La sécurité des Sauveteurs en Mer, une priorité pour la SNSM

La sécu­rité des sauve­teurs, on y réflé­chit plus que jamais, à la SNSM. Tous les marins peuvent profi­ter de cette expé­rience pour assu­rer encore davan­tage leur propre sûreté.

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Bateau de sauvetage de la SNSM d'Audierne © Nicolas Regnier

15 septembre 2021. Les plages ne sont plus surveillées à Agde, comme dans bien des communes touris­tiques. La mer est mauvaise. Vent force 6. Vagues de 1,25 à 2,5 mètres. Pour­tant, les baigneurs ne résistent pas à la tenta­tion et les alertes se multi­plient. 14 h 14, le CROSS Médi­ter­ra­née demande à la vedette de la station d’Agde d’al­ler inspec­ter la côte vers Marseillan en longeant le bord à 300 mètres des plages. Un témoin pense avoir vu deux ou trois personnes en diffi­culté. 14 h 37, l’équi­page a rallié le bord. La SNS 211 Terrisse commence son inspec­tion. Elle ne trouve personne : ces témoi­gnages impré­cis sont souvent de fausses alertes. Au bout d’une heure de cet exer­cice, la vedette est surprise et couchée par une défer­lante. Près d’une côte plate, les fonds remontent, faisant briser les vagues. Heureu­se­ment, elle se redresse. 15 h 45, sage­ment, elle n’in­siste pas, demande au CROSS sa liberté de manœuvre et rentre au port. Pas ques­tion de mettre plus long­temps en danger huit sauve­teurs béné­voles pour d’hy­po­thé­tiques victimes. 

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Les nouveaux sauve­teurs béné­voles apprennent à sauver, mais aussi à se proté­ger. © Char­lotte Spill­mae­cker

Vous aussi, sachez renon­cer

« L’art de savoir ne pas y aller » était le titre de notre dossier sur la météo (n° 143 de SAUVE­TAGE, p 16). Ne pas sortir « pour voir » quand le temps est mauvais. On risque de se mettre en danger s’il faut reve­nir au port. Ne pas sortir « quand même » parce qu’il faut rame­ner le bateau. Ne pas partir à la pêche à pied parce que les coef­fi­cients de marée sont élevés alors que le brouillard menace. Et même ne pas se jeter à l’eau pour sauver quelqu’un si l’on ne se sent pas vrai­ment capable de le tirer d’af­faire et de reve­nir.


Cinq jours plus tard, la commis­sion sécu­rité de la SNSM tient sa troi­sième réunion au Pôle de forma­tion de Saint-Nazaire. Cette commis­sion est une nouveauté. Sa première séance a eu lieu en mars. Elle rassemble des patrons expé­ri­men­tés, des prési­dents de station, des inspec­teurs, des forma­teurs. Tous les détails de ce qu’il s’est passé à Agde ne sont pas encore connus, mais, déjà, la prudence du patron est saluée. 

La SNSM s’est toujours souciée de la sécu­rité de ses sauve­teurs. Depuis quelque temps, elle s’en préoc­cupe encore plus. L’époque change : on est moins fata­liste devant les acci­dents. La popu­la­tion des sauve­teurs n’est plus la même : la propor­tion de marins profes­sion­nels dimi­nue d’an­née en année et les nouveaux béné­voles doivent être formés. Ils apprennent à sauver les autres, mais aussi à se proté­ger. Et puis le souve­nir des Sables d’Olonne est toujours là – trois sauve­teurs morts après le chavi­rage de leur canot, le 7 juin 2019 – et les ques­tions qui l’ac­com­pagnent.

Les sauve­teurs peuvent-il refu­ser d’al­ler en mer pour une inter­ven­tion ?

