Les Sauveteurs en Mer présents à l’Armada de Rouen

Les béné­voles de la SNSM ont parti­cipé au dispo­si­tif prévi­sion­nel de secours de l’Ar­mada de Rouen, qui a rassem­blé quelques-uns des plus grands voiliers du monde du 8 au 18 juin 2023. Il a fallu plusieurs années pour orga­ni­ser une équipe de quelque deux cents sauve­teurs. Repor­tage à leurs côtés sur les eaux de la Seine.

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Quelques-uns des plus grands voiliers du monde sont réunis sur la Seine, à Rouen, à l’occasion de l’Armada. © SNSM

Si le capi­taine Haddock devait rencon­trer Jack Spar­row, ça pour­rait être là. L’Ar­mada de Rouen, qui a lieu tous les quatre à six ans, est un rassem­ble­ment cosmo­po­lite et bigarré de bateaux et d’équi­pages. Certains ont parcouru des milliers de milles pour y parti­ci­per. « Nous sommes très fiers que les gens puissent visi­ter notre navire, souligne le capi­taine Pedroza, marin mexi­cain à l’uni­forme bardé de médailles. D’autres équi­pages d’Amé­rique du Sud sont venus pour l’oc­ca­sion. »

Entre bateaux et touristes, les quais de la Seine sont noirs de monde. Le trois-mâts mexi­cain Cuauh­té­moc est amarré à côté de la réplique d’un navire français du corsaire Surcouf : Le Renard. D’autres voiliers inter­na­tio­naux, comme le portu­gais Santa Maria Manuela et le polo­nais Dar Mlod­ziezy, forment une flotte anachro­nique et spec­ta­cu­laire. Les visi­teurs s’ex­clament devant ces bâti­ments d’un autre temps. Leurs effu­sions se perdent dans un brou­haha de musique et d’émis­sions de radio dédiées à l’évé­ne­ment.

Les visi­teurs font la queue pour monter sur les navires, dont certains des plus grands voiliers du monde, et échan­ger avec les marins. Près de ces bâti­ments impo­sants, les semi-rigides de la SNSM et des pompiers enchaînent les rondes entre les berges et surveillent la surface de l’eau tout autour. Un dispo­si­tif qui a néces­sité de longs mois de prépa­ra­tion. « On me parle de l’Ar­mada depuis octobre 2021, indique une capi­taine des pompiers. La présence de la SNSM est un véri­table avan­tage pour la partie nautique. »

Surveillance de 10 heures à 2 heures

« Il faut répar­tir les sauve­teurs sur l’en­semble de la Seine et orga­ni­ser les roule­ments, précise Arnaud Kurzenne, inspec­teur des nageurs sauve­teurs (NS). Il y a trois équipes en jour­née et trois en soirée.  » À l’image des équi­pages, les sauve­teurs viennent d’ho­ri­zons diffé­rents. Il y a les locaux du centre de forma­tion et d’in­ter­ven­tion (CFI) de Rouen, mais aussi des béné­voles venus de loin, comme Syrine et Flori­mond, deux Lillois. Sur place pour cinq jours, ils vont vivre leur première Armada. « Nous avons rare­ment la possi­bi­lité de parti­ci­per à des dispo­si­tifs nautiques, expliquent-ils. C’était une belle occa­sion.  »

Les deux Nordistes forment un groupe avec Stéphane, un sauve­teur embarqué, à bord du semi-rigide SNS 641. Le trio fait partie des équipes diurnes, qui opèrent de 10 heures à 18 heures. Des groupes nocturnes prennent ensuite le relais jusqu’à la fin des concerts et des feux d’ar­ti­fice, vers 2 heures.

Les touristes se massent sur le quai face au Cano­pée, navire conçu pour trans­por­ter des éléments de la fusée Ariane 6. Derrière ce cargo de 121 mètres aux quatre « ailes » arti­cu­lées, les visi­teurs les plus atten­tifs peuvent entendre le moteur du SNS 641. Le semi-rigide est un lilli­pu­tien face à ces géants de mer. Il conti­nue sa ronde et arrive à proxi­mité du Crocus M917 et du Lobe­lia M921. Sur le pont de ces chas­seurs de mines de la marine belge, un soldat en treillis bleu les remarque. « Tout va bien ?  », lui demande Stéphane. Le mili­taire acquiesce par un signe amical.

