Explosifs de guerre : la traque des plongeurs-démineurs dans les eaux françaises

L’équi­valent de 20 à 30 tonnes de TNT est détruit par des plon­geurs-démi­neurs de la Marine natio­nale chaque année dans les eaux françaises. Mais y a-t-il un réel danger pour les plai­san­ciers et les marins ? 

Avant de faire exploser une mine, la Marine nationale diffuse un avis urgent sur le canal 16 de la VHF. © Marine nationale

La SNS 249 Contre-Amiral Stephan flotte au large de Plou­guer­neau. Au loin, jaillit soudain une immense gerbe d’eau. Des plon­geurs-démi­neurs de la Marine natio­nale viennent de faire explo­ser une mine alle­mande datant de la Seconde Guerre mondiale. Au total, du 9 au 11 octobre 2023, près de 750 kilos d’ex­plo­sifs ont été contre-minés dans le secteur. Aucun navire ne devrait norma­le­ment se trou­ver dans les parages, puisque des avis urgents aux navi­ga­teurs ont été diffu­sés sur le canal 16. Les béné­voles de la station de Plou­guer­neau ont tout de même été solli­ci­tés pour établir un péri­mètre de sécu­rité autour des sites d’ex­plo­sion. Ces inter­ven­tions sont assez fréquentes. En 2022, 1 007 rési­dus de guerres ont par exemple été neutra­li­sés par les plon­geurs-démi­neurs de la Manche et de la Mer du Nord

Pour détec­ter ces objets suspects, les chas­seurs de mines se servent d’un sonar, qui utilise des ondes sonores. « On travaille par compa­rai­son, en allant voir les nouveaux échos qui ne sont pas dans la base de données », détaille le capi­taine de corvette Alexis Chalier, comman­dant du chas­seur de mines Céphée, basé à Brest.

Un « pois­son auto­pro­pulsé » pour explo­rer les mines

Les mili­taires disposent, en effet, d’une base de données des fonds marins, qu’ils mettent régu­liè­re­ment à jour. Des vestiges histo­riques deviennent parfois visibles à la suite de tempêtes, ou lorsqu’un courant cause le dépla­ce­ment d’un banc de sable. Les fonds marins sont très souvent en mouve­ment et peuvent libé­rer des objets à risques. 

Si l’objet est défini comme suspect, il faut alors déter­mi­ner ce dont il s’agit. Une iden­ti­fi­ca­tion est effec­tuée, soit « par des plon­geurs-démi­neurs, soit par un petit sous-marin filo­guidé, le « pois­son auto­pro­pulsé » – ou PAP –, qui dispose d’une petite caméra », ajoute Alexis Chalier. Le choix de la méthode dépend des condi­tions météo­ro­lo­giques et de la situa­tion géogra­phique de l’objet.

Poisson autopropulsé
Le pois­son auto-propulsé permet aux démi­neurs d’ex­plo­rer les objets situés en profon­deur. © Marine natio­nale

Dans le cas où l’objet est à moins de 80 mètres de profon­deur, les plon­geurs-démi­neurs peuvent, avec leur équi­pe­ment spéci­fique amagné­tique, atteindre la cible. Le PAP peut, lui, descendre à 120 mètres de profon­deur pour appor­ter un soutien tech­nique à l’équipe.

« S’il n’y a aucune visibilité, à cause de particules ou de la qualité de l’eau, on privilégiera d’envoyer des plongeurs pour qu’au toucher, ils puissent se rendre compte de l’objet et faire l’identification. »
Alexis Chalier
Capitaine de corvette commandant du "Céphée"

« Après iden­ti­fi­ca­tion, si c’est un engin explo­sif, on le détruit pour assu­rer la sécu­rité nautique », pour­suit-il. L’enjeu est de détruire la charge dange­reuse avant que celle-ci se déclenche seule. Si possible, l’objet est déplacé. « Précau­tion­neu­se­ment, sur un des points de pétar­de­ment », complète le capi­taine de corvette. Ces zones sont défi­nies en amont par la Marine natio­nale pour limi­ter l’im­pact des contre-minages sur l’en­vi­ron­ne­ment. Des mesures d’ef­fa­rou­che­ment sont aussi mises en place afin d’éloi­gner la faune marine lors de l’ex­plo­sion. 

Ces méthodes pour­raient être amenées à évoluer : la Marine natio­nale expé­ri­mente actuel­le­ment des drones pour trai­ter les débris dange­reux à distance.

Comment réagir si vous trouvez un engin explosif ?

En mer, si vous tombez sur un objet douteux, partez du prin­cipe qu’il est dange­reux. Vous ne pour­rez a priori pas déter­mi­ner d’où il provient, s’il est fragile ou non, ni le niveau de risque qu’il implique. « Évitez de mani­pu­ler l’objet suspect, préve­nez le CROSS », insiste Alexis Chalier, comman­dant du chas­seur de mines Céphée. Le CROSS aver­tira ensuite la préfec­ture mari­time, qui ordon­nera à une unité d’in­ter­ve­nir si la menace est confir­mée.

Dans le cas d’un objet poten­tiel­le­ment dange­reux, « si possible, il faut noter la posi­tion GPS et prendre l’objet en photo, avec, à côté, un objet de réfé­rence pour avoir l’échelle en tête », souligne Alexis Chalier. Cela aidera les plon­geurs-démi­neurs dans leur travail.

Les nageurs sauveteurs formés en cas de découverte d’un engin explosif 

Dans certaines zones, il arrive que des mines soient décou­vertes dans le sable, où les marées les amènent sur les plages. Si une telle situa­tion se présente sur les lieux de baignade qu’ils surveillent, les nageurs sauve­teurs sont formés pour assu­rer la sécu­rité des plai­san­ciers. « En début de saison, nous rappe­lons à nos nageurs sauve­teurs la conduite à tenir, explique Laurent Botho­rel, direc­teur du centre de forma­tion et d’in­ter­ven­tion (CFI) de Lorient. Nous sommes assez sensi­bi­li­sés à ces enjeux parce que nous avons conscience que notre région a été un poste de résis­tance durant la Seconde Guerre mondiale.  » La forma­tion surveillance et sauve­tage aqua­tique (SSA) – l’un des diplômes néces­saires pour deve­nir nageur sauve­teur à la SNSM – inclut, notam­ment, un module sur ces situa­tions. « Il faut créer un péri­mètre de sécu­rité de mini­mum 100 mètres et, par la suite, préve­nir les auto­ri­tés », indique Laurent Botho­rel.

Une mine sur une plage
Une mine sur une plage © Marine Natio­nale

Article rédigé par Clarisse Oudit-Dalençon, publié dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­­­tage n°167 (1e trimestre 2024)