Ce fatal jour de juin, les sept hommes formant l’équi­page du vieux canot tous temps Patron Jack Moris­seau voyaient, depuis l’avant-port des Sables où ils s’étaient prépo­si­tion­nés, que les passes étaient à la limite de l’im­pra­ti­cable. Leurs chances de retrou­ver le petit bateau, dont la balise satel­lite venait de se déclen­cher, et le pêcheur qui était à bord, tout seul, étaient infimes (mer trop grosse empê­chant de voir, loca­li­sa­tion de la balise trop impré­cise). Pour­tant, quand le CROSS – le centre qui reçoit les alertes et gère les sauve­tages – a demandé au canot d’in­ter­ve­nir, personne à bord n’a évoqué la possi­bi­lité de refu­ser. La soli­da­rité entre marins est le fonde­ment du sauve­tage en mer depuis ses origines. Entre pêcheurs, c’est une évidence. Pouvaient-ils, devaient-ils rester au port ? Pour réflé­chir à cette ques­tion fonda­men­tale que d’autres équi­pages devront se poser dans l’ave­nir, un groupe de travail a été mis en place, réunis­sant, comme toujours à la SNSM, des repré­sen­tants des stations qui vivent ces situa­tions quoti­dien­ne­ment.

L’objec­tif est de rédi­ger un docu­ment qui « aide à la déci­sion » du patron qui comman­dera ce jour-là. Il ne s’agit en aucun cas de lui dicter quoi que ce soit, mais simple­ment de parta­ger un rappel des quatre ques­tions à se poser avant de partir (voir icono­gra­phie) : Quelle est la mission (recherche, remorquage, urgence) et est-elle claire ? Quelles sont les condi­tions (météo, jour ou nuit, au large, près des cailloux) ? Quel est l’équi­page ce jour-là (très ou moins expé­ri­menté) ? Quel est le moyen (dimen­sions et âge du navire) ? « Moi, je rappelle régu­liè­re­ment à nos équi­pages que notre canot est vieillis­sant  », indique l’un des parti­ci­pants à la commis­sion sécu­rité. Le simple fait que ces ques­tions soient posées et débat­tues offi­ciel­le­ment libère la réflexion et la parole. 

Se dégage notam­ment l’idée que, même si les sauve­teurs béné­voles sont sous le contrôle de l’au­to­rité de l’État par l’in­ter­mé­diaire des CROSS quand ils sont en opéra­tions, il n’est pas inter­dit de poser des ques­tions et de dialo­guer avec le CROSS quand la mission semble risquée. D’au­tant que le centre de coor­di­na­tion peut mettre en action d’autres moyens (avions, héli­co­ptères, moyens d’autres stations de la SNSM) si, après discus­sion rapide, la première idée ne semble pas la meilleure.

Qui doit prendre la déci­sion finale sur le canot ? Le patron de sortie comman­dant à bord ce jour-là. Tout seul ? « Il peut consul­ter les plus expé­ri­men­tés de l’équi­page, les sages », suggère Bruno Claquin, président de la commis­sion sécu­rité et de la station SNSM de la Baie d’Au­dierne. 

Autour de lui, tout le monde semble d’ac­cord sur la néces­sité, parfois, d’un temps de réflexion et d’échange, mais les craintes expri­mées sont multiples. « Il y en a qui ne voudront pas passer pour des peureux vis-à-vis des plus jeunes de l’équi­page qui, eux, voudront y aller.  » Pire, comment affron­ter les regards en ville s’il y a eu des victimes dont les familles connaissent bien les sauve­teurs ayant estimé ne pas devoir prendre le risque ? Bruno Claquin, ancien pêcheur lui-même, imagine les diffi­cul­tés. « En tout cas, si une telle déci­sion est prise, il faut un soutien incon­di­tion­nel de la station et du siège de la SNSM », souligne-t-il.

