commune de Pleu­meur-Bodou. Elle est reliée au conti­nent par un pont. Autre­fois, haut lieu d’ex­trac­tion du granit, c’est à présent un site touris­tique très fréquenté en période esti­vale avec son port, sa base nautique et la station orni­tho­lo­gique de la Ligue de Protec­tion des Oiseaux (LPO).

« Depuis tout petit, je navigue, explique-t-il. Plus grand, je suis devenu moni­teur à l’école de voile, qui jouxte la SNSM. Très rapi­de­ment, je me suis inté­ressé au sauve­tage. Une véri­table histoire de proxi­mité avec les béné­voles. C’est ainsi qu’à leur invi­ta­tion, je suis entré à la station à 18 ans ».

Au fil des années, Sébas­tien Juhel a acquis une solide expé­rience du sauve­tage en mer. De cano­tier, il est devenu en 2020, patron du semi-rigide de la station SNSM Trégas­tel – Île Grande. 

La voca­tion de secou­rir

Sapeur-pompier profes­sion­nel à Lannion, Sébas­tien Juhel a la possi­bi­lité de se rendre dispo­nible pour la SNSM grâce à son emploi du temps : « Après 24 heures de garde, je dispose de deux ou trois jours de repos, c’est selon. C’est un rythme à prendre pour conci­lier la famille, les amis, les pompiers, la station SNSM, et les forma­tions. »

Une dispo­ni­bi­lité impor­tante, c’est égale­ment le trait commun d’une bonne partie de l’équi­page de la station SNSM Trégas­tel – Île Grande, compo­sée entre autres de : « deux sapeurs-pompiers, un contrô­leur aérien, un arti­san, un agent portuai­re… Au total, une quin­zaine de sauve­teurs habi­tant sur l’île ou à moins de 5 km de la station. ». Une équipe jeune avec une moyenne d’âge de 45 ans, qui se renou­velle d’un tiers tous les trois ans envi­ron, un turn-over appré­cié du patron. « Une situa­tion tout à fait adap­tée à l’uti­li­sa­tion un peu spor­tive du semi-rigide de 7,50 mètres, le SNS 718 Toulg­wenn, propulsé par deux moteurs de 115 chevaux. » Le semi-rigide se prête parfai­te­ment à la navi­ga­tion de secours dans cette région, « assez mal pavées avec des hauts-fonds où les tirants d’eau sont assez réduits ».

En cette pointe de la Bretagne, l’été, la navi­ga­tion de plai­sance est impor­tante. « Nous sommes, dit-il, dans une région de fort tran­sit vers les îles anglo-normandes toute proches. Or, le secteur est composé de nombreux îlots et les cailloux sont partout. La navi­ga­tion réclame une bonne connais­sance et aussi beau­coup de prudence et d’hu­mi­lité. Par consé­quent, nous sommes très souvent appe­lés par le CROSS pour tirer d’af­faire des plai­san­ciers égarés parmi les nombreux obstacles de cette côte de granite rose. »

Depuis ses débuts, Sébas­tien Juhel ne compte plus les sauve­tages auxquels il a parti­cipé, pas plus qu’il ne veut rete­nir les plus remarquables. « En défi­ni­tive, souligne-t-il, je retiens surtout les inter­ven­tions qui n’abou­tissent pas. Celles pour lesquelles on n’a rien pu faire. C’est triste pour tout le monde. On ressent un fort senti­ment d’échec. Fort heureu­se­ment, ces situa­tions sont assez rares. » Le plus souvent, les sauve­teurs de la SNSM accom­plissent parfai­te­ment leur mission et reçoivent en retour des remer­cie­ments. Comme en témoignent, parmi d’autres, ces deux plai­san­ciers à bord d’un voilier de 8,80 mètres, tombés à la mer, en hypo­ther­mie : « Nous souhai­tions vous donner de nos nouvelles et vous remer­cier de tout cœur pour votre inter­ven­tion et votre extrême dévoue­ment. Diffi­cile d’ex­pri­mer l’émo­tion que nous avons ressen­tie lorsque nous avons vu votre semi-rigide s’ap­pro­cher alors que nous nous accro­chions tant bien que mal à notre casier de pêche et que les rochers s’ap­pro­chaient… Le terme remer­cier de tout cœur nous paraît bien faible compte tenu de la rapi­dité avec laquelle vous êtes venus à notre secours, ne recu­lant ni devant la diffi­culté à nous retrou­ver alors que nous n’étions plus dans la zone immé­diate de naufrage ni devant le danger que vous avez couru pour nous récu­pé­rer près des rochers. » Un message touchant qui résonne comme une récom­pense pour les sauve­teurs.

La passion de former et trans­mettre son savoir

Sauve­teur, Sébas­tien Juhel est égale­ment forma­teur SNB1 – autre­ment dit nageur de bord – pour le Pôle natio­nal de forma­tion. « Comme j’or­ga­ni­sais des sessions SNB1 à la station, la direc­tion de la forma­tion m’a incité à passer le stage de forma­teur SNB1 pour pouvoir orga­ni­ser loca­le­ment, avec les bonnes pratiques, les forma­tions nageurs de bord. »

Deux fois par an, sur le site même de l’Île-Grande à Pors Gelen, douze à quinze stagiaires parti­cipent à cette forma­tion. Elle consiste à apprendre les diffé­rentes tech­niques de récu­pé­ra­tion de naufra­gés à partir d’un semi-rigide sur des rochers isolés et à nager avec paddle pour des distances infé­rieures à 300 mètres à partir de la plage.

« J’aime orga­ni­ser des forma­tions et trans­mettre. Comme les stagiaires et les forma­teurs proviennent de diffé­rentes struc­tures de sauve­tage SNSM, il y a un bras­sage de profils et de pratiques inté­res­sant. Cela permet à chacun, moi y compris, de remettre en ques­tion sa pratique, en s’ou­vrant à de nouvelles tech­niques. J’ap­pré­cie de voir les stagiaires progres­ser au fil des forma­tions de trois jours et demi. Ils repartent avec l’en­vie de commu­niquer sur les règles de sécu­rité, de mettre en place de nouvelles manières de faire, voire même de deve­nir eux-mêmes forma­teurs ! ».

Et ce n’est pas tout : « Quand il y a besoin, j’in­ter­viens en dépan­nage, pour donner des cours de secou­risme au CFI. » Autant dire que Sébas­tien Juhel ne chôme pas sur son temps libre.



Depuis le 22 janvier 2021, la station de sauve­tage Trébeur­den – Île Grande a été scin­dée en deux établis­se­ments.
Trébeur­den dispose d’une station SNSM perma­nente, inti­tu­lée Trébeur­den SNSM, et équi­pée de la vedette de 2e classe SNS 218 Pors Trozoul.
La station saison­nière de Trégas­tel a été rebap­ti­sée station Trégas­tel – Île Grande SNSM. Elle est deve­nue station perma­nente, sous la prési­dence du président de l’an­cienne station de Trégas­tel. L’équi­page dispose du semi-rigide SNS 718 Toulg­wenn.



Fran­cis SALAÜN, enca­dré Alexis HATON