20 000 hectares de mer désormais protégés en Bretagne nord

La réserve natu­relle natio­nale des Sept-Îles a été agran­die, deve­nant la deuxième plus grande de France après celle des Bouches de Boni­fa­cio, en Corse. Ces îles de Bretagne possèdent un écosys­tème extrê­me­ment riche. Les régle­men­ta­tions évoluent pour proté­ger davan­tage la faune marine, les îles et les habi­tats marins.

l’île Rouzic
Les populations de fous de Bassan qui nichent sur l’île Rouzic ont été divisées par deux après une épidémie de grippe aviaire © Nicolas Torquet

Près de 20 000 hectares de mer et 80 hectares de terre, situés autour des Sept-Îles, dans les Côtes-d’Ar­mor, sont à présent clas­sés en réserve natu­relle. Fin juillet, l’État a annoncé l’agran­dis­se­ment de cet espace préservé, où se repro­duisent de nombreuses espèces proté­gées.

Au large de Plou­ma­nac’h, ce site natu­rel est un refuge pour de nombreuses espèces rares (voir ci-dessous), ce qui en fait un lieu très prisé des touristes. Le clas­se­ment de la zone garan­tit un meilleur habi­tat à des espèces mena­cées. « Ce projet vient renfor­cer la protec­tion d’un secteur clé pour la repro­duc­tion des oiseaux marins », a réagi Sarah El Haïry, secré­taire d’État char­gée de la biodi­ver­sité.

La réserve natu­relle, créée en 1976, passe de 280 à 19 700 hectares, soit une super­fi­cie multi­pliée par soixante-dix. Viennent s’y ajou­ter l’île de Tomé, à l’est, au large de Perros-Guirec, et l’ar­chi­pel des Tria­goz, au nord de la baie de Lannion. 

C’est une réserve naturelle unique en France. C’est le lieu de reproduction de 10 % des oiseaux marins nicheurs, mais c’est aussi la principale colonie de phoques gris, où ont lieu entre 70 % et 80 % des naissances.
Pascal Provost
Conservateur de la réseve naturelle des Sept-Îles et salarié de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)

Pour proté­ger les mammi­fères marins et les onze espèces d’oi­seaux qui s’y trouvent, certaines pratiques sont doré­na­vant inter­dites. Scoo­ters de mer, engins trac­tés ou ski nautique sont pros­crits toute l’an­née et dans l’en­semble de la réserve natu­relle. Les survols sont défen­dus à moins de 300 mètres, drones inclus. Les chiens, le bivouac et les feux sont prohi­bés.

Inter­dit de débarquer sur les îles

Il est aussi impos­sible de débarquer sur les espaces terrestres des îles, à l’ex­cep­tion de l’île aux Moines. Les visi­teurs pour­ront, en revanche, pratiquer la pêche à pied sur les estrans dans la limite des heures auto­ri­sées (trois heures avant et après les marées).

Un secteur fait l’objet d’une régle­men­ta­tion parti­cu­lière. Le pour­tour mari­time de l’île Rouzic, désor­mais classé en zone de protec­tion renfor­cée, est inter­dit au public du 1er avril au 31 août, au plus fort de la période d’ac­cou­ple­ment des oiseaux. Ce bout de terre de 3,3 hectares est le lieu de repro­duc­tion de la quasi-tota­lité des fous de Bassan français. La LPO, en colla­bo­ra­tion avec l’État, a la charge de faire respec­ter ces nouvelles régle­men­ta­tions. Toute­fois, elles n’em­pê­che­ront pas les touristes de profi­ter du secteur. « Les excur­sion­nistes vont pouvoir conti­nuer leurs visites, indique Pascal Provost. La meilleure manière pour que les gens s’ap­pro­prient le patri­moine, c’est d’être à son contact. Sur place durant cent jours par an, nous sensi­bi­li­sons chaque année des milliers de personnes à la protec­tion des oiseaux. »

« À travers cette exten­sion, la Bretagne fran­chit une étape impor­tante dans la décli­nai­son de la stra­té­gie natio­nale pour les aires proté­gées sur son terri­toire », a précisé Chris­tophe Béchu, ministre de la Tran­si­tion écolo­gique et de la Cohé­sion des terri­toires, à l’oc­ca­sion de l’inau­gu­ra­tion de l’ex­ten­sion, le 25 août 2023.

Dans l’ave­nir, l’État vise à « couvrir à terre et en mer 30 % du terri­toire français en aires proté­gées et 10 % en protec­tion forte ». Il existe actuel­le­ment dix zones de protec­tion forte en Bretagne, mais d’autres terri­toires pour­raient le deve­nir, comme l’ar­chi­pel des Ébihens.

Les espèces proté­gées de la réserve

La réserve des Sept-Îles four­mille de vie, avec plus de mille espèces animales et végé­tales. Onze espèces d’oi­seaux y sont instal­lées. La plupart sont en danger, dont trois dépendent en grande majo­rité de cette zone française. Les oiseaux et les mammi­fères marins se nour­rissent de pois­sons qui ont besoin d’un envi­ron­ne­ment sous-marin protégé pour survivre. La réserve abrite notam­ment des forêts de lami­naires, compo­sées d’algues et de diffé­rents orga­nismes végé­taux, véri­table garde-manger pour les pois­sons et donc pour leurs préda­teurs, les oiseaux.

Le fou de Bassan

Cet oiseau marin de près de 1,80 mètre d’en­ver­gure, qui effec­tue d’im­pres­sion­nants piqués dans l’eau, est le plus grand d’Eu­rope. En France, les fous de Bassan se repro­duisent presque unique­ment sur l’île Rouzic. Leur effec­tif a beau­coup dimi­nué depuis juillet 2022 car ils ont été touchés par la grippe aviaire, qui a réduit par deux le nombre d’in­di­vi­dus. Il ne reste plus aujour­d’hui que quinze nids habi­tés par des couples, beau­coup d’oi­seaux se retrou­vant céli­ba­taires.

Le Fou de Bassan
Le Macareux moine

Le maca­reux moine

Visible au prin­temps et en été, le maca­reux moine est faci­le­ment recon­nais­sable à son bec, coloré lors de sa période de repro­duc­tion. Il est présent dans l’ar­chi­pel des Sept-Îles, où la plupart de ces oiseaux se repro­duisent. Sur place, près de cent couples se sont établis. Le maca­reux moine capture les pois­sons en nageant sous l’eau, c’est d’ailleurs pour cette raison que ses ailes sont plus petites que celles du fou de Bassan. Son large bec lui permet de stocker ses proies.

Le phoque gris

Les phoques gris s’ac­couplent sur les estrans des Sept-Îles (soixante-quatorze nais­sances recen­sées en 2022). Désor­mais proté­gés, ils ont été chas­sés pour leur four­rure et leur graisse. Carni­vores, ils se nour­rissent de pois­sons, de mollusques, de crus­ta­cés et de calmars. Ils plongent jusqu’à 200 mètres de profon­deur pour trou­ver leurs proies.

Le Phoque gris

Article rédigé par Clarisse Oudit-Dalençon, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­tage n°166 (4e trimestre 2023)