De nouveaux bateaux de sauve­tage plus sûrs

Le canot acci­denté aux Sables d’Olonne portait l’ap­pel­la­tion « tous temps », mais il était vieux. Même bien entre­te­nus, au bout de trente ans et plus, ces bateaux fatiguent. Or, la flotte de la SNSM a beau­coup vécu, notam­ment les plus grosses unités. C’est pourquoi l’as­so­cia­tion a lancé un plan massif de renou­vel­le­ment de la flotte. De bons bateaux et de bons équi­pe­ments sont la base de la sécu­rité des sauve­teurs. Pas seule­ment celle des sauve­teurs embarqués, ceux qui partent au large. Les nageurs sauve­teurs, ceux qui surveillent les plages l’été, utilisent de plus en plus de moyens nautiques qui font partie de la nouvelle flotte de la SNSM : grands pneu­ma­tiques semi-rigides, petits pneu­ma­tiques IRB (infla­table rescue boats) et véhi­cules nautiques à moteur ou Jet-Ski® . Voir le dossier dédié à la nouvelle flotte p 16 du n° 144 de Sauve­tage.

Comme beau­coup d’ac­ti­vi­tés indus­trielles en ce moment, ce programme, dont la maîtrise d’œuvre d’en­semble est assu­rée par la société Couach, a subi quelques problèmes d’ap­pro­vi­sion­ne­ment et a dérivé de quelques semaines, ce qui ne l’em­pêche pas de se concré­ti­ser, au bout de 5 années d’études prépa­ra­toires et de déve­lop­pe­ment. Plusieurs navires « têtes de série » sont en phase d’es­sais. Après réglage de tous les détails, les cadences vont augmen­ter très vite : huit NSH1, les plus gros navires hautu­riers de 17,5 m, devraient être comman­dés en un an, remplaçant huit  bateaux, dont la moyenne d’an­cien­neté est de presque 30 ans, dans autant de stations. 

La concep­tion de cette nouvelle flotte, longue­ment discu­tée par les archi­tectes du chan­tier et des repré­sen­tants de la SNSM – asso­ciant la direc­tion de programme à une large sélec­tion de béné­voles, futurs usagers –, a été domi­née par des préoc­cu­pa­tions de sécu­rité, certaines clas­siques, certaines plus nouvelles. 

Comme certains de ses prédé­ces­seurs, un navire de sauve­tage hautu­rier doit pouvoir se redres­ser après chavi­rage complet (voir photo), la cabine servant alors de volume de flot­ta­bi­lité instable qui force le bateau à reve­nir à l’en­droit. (C’est ce qui ne fonc­tion­nait plus, lorsque l’eau est rentrée, après le bris des vitrages pour le canot des Sables d’Olonne quand il a chaviré). Les grands semi-rigides peuvent aussi se redres­ser grâce à un système de ballons gonflables sur un portique. Les canots sont insub­mer­sibles, grâce à des cloi­sons étanches. « Même avec deux compar­ti­ments enva­his, le pont reste hors de l’eau  », souligne Fréde­ric Neuman, l’ar­chi­tecte des navires.

Gérard Rivoal, le respon­sable de ce programme à la SNSM, et tous les béné­voles asso­ciés aux études, ont beau­coup réflé­chi à l’adap­ta­tion des bateaux aux usages en fonc­tion des retours des utili­sa­teurs. L’amé­lio­ra­tion de la sécu­rité a changé la silhouette des bateaux.

Si l’on regarde une photo de profil du premier NSH1 avec sa nouvelle « livrée Starck », on remarque que la timo­ne­rie (la cabine) est la plus avan­cée possible. On a voulu déga­ger la plage arrière où se concen­tre­ront les manœuvres (remorquage, recueil de naufra­gés, héli­treuillage), un peu plus à l’abri des vagues et du vent quand le canot se met face à la mer. D’autre part, cet arrière est plus bas, donc plus proche de l’eau que sur les géné­ra­tions de canots précé­dentes. Il est prolongé par une « écope », sorte de grille rele­vable qui descend au ras de l’eau. Tout ceci est destiné à faci­li­ter la mise à l’eau des nageurs de bord et la remon­tée des victimes à l’ho­ri­zon­tal, notam­ment si elles sont dans une civière flot­tante, sans que les membres de l’équi­page qui restent à bord aient à décro­cher leur longe de sécu­rité.

