« Nos bénévoles ne sont pas des amateurs » : entretien avec le directeur de la formation des Sauveteurs en Mer

Béné­vole pendant trente ans, Didier Moreau est désor­mais direc­teur de la forma­tion de la SNSM. Voilà quinze ans qu’il met patiem­ment en place les ensei­gne­ments à desti­na­tion des sauve­teurs, avec l’aide des forma­teurs béné­voles de l’as­so­cia­tion. Des ensei­gne­ments dispen­sés au Pôle natio­nal de forma­tion à Saint-Nazaire et par les soutiens locaux de forma­tion, qui inter­viennent direc­te­ment dans les stations de sauve­tage.

Didier Moreau
Didier Moreau, directeur de la formation © Nicolas Sivan

Pourquoi la forma­tion est-elle néces­saire pour les Sauve­teurs en Mer ?

Parce que, en matière de forma­tion, la SNSM a deux prio­ri­tés : la sécu­rité de ses béné­voles et leur effi­ca­cité opéra­tion­nelle, ce qui demande de les équi­per et de les prépa­rer à leurs missions. Pour y parve­nir, la forma­tion est complé­men­taire du compa­gnon­nage et des entraî­ne­ments réali­sés dans les stations. Elle est orga­ni­sée autour de modules et de stages, où l’on apprend les meilleures pratiques. La forma­tion « équi­pier de pont », c’est vrai­ment le socle de connais­sances de base. Elle est pensée de manière à être certains que le béné­vole maîtrise le prin­ci­pal : sécu­rité indi­vi­duelle à bord, sécu­rité collec­tive et tenir son rôle sur un pont. Atten­tion, nous n’obli­geons personne à reprendre le parcours à zéro. Un nouveau venu qui a une grande habi­tude de la navi­ga­tion ne sera pas forcé à suivre les forma­tions de base. Chacun s’in­tègre dans le parcours à l’étape où il pense avoir besoin.

Nous avons créé des parcours de qualification qui permettent à un sauveteur de s’affirmer au fur et à mesure des formations.
Didier Moreau
Directeur de la formation à la SNSM

La forma­tion des sauve­teurs a-t-elle évolué depuis ses débuts ?

L’évo­lu­tion est consi­dé­rable. La prio­rité, à l’ori­gine, était de former des patrons, qui forme­raient ensuite l’équi­page. Mais, les stagiaires ne maîtrisent pas toujours, et d’ailleurs de moins en moins fréquem­ment, le socle de connais­sances de base, car ils n’ont pas tous un vécu marin. Ils sont désor­mais insti­tu­teurs, agents immo­bi­liers, arti­sans et bien d’autres choses encore. Au-delà de la profes­sion exer­cée, le béné­vole d’aujour­d’hui n’est plus celui d’hier dans ses aspi­ra­tions. Avant, si on était mate­lot à la pêche, on était mate­lot à la SNSM. Si on était patron à la pêche, on était patron à la SNSM. Aujour­d’hui, si l’on veut qu’un béné­vole se réalise dans son enga­ge­ment, s’in­ves­tisse et prenne des respon­sa­bi­li­tés, l’ac­com­pa­gner et lui donner des pers­pec­tives est indis­pen­sable. C’est pourquoi nous avons créé des parcours de quali­fi­ca­tion, qui permettent à un sauve­teur de s’af­fir­mer au fur et à mesure des forma­tions, jusqu’à pouvoir deve­nir patron d’une embar­ca­tion, par exemple.

Et d’un point de vue tech­nique, l’en­sei­gne­ment a-t-il été modi­fié ?

La tech­nique a énor­mé­ment changé au fil des ans. On dispose de nouveaux outils, comme des carto­gra­phies élec­tro­niques, des radars plus précis, des sondeurs… La manière de gérer son équi­page et la mission a aussi beau­coup évolué. Avant, le patron du bateau était un homme-orchestre qui faisait tout, avec un équi­page à sa dispo­si­tion. Aujour­d’hui, on a un vrai travail d’équipe. La fonc­tion de patron n’est plus unique­ment de conduire le bateau, mais de conduire la mission et faire en sorte que chacun tienne son rôle à bord. Quand ils inter­viennent, ils ont anti­cipé la prépa­ra­tion des équi­pe­ments, le rôle de chacun à bord et la manière d’opé­rer. Nos béné­voles ne sont pas des amateurs.

Y a-t-il des quali­tés néces­saires pour deve­nir sauve­teur embarqué ?

Tout le monde peut le deve­nir en s’im­pliquant. Mais je dirais qu’il faut avoir envie de servir les autres et une bonne capa­cité à travailler en équipe. Dispo­ser d’as­sez de carac­tère pour se confron­ter à la mer est impor­tant, mais pas de trop d’ego pour pouvoir agir en groupe. Il est aussi essen­tiel de savoir abor­der la mer avec humi­lité, car elle ne manque jamais une occa­sion de nous rappe­ler à l’ordre.

Article rédigé par Nico­­­las Sivan, diffusé dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­­­tage n°165 (3ème trimestre 2023)