Les béné­voles pour­suivent leur surveillance sous les puis­sants rayons du soleil. « Il fait chaud dans la combi­nai­son, mais elle nous protège des UV », explique Syrine en appliquant de la crème solaire sur son visage. Heureu­se­ment, les courants d’air provoqués par les dépla­ce­ments sur le bateau rafraî­chissent l’équi­page.

La ronde du SNS 641 le mène devant le stand des Sauve­teurs en Mer. Un coup de klaxon de l’équi­page salue les béné­voles qui proposent des produits déri­vés et présentent l’as­so­cia­tion aux prome­neurs. Puis Syrine, Flori­mond et Stéphane passent à proxi­mité de la frégate corsaire Étoile du Roy. Ce navire datant de 1745 est venu de Saint-Malo pour l’Ar­mada. Les sauve­teurs contemplent son impo­sante voilure de 800 m², mais doivent rester vigi­lants. « Regar­dez l’em­bar­ca­tion derrière nous, aver­tit Stéphane en montrant un navire de touristes. Il y a plusieurs centaines de personnes à bord. »

Les béné­voles inter­viennent pour… un tronc d’arbre

Les sauve­teurs n’ont pas encore eu à inter­ve­nir, mais la vigi­lance est constante. Ils peuvent être solli­ci­tés pour tout inci­dent sur le fleuve. « SNS 641 de PC nautique, il y a un tronc d’arbre dans votre zone », crépite la radio de Flori­mond. L’équi­page se dirige vers l’im­po­sant morceau de bois et parvient à le hisser à bord. « Heur­ter cette souche abîme­rait un bateau », commente Stéphane, les mains pleines d’écorce, avant de dépo­ser le tronc sur le quai le plus proche.

Après de longues heures passées à navi­guer, les béné­voles de jour­née quittent leurs bateaux. Ils échangent avec leurs remplaçants. Les zones dange­reuses, le fonc­tion­ne­ment du festi­val… tous les détails sont trans­mis aux équi­pages nocturnes, qui écoutent atten­ti­ve­ment.

Syrine, Flori­mond, Stéphane et leurs cama­rades de la jour­née prennent la direc­tion de la base nautique de Hénou­ville, à un quart d’heure de Rouen. C’est dans cet endroit buco­lique, au bord de la Seine, que les béné­voles sont logés pendant dix jours. Après une jour­née sous près de 30°C, les sauve­teurs se libèrent de leurs chaudes combi­nai­sons en Néoprène®. « On peut enfin respi­rer », souffle Syrine.

La Lilloise dresse le bilan de sa jour­née avec ses collègues. « Je suis heureuse de parti­ci­per à un dispo­si­tif d’une telle ampleur, assure-t-elle. Même si les heures passées en plein soleil sont fati­gantes.  » S’il leur reste un peu d’éner­gie, Syrine et les sauve­teurs du jour pour­ront se muer en touristes pour profi­ter des concerts et des feux d’ar­ti­fi­ce… mais toujours sous la vigi­lance de leurs cama­rades en semi-rigide.

Rémy Videau

Equipes de sauveteurs
Six équipes de sauve­teurs se relaient à la surveillance. © SNSM

L’Armada de Rouen, 7 000 marins pour 6 millions de visiteurs

Non, l’Ar­mada n’est pas que le nom de la flotte du roi d’Es­pagne Philippe II. C’est aussi celui du festi­val nautique qui se déroule à Rouen tous les quatre à six ans. Pendant une dizaine de jours, des bateaux venus du monde entier s’ouvrent au public depuis les quais de Seine. Six millions de visi­teurs et sept mille marins parti­cipent à cette mani­fes­ta­tion gratuite.

En 1989 a lieu une course de multi­coques ralliant Rouen à New York. L’évé­ne­ment commé­more les cent ans de la traver­sée de la statue de la Liberté vers les États-Unis. Une course d’objets flot­tants non iden­ti­fiés et un défilé dans les rues de Rouen trans­forment le départ en une grande fête. L’Ar­mada de Rouen vient de naître.

L’en­goue­ment popu­laire autour de la première édition pousse les élus à en faire une fête régu­lière. L’Ar­mada enri­chit son programme avec des concerts gratuits, des feux d’ar­ti­fice et des stands desti­nés à mettre les produits du terri­toire en lumière. En plus des marins venus du monde entier, près de mille trois cents jour­na­listes couvrent désor­mais l’évé­ne­ment, dont la neuvième édition aura lieu en 2027.

Article rédigé par Rémy Videau, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­tage n°165 (3e trimestre 2023)