Exercice : Quand un incendie s’empare d’un navire à passagers

Un dispo­si­tif d’or­ga­ni­sa­tion de la réponse de sécu­rité civile (ORSEC) mari­time a été déployé en mars 2023 au large de l’île d’Aix. L’oc­ca­sion pour les secours – pompiers, mili­taires, services hospi­ta­liers, Sauve­teurs en Mer – de répé­ter leurs gammes lors d’un rare exer­cice de grande enver­gure.

Bateau des Croisières Inter-îles et vedette de sauvetage de la SNSM de l'île d'Aix en mer pour un exercice
Le « Chevalier Arlequin » des Croisières Inter-îles – ici aux côtés de la « SNS 144 IMA Antioche » – était le théâtre de l’incendie fictif imaginé pour l’exercice. © Clara Tison / Marine Nationale / Défense

Les sauve­teurs embarqués de la station de La Rochelle sont fin prêts en ce matin du 30 mars. La préfec­ture mari­time de l’At­lan­tique a concocté une mise en situa­tion de grande ampleur au large de La Rochelle. Cela faisait dix ans que cet exer­cice annuel n’avait pas eu lieu en Charente-Mari­time.

C’est dans un mélange d’ex­ci­ta­tion et de stress que les Sauve­teurs en Mer de la vedette SNS 144 IMA Antioche attendent le déclen­che­ment des opéra­tions. Quelques détails du scéna­rio ont fuité, mais personne ne sait où exac­te­ment le Cheva­lier Arlequin des Croi­sières Inter-îles – long de 27 mètres et pouvant accueillir plus de deux cent quatre-vingts passa­gers – va subir un départ de feu, ni combien de victimes seront touchées à bord. « C’est un exer­cice coor­donné par le CROSS Étel (centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage). Tout est préparé en amont et les acteurs ne sont pas au courant de tout le déroulé », indique Philippe, capi­taine de frégate de la Marine natio­nale et direc­teur du dispo­si­tif du jour, nommé « Antioche 2023 ».

L’objec­tif de la mati­née est clair : mettre à l’épreuve la coor­di­na­tion en mer entre les diffé­rents moyens, nautiques et aériens, pour la prise en charge d’un grand nombre de personnes en détresse.

Les passa­gers embarquent depuis le Vieux Port de la cité mari­time, près de la média­thèque. Tout a l’air vrai, sauf que les passa­gers sont les élèves du lycée mari­time de La Rochelle. Ils ont été brie­fés pour jouer les victimes, celles d’un incen­die parti depuis la salle des machines après une tren­taine de minutes de navi­ga­tion.

« Aidez-moi, je vais mourir ! »

Sur l’eau, dans les VHF, ça grésille. Il est un peu plus de 9 heures et le premier message d’alerte est diffusé sur le canal 16. « Feu de machines non maîtri­sable à l’in­té­rieur. Quatre-vingt-six personnes à bord. Demande de renforts. » Le début du scéna­rio est enclen­ché. Il faut agir et vite. C’est le CROSS Étel qui va orches­trer la mise en marche des secours.

Au cœur du bateau, dans l’en­che­vê­tre­ment des sièges, les fausses victimes jouent leur rôle avec convic­tion. Les cris éclatent de toute part. Les adoles­cents ont été maquillés avec du faux sang et de fausses bles­sures pour donner de la vrai­sem­blance à la scène. C’est la panique à bord ! « Aidez-moi, je vais mourir  », s’égo­sille l’un d’entre eux, allongé dans l’une des allées du bateau. À quelques mètres de lui, un de ses compa­gnons est affolé. Le ton monte, les bles­sés s’agrippent aux membres de l’équi­page, premiers témoins de la scène. Ces derniers gardent leur sang-froid et gèrent les prio­ri­tés, tout en essayant de rassu­rer les victimes en état de choc. « Nos équi­pages sont habi­tués à ce genre d’exer­cice car ils sont formés toute l’an­née, mais sans passa­gers », assure plus tard, sur le pont prin­ci­pal, Damien Cour­caud, le direc­teur géné­ral d’In­ter-îles.

Certaines victimes étaient blessées et nécessitaient des soins
Certaines victimes étaient bles­sées et néces­si­taient des soins © Sarah Lacar­rere / Marine Natio­nale / Défense

Moyens nautiques et aériens

Depuis son centre de pilo­tage, le CROSS a décidé d’en­ga­ger une impor­tante chaîne de secours : les secours nautiques, avec les vedettes de la SNSM de La Rochelle, de l’île d’Aix et de l’île de Ré, ainsi que la vedette côtière de la gendar­me­rie mari­time. Mais aussi les pompiers du Service dépar­te­men­tal d’in­cen­die et de secours (SDIS) de la Charente-Mari­time, les SMUR mari­times de La Rochelle, de Bayonne et de Vannes, ou encore la compa­gnie des marins-pompiers de la base navale de Brest. Tous sont mobi­li­sés.

Le triage, qui permet de répar­tir les victimes selon la gravité de leurs bles­sures, et les premiers gestes de secours sont réali­sés par les Sauve­teurs en Mer, arri­vés rapi­de­ment sur le bateau. Simul­ta­né­ment, des équipes médi­cales sont héli­treuillées par l’hé­li­co­ptère Dauphin de la Marine natio­nale et celui de la section aérienne de la gendar­me­rie de Méri­gnac (Gironde). Dans la cohue, chacun s’or­ga­nise et s’at­telle à la tâche qui lui incombe. Tout le monde finira par être pris en charge. En grande partie grâce au travail des membres du CROSS, invi­sibles sur les lieux de l’exer­cice, mais qui ont coor­donné l’en­semble de la réponse des secours. « On ne voit pas tout ce qui est géré là-bas », souligne le direc­teur de l’opé­ra­tion.

Au bout de trois heures, après avoir gonflé l’im­mense radeau de sauve­tage dans le port de La Pallice et trans­féré l’en­semble des passa­gers à l’in­té­rieur afin d’éva­cuer le navire, le remorquage est avorté. L’exer­cice s’ar­rête. Une trop forte houle s’est invi­tée au cours de cette jour­née enso­leillée, rendant la manœuvre trop périlleuse pour les acteurs. « C’était quand même une super expé­rience », se réjouit un des lycéens. Une mati­née pas comme les autres, qui aura permis à toutes et à tous de s’en­traî­ner à appré­hen­der une situa­tion drama­tique.

Chiffres

  • exer­cices majeurs orga­ni­sés en moyenne chaque année par la préfec­ture mari­time de l’At­lan­tique dans l’un des 10 dépar­te­ments litto­raux de la façade ;
  • 14 méde­cins et secou­ristes mobi­li­sés ;
  • 150 personnes déployées sur le terrain, sans comp­ter le person­nel du CROSS Étel ;
  • 60 élèves du lycée mari­time de La Rochelle pour jouer les victimes. 
Elèves du lycée maritime de La Rochelle jouant les victimes
Quelque soixante élèves du lycée mari­time de La Rochelle ont joué les victimes © Sarah Lacar­rere / Marine Natio­nale / Défense

Article rédigé par Julia Tour­neur, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­tage n°164 (2ème trimestre 2023)