Reportage : en intervention avec les sauveteurs de Bandol

Les béné­voles de la station balnéaire de Bandol (Var) sont très solli­ci­tés pendant l’été. Récit de l’in­té­rieur, lors du sauve­tage d’un plai­san­cier victime d’une avarie moteur. C’est le type d’in­ter­ven­tion esti­vale le plus fréquent.

Stéphanie
Bruno, le patron de sortie, contacte le CROSS par radio, tandis que Stéphanie règle les appareils de navigation. © Nicolas Sivan

Mardi 8 août, 14 h 07. Les béné­voles de la station de Bandol reçoivent un appel. Une voix synthé­tique les informe : le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Médi­ter­ra­née leur demande d’in­ter­ve­nir au plus vite. Le Rho, un bateau de 6,50 mètres, est victime d’une avarie moteur près de la pointe Faucon­nière, à quelques milles nautiques du port varois.

Pas d’ur­gence vitale, a priori, mais il faut inter­ve­nir rapi­de­ment : un homme est à bord, et, sans moyen de manœu­vrer, son bateau peut percu­ter un rocher ou une autre embar­ca­tion. Cette côte déchi­rée est prisée des vacan­ciers, qui jettent l’ancre dans ses petites criques bordées de pins et se baignent dans leurs eaux turquoise.

« J’ar­rive », écrivent instan­ta­né­ment plusieurs béné­voles sur le groupe What­sApp qu’ils partagent. Quelques minutes plus tard, les premiers rejoignent la station. Les nageurs de bord enfilent leur combi­nai­son Néoprène®, tandis que les autres préparent la vedette SNS 164 Saint Elme II et le semi-rigide SNS 7–009 Timo­thy. Bruno Mouchet, patron de la Saint Elme II, saute de son scoo­ter. Le grand bonhomme aux cheveux poivre et sel est ensei­gnant : en août, il est très souvent dispo­nible pour inter­ve­nir.

Dix-sept minutes après l’alerte, les deux bateaux quittent le port de Bandol et se frayent un chemin dans le chenal entre voiliers et petits yachts. Bruno super­vise l’opé­ra­tion. Il décroche le micro de la radio VHF. Placide, il prévient les opéra­teurs du CROSS du départ des deux embar­ca­tions et en profite pour récu­pé­rer plus d’in­for­ma­tions sur le navire en détresse. « Cela fait vingt-trois ans que je suis sauve­teur, sourit le quinqua­gé­naire. J’ai appris à rester calme et à anti­ci­per. »

Une fois quitté l’abri de la baie, la houle frappe les deux embar­ca­tions sur bâbord. Les bras enrou­lés autour d’une barre pour garder l’équi­libre, le patron regarde droit devant lui en donnant quelques rapides indi­ca­tions à Denis, le barreur. Sur le pont arrière, Stépha­nie et Stéphane, les deux équi­piers, sont silen­cieux. Les moteurs hurlent pour main­te­nir une vitesse de 25 noeuds dans cette mer agitée.

Impos­sible de redé­mar­rer le moteur après une heure de pêche en mer

Arri­vée à la pointe Faucon­nière. Aucune embar­ca­tion en diffi­culté en vue et la radio ne passe pas dans ces calanques encais­sées. « Heureu­se­ment, le portable, si  », s’amuse Stépha­nie. Bruno télé­phone « au requé­rant », comme disent les béné­voles de la SNSM dans leur jargon. L’homme, qui se trouve quelques centaines de mètres en arrière, a vu les embar­ca­tions de la SNSM passer devant lui. Une fois son petit bateau blanc repéré, le léger et maniable SNS 7–009 Timo­thy accoste le Rho, tandis que la vedette reste à distance. Quelques minutes plus tard, Jérôme, 45 ans, monte à bord de la vedette. « Je comprends pas ce qu’il s’est passé », lâche le plai­san­cier en s’as­seyant sur une banquette dans la timo­ne­rie de la SNS 164. « Je me suis baladé en mer toute la mati­née pour pêcher et je n’ai eu aucun problème. Et là, d’un coup, impos­sible de redé­mar­rer !  » Cet habi­tant de La Ciotat a jeté l’ancre et tenté de rani­mer son moteur pendant plus d’une heure, avant de se résoudre à appe­ler les secours. « J’avais déjà vu les bateaux de la SNSM, mais c’est la première fois qu’ils viennent pour moi !  », s’ex­clame-t-il.

