Frédéric Postel : « Je sauve, donc je suis »

Trou­ville-sur-Mer (Calva­dos) célé­brait en début d’an­née 2023 la mémoire du sauve­teur Frédé­ric Postel à l’oc­ca­sion du 110° anni­ver­saire de son décès. Cheva­lier de la Légion d’hon­neur, lauréat du prix Montyon*, récom­pensé à trente-deux reprises, il a marqué le sauve­tage en mer du XIX° siècle.

Photo de Frédéric Postel
Frédéric Postel, patron de la station de Trouville, a été récompensé de très nombreuses fois pour ses actes de bravoure. © D.R.

Frédé­ric Postel a marqué sa ville de son empreinte, au sens propre comme au figuré. Le 18 février 2023, la commune de Trou­ville-sur-Mer (Calva­dos) a installé une plaque commé­mo­ra­tive au cime­tière, à l’oc­ca­sion des cent dix ans de sa dispa­ri­tion. Une rue lui avait déjà été dédiée. Né le 22 avril 1846, le marin à la longue barbe et au regard perçant est le paran­gon du sauve­teur en mer du XIXe siècle. Maître baigneur du célèbre hôtel Les Roches Noires à Trou­ville, marin pêcheur, maître haleur du port1, patron du canot de sauve­ta­ge… Il incarne à merveille la première devise des sauve­teurs : « Je sauve, donc je suis. »

L’une de ses inter­ven­tions est à l’ori­gine de la réou­ver­ture, en 1885, de la station de Trou­ville, qui existe toujours aujour­d’hui2. Le 28 août 1884, sur la côte fleu­rie, « le ciel est lourd et noir. La tempête se déchaîne aussi loin que la vue peut atteindre ses violences et ses fureurs3 » Sous les coups d’une lame impi­toyable, le sloop4 Aimée-Marie-Victoire commence à sombrer. Ses trois hommes d’équi­page sont cram­pon­nés aux haubans, la mer déferle avec rage. La foule des baigneurs silen­cieuse se presse sur les jetées, impuis­sante, la gorge serrée par l’an­goisse. Cepen­dant, un petit canot lutte contre les flots, des bras d’acier tiennent les avirons. Perdu dans l’écume des embruns, il repa­raît bien­tôt à la crête des vagues. Frédé­ric Postel touche au but et sauve les marins de l’Aimée-Marie-Victoire.

1 500 personnes se pressent pour féli­ci­ter les sauve­teurs

Une fois nommé patron du Brancy5, le sauve­teur fait l’ad­mi­ra­tion des habi­tants de la commune, qui perdaient régu­liè­re­ment des proches lors de fortunes de mer. Le 24 octobre 18876, le vapeur Adam Smith se présente en rade de Trou­ville, dans une mer démon­tée sous l’in­fluence d’un coup de vent de nord-ouest, empê­chant la sortie des pilotes. La tempête redou­blant de violence, le char­bon­nier britan­nique tente d’ac­cé­der au port au moment de la pleine mer. Malheu­reu­se­ment, il manque l’en­trée du chenal et talonne sur l’en­ro­che­ment. Il s’échoue à la côte située à l’est des esta­cades, en face du casino.

Couvert par les lames, les feux éteints, le navire rece­vant les vagues par le travers se couche sur tribord. Frédé­ric Postel fait rassem­bler l’équi­page7 du canot de sauve­tage Le Brancy. Il atteint le navire après une heure de lutte contre la violence des lames. À l’ex­cep­tion du capi­taine et du second, qui souhaitent rester à bord, les six hommes d’équi­page de l’Adam Smith embarquent dans le canot de sauve­tage, sous le regard d’une foule de plus de 1 500 personnes massées sur les côtes, qui se préci­pitent pour féli­ci­ter chaleu­reu­se­ment les sauve­teurs.

Frédé­ric Postel a été récom­pensé trente-deux fois à la suite de sauve­tages périlleux. Cheva­lier de la Légion d’hon­neur, lauréat du prix Montyon, il a reçu deux médailles et trois croix civiques belges en recon­nais­sance d’in­ter­ven­tions lors des campagnes de la flotte de pêche trou­villaise au large d’Os­tende. Il est décédé chez lui, à Trou­ville, le 16 février 1913. L’en­semble de ses médailles est toujours conservé au musée Villa Monte­bello, à Trou­ville.

* Prix Montyon : créé au XVIIIe siècle, le prix de vertu Montyon a pour buts de « répandre les bons exemples, faire connaître les actions vertueuses et encou­ra­ger à les imiter »

1 Personne en charge de l’amar­rage des navires dans un port.
2 Il s’agit aujour­d’hui de la station de Trou­ville - Deau­ville.
3 Extrait du discours du commis­saire de l’ins­crip­tion mari­time Piquié. Annales de la Société centrale de sauve­tage aux naufra­gés (SCSN) de 1886.
4 Petit bâti­ment cabo­teur ou pêcheur à voile à un seul mât.
5 Canot Augus­tin Normand de 8,60 mètres dit incha­vi­rable, huit avirons, un mât avec voile au tiers.
6 Annales de la SCSN de 1888.
7 Patron : Frédé­ric Postel, sous-patrons : Bellan­ger et Livoury, cano­tiers : Legrix, Petit, Deshayes, Laro­ma­nie, Douvre, Carval, Delandre

Article rédigé par Jean-Patrick Marcq, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­tage n°164 (2e trimestre 2023)