L’ar­chi­tecte souligne aussi que la hauteur de l’étrave au-dessus de l’eau, la largeur du bateau à l’avant et le fait que la timo­ne­rie soit suréle­vée par rapport au pont devraient beau­coup limi­ter les chocs directs de paquets de mer sur la timo­ne­rie (équi­pée de vitrages perfor­mants dont certains atteignent 15,5 mm d’épais­seur collés sur la struc­ture).

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Fin octobre, le Chan­tier Naval Couach a procédé à la mise à l’eau du premier NSH1 (navire de sauve­tage hautu­rier de type 1) de la nouvelle flotte des Sauve­teurs en Mer, dont l’iden­tité visuelle est signée Philippe Starck. © Couach CNC Archi­tectes Barreau-Neuman Iden­tité visuelle Philippe Starck – SNSM

L’or­ga­ni­sa­tion des nouveaux bateaux traduit aussi les nouvelles recom­man­da­tions portant sur les pratiques de sauve­tage les plus sûres, qui sont suggé­rées mais pas impo­sées aux stations. L’uti­li­sa­tion de la petite annexe du navire n’est plus encou­ra­gée en opéra­tion de sauve­tage car jugée trop dange­reuse (grand sujet de débat avec certains utili­sa­teurs) : soit le canot peut s’ap­pro­cher du bateau en danger pour débarquer des sauve­teurs ou embarquer des naufra­gés, grâce à ses impres­sion­nantes « bour­lingues » en caou­tchouc noir qui cein­turent la coque et protègent des chocs ; soit des nageurs en tenue adap­tée sont mis à l’eau (pour tenter d’ap­pro­cher un bateau dans des petits fonds ou sur des cailloux) ; soit la station dispose d’un autre moyen, un pneu­ma­tique semi-rigide, avec son propre équi­page, très manœu­vrant, avec peu de tirant d’eau, pour assis­ter le sauve­tage – passer une remorque, par exemple –, ce qui est de plus en plus le cas pour les stations les plus impor­tantes. 

Test de retournement NSH1 - © COUACH CNC - Architectes Barreau-Neumann - Identité visuelle Philippe Starck - SNSM
Le test de retour­ne­ment du NSH1 a été réalisé fin août. © Couach CNC Archi­tectes Barreau-Neuman Iden­tité visuelle Philippe Starck – SNSM

Au-delà de la concep­tion, la construc­tion et son contrôle parti­cipent évidem­ment à la sécu­rité des équi­pages. Tous les détails de construc­tion ont été étudiés minu­tieu­se­ment au chan­tier Couach, où on a l’im­pres­sion qu’au­tant de monde se trouve au bureau d’études devant des écrans d’or­di­na­teurs que dans les ateliers de produc­tion. Chaque pièce de tissu renforçant la coque arrive au chan­tier prédé­cou­pée et tombe exac­te­ment à sa place. On croise une personne portant une tenue de travail d’une couleur diffé­rente ? C’est un repré­sen­tant du Bureau Veri­tas, orga­nisme de contrôle exté­rieur au chan­tier qui vient véri­fier la qualité non pas après la produc­tion mais pendant, les navires étant clas­sés. Là où vis et boulons néces­si­taient des trous et des joints qui pouvaient mal vieillir, les colles modernes sont reines pour tout assem­bler. Un rayon­nage entier est plein de tronçons des « bour­lingues » déjà évoquées, dont on a étudié l’adhé­rence à la coque selon la manière dont la colle est étalée. À chaque visite de chan­tier, les repré­sen­tants de la station de Noir­mou­tier, qui rece­vra le premier NSH1, sont impres­sion­nés par cette recherche perma­nente de qualité.

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Pose de tissus prédé­cou­pés sur la coque du NSH1. © SNSM

Des équi­pe­ments à la hauteur

Les sauve­teurs sortent béné­vo­le­ment 365 jours par an, 24 heures sur 24. C’est bien la moindre des choses, qu’ils béné­fi­cient d’équi­pe­ments qui les protègent et soient confor­tables. La direc­tion des achats, sous la respon­sa­bi­lité de Benja­min Serfati, s’est progres­si­ve­ment trans­for­mée en un vrai bureau d’études interne. Chaque nouvel équi­pe­ment est conçu sur la base des critiques de l’exis­tant, de tout ce qui est dispo­nible sur le marché et de multiples tests en situa­tion réelle dans les stations. Voir dossier dans Sauve­tage n° 151, p 17.

