Safir Ennassiri, marin pêcheur, pris dans le dramatique incendie d'un fileyeur

Safir a failli rester pris au piège dans l’in­cen­die de son bateau de pêche en 2016. Récit.

Bateau de pêche "Samatheo" naviguant dans un port
Safir Ennassiri se trouvait à bord du « Samathéo », un fileyeur, lorsqu'un incendie s'est déclenché. Un membre de l'équipage est décédé lors du naufrage. © Philippe Variot

Presque sept ans après, il arrive enfin à en parler. « Avant, je n’au­rais pas pu », avoue Safir Ennas­siri. Il a dû faire « un gros boulot  » sur lui-même, aidé notam­ment par Mikel Epalza, aumô­nier des marins à Saint-Jean-de-Luz, pour surmon­ter cette peur «  immense ».

Fin juillet 2016. Ce soir-là, dans sa couchette du fileyeur Sama­theo, au large de la côte landaise, le jeune homme dort, comme trois autres membres de l’équi­page, avant le premier coup de filet. Il ne réagit pas tout de suite quand le mate­lot de quart vient cher­cher le patron à cause d’un déga­ge­ment de fumée venant de la cale moteur. Lorsque Safir voit ce qu’il se passe, la situa­tion est déjà hors de contrôle. Il fait chaud. La trappe d’aé­ra­tion ouverte au-dessus du pont arrière couvert où les marins traitent le pois­son fait appel d’air. Le radeau de survie, stocké sur le toit comme s’il ne devait jamais servir, est déjà inuti­li­sable. Les filets alimentent le feu. «  C’est allé très, très vite », se souvient Safir. Il se réfu­gie à l’avant du bateau. Mena­cés par les flammes et la fumée, les quatre hommes d’équi­page n’ont d’autre choix que de sauter à l’eau, sans rien. Même pas les gilets de sauve­tage, inac­ces­sibles.

Trois d’entre eux sont suffi­sam­ment bons nageurs et assez résis­tants à l’hy­po­ther­mie. Le quatrième ne savait, semble-t-il, pas bien nager et était tota­le­ment paniqué. Au point que les autres ne sont pas parve­nus à l’ai­der sans se mettre en danger. « C’était épou­van­table », lâche le jeune marin.

Les naufra­gés n’osent pas s’agrip­per au bulbe avant du bateau, qui n’a pas encore coulé, de peur d’une explo­sion. Ils tentent de créer un peu de flot­ta­bi­lité avec des bottes retour­nées, enfer­mant de l’air. Ils demeurent ainsi « entre quarante-cinq minutes et une heure dans l’eau », selon le Bureau d’enquêtes sur les événe­ments de mer (BEAmer). Une éter­nité.

Quand l’hé­li­co­ptère de la gendar­me­rie récu­père deux d’entre eux, le patron reste à l’eau en atten­dant la vedette des douanes en soute­nant le corps de son marin sans vie, pour au moins rame­ner la dépouille à la famille. Depuis ce drame, Safir sait toujours où se trouvent son couteau, son vête­ment à flot­ta­bi­lité inté­grée (VFI) et la VHF portable. Celui qui était stagiaire navi­guant avec une déro­ga­tion lors de l’ac­ci­dent – il n’avait donc pas obtenu de certi­fi­cat d’ini­tia­tion nautique – milite pour que les marins soient formés avant de prendre la mer. Et il est convaincu qu’à la pêche, il faut stocker le radeau de survie sur le pont avant. Mais il a toujours un regret : « On était telle­ment paniqués que l’on n’a pas jeté à l’eau des objets qui auraient pu flot­ter et nous aider à tenir. »

Article rédigé par Jean-Claude Hazera, diffusé dans le maga­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­tage n°164 (2ème trimestre 2023)