Pendant ce temps, les béné­voles ont mis en place une remorque. Un bout de plusieurs dizaines de mètres permet à la vedette de trac­ter le bateau en panne. Domi­nique, un nageur de bord, reste à bord pour le gouver­ner. « Si tu trouves que ça tire trop fort, qu’il y a trop d’à-coups, tu nous préviens tout de suite », lui demande Bruno par radio.

Stéphane et Stéphanie ajustent la remorque
Stéphane et Stépha­nie ajustent la remorque qui relie la vedette au bateau qu’elle tracte.  © Pierre Paoli

Nouvelle alerte en plein remorquage pour les sauve­teurs

Un lent trajet commence : impos­sible de dépas­ser 5 ou 6 nœuds dans cette situa­tion, sous peine de rompre la remorque. Le bateau des sauve­teurs est ballotté par la houle. Les équi­piers regardent au loin pour éviter le mal de mer. « La seule fois où je l’ai eu, c’était en nageant, alors que j’étais fati­gué et que j’avais faim. Je ne savais même pas qu’on pouvait le ressen­tir dans l’eau », s’étonne encore Stéphane.

La radio crépite. Les discus­sions s’ar­rêtent, chacun tend l’oreille. Un bateau pneu­ma­tique situé non loin est en panne de moteur et ses deux passa­gers paniquent. Quelques secondes de réflexion et Bruno décide d’en­voyer le semi-rigide pour leur porter assis­tance.

La vedette conti­nue de trac­ter le Rho. Sur bâbord défilent les hautes falaises blanches surmon­tées de pins verts.

Après une petite heure de mer, le port de Bandol est en vue. Mais, dans cette baie où naviguent de nombreuses embar­ca­tions, les sauve­teurs doivent être parti­cu­liè­re­ment vigi­lants : un grave acci­dent pour­rait se produire si l’une d’entre elles avait la mauvaise idée de passer entre la vedette et le bateau qu’elle remorque. Denis, le barreur, surveille tout ce qui pour­rait arri­ver par l’avant. Les équi­piers, accro­chés au bastin­gage, scrutent l’ho­ri­zon derrière leurs lunettes de soleil pola­ri­sées. « On sait qu’à tout moment, il peut se passer quelque chose », souligne Stéphane.

Les sauveteur prennent un couple sur leur bateau de auvetage
Les sauve­teurs prennent à couple le bateau en panne pour l’ame­ner à son empla­ce­ment au port. © Nico­las Sivan

Le convoi rejoint fina­le­ment le port sans encombre. Le SNS 7–009 est de retour, les plai­san­ciers en détresse ont été remorqués par un autre bateau. Le semi-rigide se met à couple avec le Rho et l’amène en douceur jusqu’à son empla­ce­ment. Jérôme, son proprié­taire, adresse un salut à tous les sauve­teurs avant de monter dans un bateau de la capi­tai­ne­rie. Les béné­voles remettent leurs bateaux à quai, puis s’em­pressent d’ins­tal­ler des pare-soleil sur toutes les vitres. Le port de Bandol cuit sous le soleil. Un coup de jet d’eau, qui séchera vite, nettoie les embar­ca­tions, déjà prêtes pour la prochaine inter­ven­tion. Elle aura lieu moins de vingt-quatre heures plus tard.

Équipages engagés

Vedette de première classe
SNS 164 Saint Elme II

Patron : Bruno Mouchet

Barreur : Denis Rossi

Équi­piers : Stéphane D’Orio, Stépha­nie Hervé, Pierre Paoli

Semi-rigide
SNS 7-009 Timothy

Patron : Jean-Sébas­tien Richer

Nageurs de bord : Karl Arde­neus, Domi­nique Hervé

Article rédigé par Nico­las Sivan, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­tage n°165 (3e trimestre 2023)