Le souci du confort est égale­ment une prio­rité. Un équi­pe­ment de sécu­rité effi­cace est un équi­pe­ment porté. Les sauve­teurs ont long­temps boudé une géné­ra­tion de gilets gonflables très effi­caces, mais très incon­for­tables. Toute leur pano­plie a été chan­gée ou est en cours de chan­ge­ment : panta­lons, vestes de quart, bottes, gilets, longes (auxquels il faut ajou­ter casques, gants et sous-vête­ments chauds divers). Des semelles et renforts des bottes aux dispo­si­tifs lumi­neux sur les vestes et gilets la nuit, le souci de sécu­rité est partout.

Il manquait encore un petit objet de sécu­rité précieux, dont la place est prévue sur les gilets : une balise indi­vi­duelle de loca­li­sa­tion. Les sauve­teurs ne s’étaient pas encore auto­risé ce « luxe », qui n’en est pas un. Norma­le­ment, on ne tombe pas d’un bateau de sauve­tage. Norma­le­ment, si l’on tombe, on est tout de suite repê­ché. Mais les marins savent bien que l’im­prévu arrive. Grâce au soutien de Tota­lE­ner­gies, grand parte­naire de la SNSM, la géné­ra­li­sa­tion des balises indi­vi­duelles est en cours. 

La SNSM s’in­té­res­sait au sujet depuis plusieurs années. « Nous n’étions pas entiè­re­ment convain­cus par les systèmes déve­lop­pés en exclu­si­vité par une entre­prise suscep­tible de dispa­raître  », explique le direc­teur des achats. C’est pourquoi la SNSM a opté pour le système désor­mais le plus répandu : la balise AIS (système d’iden­ti­fi­ca­tion auto­ma­tique). De plus en plus de bateaux, notam­ment profes­sion­nels, et les canots de sauve­tage sont équi­pés d’émet­teurs et récep­teurs qui permettent de repé­rer les autres et d’être repé­rés faci­le­ment sur un écran, donnant rapi­de­ment direc­tion, distance, cap, tout ceci grâce aux ondes radio VHF du système AIS. Si une balise indi­vi­duelle est déclen­chée par le gonflage du gilet de sauve­tage d’un équi­pier tombé à la mer, le signal MOB (man over board) s’af­fiche immé­dia­te­ment sur l’écran du bord. Précau­tion supplé­men­taire, la SNSM a opté pour le système AIS plus ASN (appel sélec­tif numé­rique), en voie de géné­ra­li­sa­tion. Si, au bout de douze minutes, l’homme à la mer n’a pas été récu­péré par son bateau, l’alerte est diffu­sée à toutes les radios VHF ASN en veille à proxi­mité. De plus, il s’agit de la version profes­sion­nelle AIS ASN de classe M. L’en­semble doit être plus résis­tant et compor­ter aussi une fonc­tion de retour, qui permet de rassu­rer l’homme à la mer en l’in­for­mant que l’alerte a été reçue. Dernière contrainte, et pas des moindres : la SNSM souhai­tait que la balise soit la plus discrète possible. Elle aura un encom­bre­ment de 115 mm sur 40 d’épais­seur et 22 de large (voir photo) et pèsera 95 grammes ! Un record obtenu par à la société française Syrlinks (balises Simy), qui minia­tu­rise ces équi­pe­ments grâce à son expé­rience dans le domaine spatial.

