Emmanuel de Oliveira, président de la SNSM : « Le bénévolat, c'est l'histoire de notre association »

Le président natio­nal de la SNSM revient sur le modèle du béné­vo­lat à la SNSM, ses évolu­tions et ses défis.

Portrait de Emmanuel de Oliveira en tenue orange
Emmanuel de Oliveira, président de la SNSM © D.R.

Les alertes sur le manque de béné­voles en France sont régu­lières. Y a-t-il des signaux inquié­tants à la SNSM ?

Je veux d’abord souli­gner que le béné­vo­lat, c’est l’his­toire de notre asso­cia­tion. Il découle direc­te­ment de la soli­da­rité des gens de mer. En arri­vant chez les Sauve­teurs en Mer, j’ai très vite compris que c’était notre ADN. S’il n’y avait plus de béné­vo­lat, ce ne serait plus la SNSM. C’est ce qui fait notre force par rapport à d’autres asso­cia­tions qui n’ont pas cet ancrage histo­rique.

Pour autant, il faut veiller à tout signal de pertur­ba­tion. On parle de crise du béné­vo­lat en France. À la SNSM, les signaux sont plus diffus. Parfois, une station dit qu’elle a du mal à recru­ter, ou bien à avoir des sauve­teurs dispo­nibles aux heures ouvrables ou qu’elle rencontre des diffi­cul­tés à rempla­cer des respon­sables, patron de station ou président. Pour autant, aucune station, aucun centre de forma­tion et d’in­ter­ven­tion n’a dû, dans les dernières années, fermer ou inter­rompre ses missions faute de béné­voles. La mission est remplie. On tient le coup.

Même s’il peut y avoir des problèmes de dispo­ni­bi­lité de béné­voles ?

Oui. Je sais très bien comment ils se débrouillent. Ce sont les autres, ceux qui se rendent dispo­nibles, qui prennent une charge plus impor­tante. Dans la société d’aujour­d’hui, beau­coup de béné­voles mani­festent une tendance au « zapping » : je m’en­gage un peu et je change souvent. Notre problème, qui est aussi la force des Sauve­teurs en Mer, c’est que nous exigeons énor­mé­ment de nos béné­voles ; ce sont des quasi-profes­sion­nels, ce qui suppose une très forte moti­va­tion. C’est très diffé­rent de l’adhé­sion à un club de pétanque, quel que soit mon respect pour la pétanque et ceux qui la pratiquent.

Les sondages montrent que l’as­so­cia­tif béné­vole peut moins comp­ter sur les retrai­tés. Comment moti­ver des jeunes ?

Une des forces de la SNSM est de rassem­bler toutes les classes sociales et tous les âges, femmes ou hommes, qui ont plai­sir à s’y retrou­ver. Et qui ne sont pas seule­ment des sauve­teurs opéra­tion­nels ! N’ou­blions jamais l’im­por­tance des équi­pages à terre, tous ces béné­voles qui apportent un soutien essen­tiel à la vie de la station et à son rayon­ne­ment sans embarquer en opéra­tion.

Chez les Sauve­teurs en Mer, on rencontre aujour­d’hui moins de retrai­tés parce qu’il y a moins de marins retrai­tés. Il faut compen­ser par la forma­tion. L’ef­fort sur la jeunesse, c’est l’in­ves­tis­se­ment dans leur parcours de forma­tion.

C’est un facteur d’at­trac­ti­vité ?

On me le dit. Beau­coup de jeunes viennent chez nous inté­res­sés par les forma­tions et les compé­tences. C’est une des raisons pour lesquelles nous entre­te­nons, par exemple, une quali­fi­ca­tion plon­geur, très moti­vante, même si les inter­ven­tions sous l’eau ne sont pas notre cœur de mission.  


Le prix de l’im­mo­bi­lier en bord de mer exclut certains candi­dats sauve­teurs, qui ne peuvent respec­ter les délais d’ap­pa­reillage des navires de sauve­tage, moins de vingt minutes en moyenne. Que faire ?

