Une tempête impétueuse décime la flotte de thoniers français

Une tempête d’une rare violence s’est abat­tue sur l’ouest de la France les 19 et 20 septembre 1930. De nombreux navires ont malheu­reu­se­ment sombré. Et les sauve­teurs de Saint-Jean-de-Luz ont dû porter assis­tance au roi d’Es­pagne.

Le Gaulois, canot bimoteur de 11 m sur un rampe de mise à l'eau
Le Gaulois, canot bimoteur de 11 m lancé en 1925, qui vint au secours du roi d’Espagne Alphonse XIII qui participait à une régate © DR

Les évène­ments météo­ro­lo­giques violents, comme le coup de vent qui a souf­flé sur la Corse le 18 août, sont aujour­d’hui très discu­tés. Les commen­ta­teurs mettent en avant l’aug­men­ta­tion de leur fréquence et de leur sévé­rité en se réfé­rant aux inven­taires de Météo-France. Mais les archives de la SNSM, qui remontent à 1825, montrent que les coups de tabac des siècles derniers pouvaient aussi être d’une puis­sance extrême, avec des vents de forces 10 à 12 et des creux de plus de 20 mètres. Ce fut d’ailleurs l’une des raisons de la créa­tion des socié­tés de sauve­tage au XIXe siècle. La tempête des 19 et 20 septembre 1930 a été l’une des plus brutales. Elle affecta parti­cu­liè­re­ment la Bretagne et le golfe de Gascogne, ce dernier étant consi­déré par les marins profes­sion­nels comme l’un des endroits les plus dange­reux de la planète.

Combiné aux marées d’équi­noxe, cet événe­ment a surpris par sa soudai­neté et son excep­tion­nelle inten­sité la flotte des dundees* bretons en pleine pêche au thon. Ces navires étant très éloi­gnés des côtes, l’am­pleur du sinistre ne fut comprise que plusieurs semaines après. « Et puis les jours et les nuits passèrent. Peu à peu, un, deux, trois des dundees et plus dont on était sans nouvelles rentrèrent tant dans les ports du Morbi­han que dans ceux du Sud-Finis­tère. Un faible espoir était encore dans les cœurs. Et puis, plus rien. » Le jour­nal Ouest-Éclair du 21 octobre 1930, tradui­sit ainsi l’im­mense inquié­tude de la popu­la­tion à terre. Le bilan de cette catas­trophe fut terrible pour les thoniers : 27 dundees perdus corps et biens, 437 endom­ma­gés dont 55 à peu près détruits, 207 morts ou dispa­rus, 127 veuves et 204 orphe­lins.

 Le roi d’Espagne Alphonse XIII
© D.R.

Un roi dans la tempête

Sur toute la côte Atlan­tique, les inter­ven­tions des sauve­teurs permirent de réduire le nombre de victimes en sauvant plus d’une cinquan­taine de marins et navi­ga­teurs. En parti­cu­lier à Audierne, Saint-Jean-de-Luz, Étel, sur l’île de Sein ou encore aux Sables d’Olonne, où les canots passèrent de longues nuits dans la tempête. En témoignent les prix d’hon­neur et médailles remis aux stations et équi­pages à l’époque. Le canot Le Gaulois, de Saint-Jean de-Luz, se distin­gua parti­cu­liè­re­ment en sauvant un naufragé de marque : le roi d’Es­pagne Alphonse XIII, qui parti­ci­pait à une régate orga­ni­sée par le Yacht-club de Ciboure. En une jour­née et une nuit, les sauve­teurs rame­nèrent à terre 31 navi­ga­teurs et remorquèrent plusieurs yachts venus de diffé­rents pays, ce qui leur valut plusieurs récom­penses.

* Dundee : grand navire à deux mâts au grée­ment quadran­gu­laire

Article rédigé par Jean-Patrick Marcq, diffusé dans le maga­­­­zine Sauve­­­­tage n°162 (4ème trimestre 2022)