Une balise dans une main
© Syrlinks

Vous aussi, profi­tez des équi­pe­ments de sécu­rité SNSM

La balise de loca­li­sa­tion conçue pour les sauve­teurs devrait être acces­sible bien­tôt à tous les marins, malgré un léger retard causé par les pénu­ries de compo­sants, communes à beau­coup d’in­dus­tries. Si vous êtes pressé de vous équi­per, plusieurs balises AIS existent déjà sur le marché. La nouvelle longe de sécu­rité, mise au point après une rupture acci­den­telle sur la géné­ra­tion précé­dente, est déjà acces­sible (marque Plas­timo). Nouvelle étape, le service d’achats et d’études de la SNSM apporte son exper­tise à la marque Tribord (Decath­lon) pour la mise au point d’équi­pe­ments de sécu­rité dans la pratique d’ac­ti­vi­tés nautiques. Première produc­tion : un gilet gonflable testé et retesté en tenue de mer (et pas en maillot de bain) pour qu’il soit bien capable de retour­ner, visage hors de l’eau, une personne tombée incons­ciente à l’eau. Et, bien sûr, le brace­let étanche DIAL est toujours dispo­nible à la boutique de la SNSM pour sécu­ri­ser tous les pratiquants de sports nautiques proches de la côte : www.labou­tique.snsm.org / rubrique Navi­ga­tion.


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Gilet de sauve­tage et DIAL © Tribord et SNSM

La sécu­rité, c’est une routine

Les bons bateaux et les bons équi­pe­ments ne suffisent pas. Il faut qu’ils soient bien utili­sés, que des routines sécu­rité s’ins­tallent. 
Désor­mais, à la SNSM, aucun nouveau navire ne doit arri­ver dans une station sans que l’équi­page béné­fi­cie d’une forma­tion « prise en main », très axée sur la sécu­rité du maté­riel et des hommes. La première étape de cette forma­tion est conçue par le chan­tier Couach et fait partie inté­grante de ses pres­ta­tions. Elle utilise à fond les possi­bi­li­tés du e-lear­ning (forma­tion en ligne). L’autre est la prise en main opéra­tion­nelle, très concrète, en présen­tiel, sous la respon­sa­bi­lité de Thomas Colin, qui veille par ailleurs, avec son équipe, sur la flotte que le Pôle natio­nal de forma­tion se fait un devoir de toujours présen­ter dans un état exem­plaire aux béné­voles venant suivre une forma­tion. Dès leur première sortie d’en­traî­ne­ment avec leur nouveau canot, il faut que les équi­pages adaptent leurs pratiques et connaissent leur navire sur le bout des doigts pour être rapi­de­ment opéra­tion­nels. Qu’ils sachent ce qui a changé de place, ce qui fonc­tionne diffé­rem­ment, connaissent les alarmes qui peuvent se déclen­cher, etc. Il leur restera toujours assez d’im­pré­vus à décou­vrir par eux-mêmes.

La bonne utili­sa­tion du bateau et des équi­pe­ments suppose aussi le respect d’une liste de précau­tions que l’on se répète à chaque fois. La routine sécu­rité. Pour aider patrons et équi­piers à n’en oublier aucune, Thomas a rédigé, avec un groupe de béné­voles, une série de fiches de recom­man­da­tions opéra­tion­nelles, qui seront à la dispo­si­tion de tout le monde. Quelques points en cas d’hé­li­treuillage, par exemple : de nuit, il faut éclai­rer la zone de treuillage sur le pont mais ne jamais éclai­rer l’hé­li­co­ptère pour ne pas aveu­gler le pilote, égale­ment amar­rer tout ce qui pour­rait s’en­vo­ler, ne pas lais­ser plus de deux équi­piers sur le pont, ne pas toucher le plon­geur qui descend de l’hé­li­co­ptère avant que la tresse de masse soit entrée en contact avec le bateau (pour éviter les risques élec­triques créés par l’élec­tri­cité statique accu­mu­lée pendant le vol), ne rien amar­rer au bateau (l’hé­li­co­ptère doit conser­ver toute sa liberté de manœuvre).

