Hervé Berville, secrétaire d’État à la mer

Nommé secré­taire d’État à la Mer au mois de juillet 2022, Hervé Berville a déjà rendu plusieurs fois visite aux Sauve­teurs en Mer. L’an­cien député breton revient sur ses liens avec l’as­so­cia­tion et le soutien que peut appor­ter l’État pour l’ai­der à rele­ver les défis qui l’at­tendent.

Hervé Berville, le nouveau secrétaire d'État à la Mer
Hervé Berville, 32 ans, est le nouveau secrétaire d'État à la Mer. Il était auparavant député des Côtes d'Armor © Secrétariat d'Etat chargé de la Mer

Vous avez grandi dans les Côtes d’Ar­mor. Y avez-vous côtoyé des Sauve­teurs en Mer ? Quels rapports entre­te­nez-vous avec l’as­so­cia­tion ?

Hervé Berville : Je suis né au Rwanda, mais j’ai eu la chance de gran­dir dans les Côtes d’Ar­mor, avec la mer pour hori­zon, et j’ai donc côtoyé la SNSM. À terre, lors de sa présence à des mani­fes­ta­tions locales pour mieux faire connaître l’as­so­cia­tion, ou quand je lisais les récits des inter­ven­tions en mer. Comme beau­coup de Bretons et de Français, j’ai beau­coup d’ad­mi­ra­tion pour cette asso­cia­tion, pour tous ceux qui en font partie et qui la font vivre. J’ai la chance d’avoir cinq stations SNSM dans ma circons­crip­tion [NDLR : Hervé Berville est député de la deuxième circons­crip­tion des Côtes d’Ar­mor, depuis juin 2017], ce qui est assez rare, et je vois chaque jour le travail de l’as­so­cia­tion. J’en­tre­tiens avec elle – je le crois et je l’es­père – un lien de confiance, mais aussi d’ami­tié à travers les personnes qui y sont enga­gées et que je connais.

Quel regard portez-vous sur le modèle béné­vole de la SNSM ?

H.B. : Le modèle béné­vole de la SNSM, j’en suis convaincu, fait la fierté de nos terri­toires et de notre pays. Il est emblé­ma­tique de l’idée d’en­ga­ge­ment que le président de la Répu­blique souhaite encou­ra­ger et valo­ri­ser dans toute la société avec, par exemple, le Service natio­nal univer­sel [NDLR : qui permet aux 15–17 ans le souhai­tant de parti­ci­per à un séjour de cohé­sion, une mission d’in­té­rêt géné­ral et un enga­ge­ment volon­taire]. Je mesure, à chacun de mes dépla­ce­ments sur le litto­ral dans les diffé­rentes stations, l’en­ga­ge­ment des béné­voles, mais aussi leur capa­cité à répondre aux spéci­fi­ci­tés de nos côtes. Tous ces béné­voles prennent du temps person­nel, fami­lial, pour secou­rir les autres au péril de leur vie. N’ou­blions pas que ce système repose sur une soli­da­rité exem­plaire entre gens de mer, qui nous inspire.

Hervé Berville serrant la main d'un Sauveteur en Mer
Hervé Berville a déjà rendu visite plusieurs fois aux Sauve­teurs en Mer © Natha­lie Picot

La fréquen­ta­tion du litto­ral français a beau­coup augmenté. Dans cet espace limité coha­bitent anciens usages – pêche, trans­port mari­time, plai­san­ce… – et nouveaux usages – éolien en mer, aqua­cul­tu­re… Comment les conci­lier ?

H.B. : On assiste effec­ti­ve­ment à une augmen­ta­tion et une densi­fi­ca­tion des acti­vi­tés en mer, cette mer qui est un bien commun de l’hu­ma­nité. L’une de mes prio­ri­tés est la plani­fi­ca­tion mari­time, pour une meilleure coha­bi­ta­tion de tous ces usages, ce qui implique, bien sûr, de renfor­cer les secours et la surveillance, la lutte contre les compor­te­ments dange­reux, et donc d’ac­cen­tuer l’ac­tion et la coor­di­na­tion de l’État en mer. Concrè­te­ment, la plani­fi­ca­tion, c’est un travail fin à mener sur toutes nos côtes, avec les élus locaux, avec les profes­sion­nels de la mer, les ONG, les syndi­cats, et qui va nous permettre, comme nous le faisons à terre, d’avoir dans le temps une stra­té­gie et une feuille de route concrètes pour gérer l’es­pace mari­time et atteindre nos objec­tifs clima­tiques, éner­gé­tiques et écono­miques.

Vous avez pour ambi­tion d’ac­cé­lé­rer la décar­bo­na­tion du secteur mari­time. Quels sont les prin­ci­paux axes d’amé­lio­ra­tion et comment la SNSM peut-elle y parti­ci­per ?

