De l’autre côté du canal 16

Nico­las Renaud, Inspec­teur géné­ral pour la Médi­ter­ra­née à la SNSM.

Nicolas Renaud
Nicolas Renaud, Inspecteur général pour la Méditerranée © D. R.

Offi­cier de perma­nence, puis direc­teur d’éta­blis­se­ment au sein des centres régio­naux opéra­tion­nels de surveillance et de sauve­tage (CROSS), j’ai coor­donné en vingt-cinq ans quelques milliers d’opé­ra­tions en mer. Une fois l’alerte reçue, il fallait déter­mi­ner les moyens les plus adap­tés pour accom­plir la mission : Marine natio­nale, douanes, Affaires mari­ti­mes… et SNSM.

La SNSM occu­pait une place à part. D’abord parce que c’est à elle que nous faisions appel le plus souvent. Ensuite car, contrai­re­ment aux autres inter­ve­nants, les Sauve­teurs en Mer sont des béné­voles qui donnent de leur temps libre par soli­da­rité et dont l’ac­tion est en majo­rité finan­cée par la géné­ro­sité du public.

J’ai toujours trouvé extra­or­di­naire ces personnes capables, jour et nuit, de lais­ser famille et amis dans la minute pour se porter au secours d’in­con­nus. De l’autre côté du canal 16, suspendu à la radio VHF, j’ai vécu de grands moments de joie lorsqu’elles parve­naient à secou­rir des marins en péril. Des moments de peine aussi. J’étais le direc­teur du CROSS Étel lors du terrible acci­dent des Sables-d’Olonne en 2019, où trois sauve­teurs ont perdu la vie. Ce drame qui m’a marqué à jamais démontre, s’il en était besoin, l’en­ga­ge­ment total des Sauve­teurs en Mer.

Il y a quelques mois, j’ai eu l’oc­ca­sion de passer de l’autre côté de la radio. J’ai rejoint la SNSM en tant qu’ins­pec­teur pour la Médi­ter­ra­née. Mon rôle est de super­vi­ser et coor­don­ner l’ac­ti­vité de quarante-sept stations béné­voles, dotées d’un total de soixante-seize navires de sauve­tage, en un dispo­si­tif opéra­tion­nel cohé­rent.

Une chose m’a tout de suite sauté aux yeux : au sein de l’as­so­cia­tion, les inter­ven­tions en mer, que je coor­don­nais depuis les CROSS, ne sont que la partie émer­gée de l’ice­berg. J’ai été très impres­sionné par le travail fourni pour former les sauve­teurs, construire et entre­te­nir les moyens et les équi­pe­ments, récol­ter des fonds, admi­nis­trer et orga­ni­ser la vie de cette asso­cia­tion de 9 000 béné­voles.

Au sein de l’association, les interventions en mer, que je coordonnais depuis les CROSS, ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

De l’autre côté du canal 16, on a parfois du mal à appré­hen­der les véri­tables risques pris par les sauve­teurs. Depuis mon arri­vée à la SNSM, j’ai réalisé qu’il n’y a pas d’in­ter­ven­tion sans risques, aussi banale qu’elle puisse paraître de prime abord. La forma­tion, l’en­traî­ne­ment, l’hu­mi­lité et la soli­da­rité sont nos meilleures armes face à la mer, qui pardonne peu.

Les dona­teurs, par leur géné­ro­sité, alimentent un réseau de béné­voles qui mettent leur vie en jeu pour proté­ger les autres. Cette abné­ga­tion est l’es­sence même de la SNSM. Une asso­cia­tion où chaque acte, de la contri­bu­tion la plus modeste à l’in­ter­ven­tion la plus auda­cieuse, est un maillon de la chaîne humaine qui œuvre pour la sécu­rité et la soli­da­rité en mer.

Nico­las Renaud, Inspec­teur géné­ral pour la Médi­ter­ra­née

Témoi­gnage publié dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­­­­tage n°165 (3e trimestre 2023)