Isa Noah Amwe, sauveteur nigérian, a fait face à l’explosion d’un pétrolier de 300 mètres

Le capi­taine Isa Noah Amwe est inter­venu sur l’une des catas­trophes mari­times les plus drama­tiques de 2022. Ce sauve­teur nigé­rian a parti­cipé aux opéra­tions de secours qui ont suivi l’ex­plo­sion du FPSO Trinity Spirit, le 2 février, dans le golfe de Guinée. Un enga­ge­ment qui lui a valu de rece­voir le prix du public de la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale de sauve­tage mari­time.Cette orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale, dont fait partie la SNSM, œuvre au déve­lop­pe­ment et à l’amé­lio­ra­tion de la recherche et du sauve­tage mari­times dans le monde. Rencontre.

Le capitaine Isa Noah Amwé a reçu le prix du public de la Fédération internationale de sauvetage maritime © D.R.

Quel est votre parcours ? 

Isa Noah Amwe : Je suis né dans l’état de Kaduna, au Nige­ria [NDLR : situé au centre du pays, à envi­ron 600 kilo­mètres de la mer]. J’ai grandi dans une famille de neuf enfants et j’ai aujour­d’hui 35 ans. J’ai eu très tôt une voca­tion pour le sauve­tage, en regar­dant le film Tita­nic. Puis j’ai commencé ma carrière dans la marine marchande avant de rejoindre le Centre régio­nal de coor­di­na­tion des secours mari­times de Lagos, il y a un peu plus de cinq ans. Je m’oc­cupe de la coor­di­na­tion des secours lors des inter­ven­tions, du respect des règles de sécu­rité en mer et aussi de la forma­tion des secou­ristes. 

 

Vous avez parti­cipé aux secours après l’ex­plo­sion du FPSO Trinity Spirit, le 2 février 2022. Pouvez-vous décrire cet acci­dent ? 

INA : L’ex­plo­sion du FPSO Trinity Spirit a été un événe­ment critique, l’un des plus graves acci­dents mari­times dans l’his­toire du Nige­ria. Un navire de plus de 300 mètres a explosé, avec des millions de litres de carbu­rant à son bord. [NDLR : cet ancien pétro­lier recon­verti en unité pétro­lière offshore pouvait stocker 2 millions de barils d’hy­dro­car­bure. Selon le minis­tère de l’En­vi­ron­ne­ment nigé­rian, seule­ment 50 000 à 60 000 barils de pétrole brut se trou­vaient à bord au moment du drame.] Cette catas­trophe, qui a fait de nombreux morts [NDLR : sur les dix membres de l’équi­page, seuls trois ont été retrou­vés vivants], a vrai­ment marqué la popu­la­tion. 

« Les flammes et la chaleur étaient extrêmement impressionnantes, il y avait du pétrole partout. »

Comment s’est dérou­lée l’in­ter­ven­tion ? 

INA : J’étais dans le golfe de Guinée lorsque j’ai appris la nouvelle. Je me suis rendu sur place pour embarquer sur un bateau de secours. D’autres embar­ca­tions se sont rapi­de­ment mobi­li­sées pour essayer de récu­pé­rer d’éven­tuels survi­vants et d’éteindre l’in­cen­die. Les flammes et la chaleur étaient extrê­me­ment impres­sion­nantes, il y avait du pétrole partout. Les gens crai­gnaient d’ap­pro­cher, c’était très diffi­cile d’in­ter­ve­nir. Il y avait des personnes dans l’eau, certaines conscientes, d’autres incons­cientes. Nous avons distri­bué des gilets de sauve­tage et aidé ceux qui le pouvaient à monter sur notre bateau. Cela a été une inter­ven­tion diffi­cile, très éprou­vante. 

Quels ensei­gne­ments en tirez-vous ? Qu’est-ce que cela va chan­ger ? 

INA : Au cours de cette mission, nous nous sommes rendu compte que vous n’avions pas forcé­ment les instal­la­tions adéquates pour faire face à de telles situa­tions. Et, de façon géné­rale, nous manquons d’équi­pe­ments, d’in­ves­tis­se­ments, d’en­traî­ne­ment… C’est pour cela que je suis engagé dans un réseau de sauve­teurs béné­voles, un peu sur le modèle de ce que vous faites en France, pour que les jeunes qui ne sont pas profes­sion­nels puissent quand même avoir les moyens d’ai­der là où ils vivent. J’ai­me­rais d’ailleurs beau­coup pouvoir échan­ger avec la SNSM et profi­ter de votre savoir pour déve­lop­per cette struc­ture. 

Propos recueillis par Nico­las Sivan et publiés dans le maga­­zine Sauve­­tage n°163 (1er trimestre 2023)