Chacune de ces fiches commence par un rappel des équi­pe­ments à porter systé­ma­tique­ment : EPI (équi­pe­ment de protec­tion indi­vi­duelle), VFI (vête­ment à flot­ta­bi­lité inté­grée ou vête­ment de flot­tai­son indi­vi­duel), autre­ment dit gilet gonflable sur le canot, plus les gants et le casque. Pourquoi un rappel systé­ma­tique ? Parce que, même chez les sauve­teurs, il faut y reve­nir et parfois insis­ter lour­de­ment. Bruno Claquin, comme beau­coup de prési­dents, tient à ce que les gilets soient portés bien visibles dès le départ du canot et jusqu’à son retour à terre. La tendance natu­relle de certains sauve­teurs, comme de nous tous, est de ne les enfi­ler qu’à la sortie du port et de commen­cer à les enle­ver en entrant au port. L’ex­pé­rience montre que beau­coup d’ac­ci­dents d’an­nexes se produisent, déjà évoqués, ainsi qu’entre le bord et le quai, notam­ment chez les pêcheurs. Enfin, surtout les sauve­teurs doivent donner l’exemple à tous les autres ! Il faut donc porter le gilet même lorsqu’il a l’air inutile.

Non seule­ment les équi­pe­ments doivent être portés, mais ils doivent aussi être adap­tés à la situa­tion. Didier Moreau, direc­teur de la forma­tion, insiste beau­coup sur ce point. Main­te­nant que les stations disposent de plus en plus souvent d’un semi-rigide en plus de leur autre navire, il ne faut pas que les équi­piers y embarquent avec la même tenue. Pour la navi­ga­tion sur les semi-rigides, les équi­piers doivent dispo­ser d’une combi­nai­son sèche qui devient combi­nai­son de survie dans l’eau, et d’un gilet en mousse parti­cu­lier qui les protège des chocs et complète leur flot­ta­bi­lité s’ils sont à l’eau, mais pas trop ! En effet, les puis­sants gilets gonflables dont disposent les équi­piers sur les canots pour­raient les coin­cer sous le bateau en cas de retour­ne­ment du pneu­ma­tique. 
Une étude est par ailleurs en cours pour propo­ser un gilet parti­cu­lier (bien iden­ti­fié par une couleur et des inscrip­tions diffé­rentes) pour ceux qui restent presque tout le temps à l’in­té­rieur de la timo­ne­rie, barreur et radio navi­ga­teur notam­ment. Il serait à déclen­che­ment manuel pour qu’ils ne puissent pas être gênés par un gilet gonflé auto­ma­tique­ment alors qu’ils devraient sortir en urgence de l’in­té­rieur du bateau. 

La sécu­rité, c’est une culture

On l’aura compris dès le début de ce dossier, l’at­ten­tion perma­nente à la sécu­rité des sauve­teurs prévaut au sein de toute l’or­ga­ni­sa­tion. Cette prio­rité commune à tous – direc­tions, mais aussi prési­dents ou direc­teurs, patrons et équi­piers – est fondée sur l’an­ti­ci­pa­tion mais aussi sur les RETEX, autre­ment dit les retours d’ex­pé­rience à la suite d’ac­ci­dents ou de presque acci­dents, qui font qu’un sauve­tage s’est mal terminé pour le maté­riel, des sauve­teurs (bles­sures ou pire) ou des personnes secou­rues. L’un des quatre inspec­teurs géné­raux, Sylvain Moynault, y consacre une partie de son temps, ainsi que Yann Stéphan, adjoint aux inspec­teurs. Ils sont alimen­tés spon­ta­né­ment par la boîte e-mail réser­vée aux RETEX, ou bien vont solli­ci­ter les expli­ca­tions eux-mêmes, rappe­lant le message de base indis­pen­sable pour que l’in­for­ma­tion circule : on ne cherche pas des coupables ni à juger, on cherche à faire profi­ter tout le monde d’une expé­rience.

L’évé­ne­ment est décor­tiqué, discuté, y compris en commis­sion de sécu­rité, et il donne lieu à une série de recom­man­da­tions pratiques. Exemple : une vedette heurte une balise en partant pour une inter­ven­tion urgente de nuit. C’est l’oc­ca­sion d’ana­ly­ser cette période d’entre-deux où l’on est encore en train de s’équi­per et de s’or­ga­ni­ser alors que le navire est déjà en route. Pour bien marquer l’im­por­tance que la SNSM accorde à cette nouvelle pratique, l’ins­pec­teur en charge présente, à chaque assem­blée géné­rale annuelle, les RETEX de l’an­née les plus riches d’en­sei­gne­ments et leurs conclu­sions.