H.B. : La décar­bo­na­tion du secteur mari­time est un impé­ra­tif pour réduire notre dépen­dance aux éner­gies fossiles, c’est une ques­tion d’ef­fi­ca­cité éner­gé­tique, et puis c’est ce que l’on doit aux géné­ra­tions futures pour atteindre la neutra­lité carbone que nous nous sommes fixée au sein de l’Union euro­péenne en 2050. Nous avons l’objec­tif ambi­tieux d’ar­ri­ver au navire zéro émis­sion, pour le trans­port mari­time bien sûr, mais aussi pour toutes les caté­go­ries de navires, comme la pêche, la plai­sance ou les secours en mer.

Je porte la « mari­ti­mi­sa­tion » beau­coup plus forte du plan d’in­ves­tis­se­ment France  2030 pour que le secteur béné­fi­cie de plus de moyens finan­ciers. Dans le même temps, le minis­tère de la Mer inves­tit, dès cette année, pour la décar­bo­na­tion des navires de pêche avec un plan de 6 millions d’eu­ros. En lien avec les acteurs de l’éco­no­mie mari­time et les collec­ti­vi­tés locales, nous déployons égale­ment une stra­té­gie natio­nale portuaire, qui comprend notam­ment l’ac­cé­lé­ra­tion de l’élec­tri­fi­ca­tion à quai, comme par exemple à Marseille, pour 40 millions d’eu­ros. Vous le voyez dans cette ambi­tion collec­tive, la SNSM a toute sa place et toute sa part, et je tiens à saluer, à ce sujet, les réflexions de l’as­so­cia­tion pour doter les derniers navires acquis des dispo­si­tifs limi­tant les émis­sions polluantes.

La SNSM va inves­tir 95 millions d’eu­ros pour renou­ve­ler cent vingt bateaux de sa flotte d’ici  2027. L’État accom­pa­gnera-t-il notre asso­cia­tion dans ce déve­lop­pe­ment ?

H.B. : Depuis 2018, l’État a consi­dé­ra­ble­ment renforcé son accom­pa­gne­ment et son soutien à l’as­so­cia­tion et nous conti­nue­rons à le faire. En quatre ans, les soutiens ont été multi­pliés par quatre, ce qui est néces­saire et légi­time au regard des missions réali­sées. J’ai rencon­tré, dès les premiers jours de ma prise de fonc­tions, le président de la SNSM, l’ami­ral Emma­nuel de Oliveira, et nous travaillons au déploie­ment d’une feuille de route, dont nous allons suivre de près l’ap­pli­ca­tion, car nous devons assu­rer la péren­nité du modèle de l’as­so­cia­tion, conti­nuer d’at­ti­rer des béné­voles et accé­lé­rer la moder­ni­sa­tion de la flotte. Par ailleurs, dans le budget de cette année, nous main­te­nons notre soutien à hauteur de 10 millions d’eu­ros par an et je me permets de termi­ner sur l’ac­com­pa­gne­ment, en évoquant la part de la taxe sur les éoliennes en mer, qui va permettre de faire face aux défis de la SNSM.

Nos béné­voles sont de moins en moins issus du monde mari­time. En réponse, la SNSM a déve­loppé de nombreux parcours de forma­tion, notam­ment dans la méca­nique. Le secteur asso­cia­tif a-t-il un rôle à jouer dans l’em­ploya­bi­lité du secteur mari­time ?

H.B. : Le modèle asso­cia­tif est effec­ti­ve­ment en pleine trans­for­ma­tion et nous devons faire de cette réalité une oppor­tu­nité : je crois que ce chan­ge­ment peut consti­tuer une porte d’en­trée vers les métiers du monde mari­time. Le parcours de forma­tion déve­loppé par la SNSM repose d’ailleurs sur des savoirs parta­gés par d’autres établis­se­ments et admi­nis­tra­tions : les Affaires mari­times, l’Of­fice français de la biodi­ver­sité, l’Ifre­mer, la police natio­nale, la sécu­rité civile. Le socle de connais­sances qui a été fixé pour partir en mer pour ces béné­voles est fina­le­ment assez proche des normes appliquées aux marins profes­sion­nels, et cela doit être l’op­por­tu­nité de créer des passe­relles entre les deux.

Le métier de marin se découvre aussi par cette entrée asso­cia­tive : elle doit permettre aux nouveaux béné­voles d’y prendre goût et d’y trou­ver le sel qui pousse d’or­di­naire les gens de mer à l’aven­ture mari­time ! Enfin, je ne peux pas évoquer les béné­voles sans avoir une pensée pour leurs familles, qui vivent aussi chaque jour plei­ne­ment cet enga­ge­ment à leurs côtés, et notam­ment les proches des trois sauve­teurs qui ont perdu la vie aux Sables d’Olonne en juin 2019 et qui ont été recon­nus il y a moins d’un mois « Morts pour le service de la Répu­blique ».

Propos recueillis par la Rédac­tion, diffu­sés dans le maga­­­zine Sauve­­­tage n°162 (4ème trimestre 2022)