C’est un vrai sujet. Nous nous créons une obli­ga­tion. Nous n’avons pas de contrat pour respec­ter ce délai. J’en­cou­rage les stations à ne pas se priver de béné­voles habi­tant plus loin que les autres. Ils ne pour­ront pas répondre aux alertes les plus urgentes, quand des vies humaines sont en danger. Mais ils seront précieux pour remplir d’autres missions et déchar­ger l’équi­page d’ur­gence. Soyons flexibles.

Comme d’autres asso­cia­tions, la SNSM a du mal à trou­ver des personnes qui acceptent de prendre des respon­sa­bi­li­tés. Ailleurs, on voit se déve­lop­per les binômes. Qu’en pensez-vous ?

Il faut travailler en équipe, en collé­gia­lité. Nous encou­ra­geons partout la créa­tion de bureaux et de binômes, type président et président adjoint, pour que la charge puisse être répar­tie. La SNSM, avec ses cent vingt sala­riés, en a compa­ra­ti­ve­ment vingt fois moins que d’autres grandes asso­cia­tions. Nous repor­tons sur nos respon­sables béné­voles une charge de travail incom­bant ailleurs à des sala­riés.

Vous êtes le premier des béné­voles. À plein temps. Alors que votre carrière aurait certai­ne­ment pu vous ouvrir des acti­vi­tés rému­né­ra­trices. Pas de regrets ?

N’ayant plus d’en­fants à charge, j’ai le privi­lège de ne pas avoir de soucis d’ar­gent. Le béné­vo­lat est, pour moi, un épanouis­se­ment formi­dable. J’aime le contact humain, j’aime cet équi­page. Mais cela tien­dra, comme pour tous les béné­voles, tant que ma famille, ma femme tien­dront. Il faut que les familles suivent. Nous ne mettons jamais assez l’ac­cent sur ce soutien des proches de béné­voles, qui est indis­pen­sable à la bonne marche des Sauve­teurs en Mer.

On entend aussi dire que la forma­tion est chro­no­phage, qu’il y a trop de prérequis ; le brevet de secou­riste, par exemple. Restera-t-elle forte­ment conseillée, mais pas obli­ga­toire, notam­ment pour les stations qui forment par trans­mis­sion des anciens aux nouveaux ?

Notre système de forma­tion est assez récent. Donnons-nous le temps de l’ob­ser­ver et posons-nous cette ques­tion dans deux ans. Pour ce qui est des prérequis, je rencontre souvent des béné­voles pres­sés d’ac­qué­rir les plus hautes quali­fi­ca­tions. Cela me fait plai­sir. Mais je pense que c’est bien d’avoir un parcours avec des étapes avant d’at­teindre le but ultime, qui est de comman­der en opéra­tion.

Pour ce qui est du temps passé, la SNSM a réussi à faire inscrire ses forma­tions au RNCP (Réper­toire natio­nal des certi­fi­ca­tions profes­sion­nelles, ndlr). Résul­tat concret, les actifs peuvent prendre du temps de forma­tion comme sauve­teur sur leur temps de forma­tion profes­sion­nelle et plus seule­ment sur leurs congés.

Les Sauve­teurs en Mer les plus âgés sont pris entre un âge de départ à la retraite qui s’ac­croît et la limite d’âge qui ne leur permet plus de sortir en opéra­tion. Que faire ?

Ce sujet ne sera jamais clos. Nous avons déjà assou­pli et reculé la limite d’âge dans les instruc­tions géné­rales de la SNSM. Il faudra sans doute y reve­nir dans les prochaines années. En tenant toujours compte de l’ex­per­tise de notre commis­sion médi­cale, car ce sont les risques qui justi­fient ces limites.

Propos recueillis par Jean-Claude Hazera, publiés dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­­­­tage n°167 (1e trimestre 2024)