De même, Bruno Claquin étant membre du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de l’as­so­cia­tion – comme tous les prési­dents de commis­sion –, il est suscep­tible d’at­ti­rer l’at­ten­tion du président natio­nal et des autres membres du conseil sur toutes les ques­tions soule­vées à la commis­sion de sécu­rité. Celles-ci émergent parfois entre les lignes de l’ordre du jour. C’est l’in­té­rêt des réunions vivantes. Ainsi, à la dernière réunion de la commis­sion, appa­raît soudain, à la faveur d’une inter­ven­tion, la ques­tion de la fatigue, qui peut être cause d’in­sé­cu­rité. La moyenne des opéra­tions n’est pas très longue (2 heures 19 minutes en 2020 pour les plus gros bateaux). Mais certaines peuvent s’éter­ni­ser (longues recherches, long remorquage). Les sauve­teurs sont à la fois des marins comme les autres et des marins à part aux yeux de la régle­men­ta­tion : aucune durée limite de travail ne s’ap­plique à eux. Mais la ques­tion de la sécu­rité des sauve­teurs ne concerne pas unique­ment la SNSM. En effet, les sauve­teurs béné­voles sont très souvent des actifs qui peuvent avoir à reprendre le travail après leurs inter­ven­tions, de jour comme de nuit.

 


Vous aussi, révi­sez vos routines de sécu­rité

Un exemple, l’homme à la mer, qui reste la prin­ci­pale cause d’ac­ci­dents graves. La liste est la même pour vous et pour les sauve­teurs : garder perma­nent le contact visuel, appuyer sur la touche MOB s’il y a un dispo­si­tif à bord et/ou sur l’équi­pier (balise de loca­li­sa­tion), jeter à la mer un élément de repé­rage (lumi­neux, de préfé­rence) et de flot­ta­bi­lité, bouée ou autres. Si la situa­tion se complique (vous ne voyez plus la victime), aler­tez vite le CROSS, par radio de préfé­rence. 

 


Pensez à la « sous-cutale »

Le président de la commis­sion sécu­rité de la SNSM compte bien s’in­té­res­ser à des actions de préven­tion desti­nées à tous les marins, comme il en a déjà orga­nisé avec le Comité natio­nal des pêches mari­times et des élevages marins. Il voudrait notam­ment diffu­ser une petite vidéo montrant ce qu’il se produit en cas de déclen­che­ment d’un gilet gonflable dont on n’a pas atta­ché la « sous-cutale », la petite sangle qui passe entre les jambes. Le gilet se gonfle et monte au niveau de la tête au lieu d’être main­tenu au niveau du buste ! Hélas, cette petite sangle de rien du tout ne semble pas faire partie des équi­pe­ments systé­ma­tique­ment prévus par la régle­men­ta­tion. Elle est donc souvent vendue à part, pour quelques euros ! Ne faites pas une écono­mie de bouts de chan­delle et, surtout, veillez à ce que vos équi­piers l’uti­lisent.

 


Vous aussi, méfiez-vous des annexes

Monter dans une annexe, traver­ser à plusieurs sur une minus­cule embar­ca­tion au ras de l’eau, monter de là sur le bateau… Ces situa­tions dange­reuses causent beau­coup d’ac­ci­dents, notam­ment si l’on est âgé, seul ou trop nombreux et que l’eau est froide. Portez des gilets gonflables autant que possible et gardez à portée de main de quoi vous signa­ler la nuit. Ne surchar­gez pas les annexes. Évitez les sacs à dos. Méfiez-vous des chan­ge­ments de météo et de la nuit. 

 

Article rédigé par Jean-Claude Hazera, diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°158 (3e trimestre 2021)